vendredi 11 novembre 2022

BIBLIOGRAPHIE 62 : DICTIONNAIRE DU TIRE-BOUCHON FRANCAIS Gérard BIDAULT

 
Amis lecteurs, bonjour !


Travaillant à l'écriture de mon dernier article :
je suis allé chercher des informations dans les livres de Gérard Bidault. 
Et je me suis rendu compte alors qu'un article que je croyais vous avoir déjà livré, attendait depuis des semaines que j'appuie sur le bon bouton !

C'est donc avec retard que je vous propose de découvrir un ouvrage qui décidément manquait à nos bibliothèques hélixophiles, jusqu'à ce que Gérard Bidault ne comble ce vide !

Voici donc la fiche manquante et pourtant évidente, ... comme l'était La lettre volée dans la nouvelle d'Edgar Poe !


BIBLIOGRAPHIE 62 : DICTIONNAIRE DU TIRE-BOUCHON FRANCAIS 
par Gérard BIDAULT


On ne présente plus Gérard Bidault, fondateur et premier Président du Club Français du Tire-Bouchon, l'infatigable chercheur qui a su ouvrir toutes les portes, accumuler, trier et mettre à disposition une irremplaçable documentation.

Son dernier (?) ouvrage est un nouvel outil qu'il met à notre disposition pour nos recherches hélixophiles : il m'est d'ores et déjà indispensable !




Dictionnaire du Tire-bouchon Français
Une de couverture



Recherche sur Emile Moreau




Mais vous découvrirez ça par vous-même...
Voici ma fiche :





Une mine de renseignements... heureux sont ceux qui ont pu acquérir cet ouvrage au tirage très limité !
Quant aux autres, qu'ils n'hésitent pas à me solliciter pour leurs recherches : j'essaierai de les aider.


M



lundi 7 novembre 2022

ALUMINIUM ET TIRE-BOUCHONS : UN CATALOGUE DE 1909

 Amis hélixophiles, bonsoir !


Je veux vous présenter ce soir un catalogue ancien trouvé il y a quelque temps :
Le catalogue A. & H. MOREAU, album H 1909.

Ce catalogue est dédié à l'aluminium dans les arts de la table et, bien sûr, on y retrouve des tire-bouchons.
Bien sûr aussi, il nous pose plus de questions qu'il ne livre de réponses.
Et, comme tous les autres catalogues, ce document à usage purement commercial nous parle aussi de son époque : la petite histoire rejoint alors la grande.



Couverture du catalogue A. & H. Moreau



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La famille Moreau


Evoquons tout d'abord les informations dont nous disposons concernant l'entreprise A. & H. Moreau. 
Nous en devons une partie au  Dictionnaire du Tire-bouchon Français de Gérard Bidault :
- L'entreprise a été créée par Emile Moreau, ingénieur-quincailler et fabricant (de cadenas notamment) figurant de 1868 à 1873 "à la rubrique tire-bouchons des annuaires du commerce."
Charles Emile Moreau est né à Sens en 1820 et est décédé à Paris en 1905. De son mariage avec Marie Joséphine Dehansy (1828-1905) sont nés cinq enfants, quatre garçons : Charles Marie Eugène, Marie Joseph Alphonse, Henri Marie Louis, Emile Léon Marie et une fille : Marie Eugénie Stéphanie.
- Dans les années 1880, Emile Moreau s'installe avec ses deuxième et troisième fils, Alphonse et Henri, à Paris au 31 rue du Petit-Musc (4ème Arrondissement).
- Alphonse et Henri  reprendront l'affaire après le décès de leur père en 1905 sous la raison sociale A. & H. Moreau, pour Alphonse et Henri Moreau. Plus tard, après le décès d'Alphonse, Henri poursuivra l'activité avec un neveu, sous la raison sociale Moreau (H.) Fils et Neveu (Didot-Bottin 1922).
- Coïncidence qui ravira nombre de nos lecteurs : par le mariage de sa fille Marie Eugénie Stéphanie en 1884, Emile Moreau devient le beau-père d'Aimable Henri Adolphe Pecquet (1858-1940), Pecquet, fabricant bien connu des hélixophiles ! Le couple n'aura pas de descendance.
- Gérard Bidault nous indique que l'entreprise d'Emile Moreau disposait d'une usine de fabrication à Fressenneville dans la Somme. "Il y poursuit la fabrication de quincaillerie, cadenas et serrures mais pour les tire-bouchons, il est juste dépositaire de la maison Pecquet et du modèle Lelièvre".
On verra cependant qu'un autre fabricant de tire-bouchons est représenté dans notre catalogue. 
On notera aussi qu'une seconde usine Moreau est installée plus tardivement à Sourdeval-la-Barre dans la Manche (Sourdeval où s'établira bientôt l'usine de couverts en acier d'Emile Degrenne, le père du célèbre Guy Degrenne). 




Didot-Bottin, 1922



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L'album Moreau


Avant de nous intéresser aux tire-bouchons, il nous faut examiner attentivement notre document.
Que pouvons-nous en dire ?
Son titre est clairement évocateur :

EXTRACTION & FABRICATION FRANCAISES
ALUMINIUM
PUR & MASSIF
GARANTI A 99% DE PURETE

Il a aussi l'avantage d'être daté : c'est "l'album" H de 1909, soit quatre années après le décès du fondateur, Emile Moreau
C'est un "album", c'est-à-dire un livre contenant avant tout des images, des illustrations destinées à faciliter le choix des clients. La lettre "H", huitième de l'alphabet, signifie probablement qu'il s'agit de la huitième édition de l'album.

Quant à la forme, cet album compte 16 pages, couverture incluse, d'un format 21,5 x 27,5 cm.
Réalisé sur la base de gravures fournies par l'entreprise A. & H. Moreau, il a été mis en forme et imprimé en noir et blanc par l'imprimerie H. Cornilleau, sise elle aussi à Sourdeval-la-Barre, dans le département de la Manche en Normandie.
Les objets présentés ont en commun d'être destinés à des usages domestiques et d'être en "aluminium pur et massif".
On y trouve ainsi :
- des services de table, de la coutellerie - incluant des tire-bouchons -, 
- des ustensiles de cuisine : casseroles, marmites, poêles, soupières, plats, cale-assiettes, boîtes à lait, entonnoirs..., 
- mais aussi des abat-jour, bougeoirs, services de fumeur, crachoirs d'hospice ou de poche, coups de poing américains, rasoirs, chaînes...

Quant au fond, l'inventivité revendiquée par l'entreprise Moreau ne tient pas à la modernité des objets présentés, mais à l'utilisation généralisée de l'aluminium pour leur fabrication. 
L'aluminium est vanté ici comme alliant beaucoup d'avantages sur les autres métaux utilisés alors : cuivre, nickel, fer étamé, "le cuivre parce qu'il a besoin de trop fréquents étamages et demande de grands soins si on ne veut pas absorber de vert de gris, le nickel parce qu'il est trop cher [...], le fer étamé [...] rapidement et entièrement hors de service."
Un nouveau procédé de fabrication de l'aluminium vient tout juste de changer les cartes... 


Quand l'aluminium valait de l'or


Pour mieux comprendre l'argumentaire déployé par les frères Moreau, il nous faut faire un retour en arrière.
On l'a dit ci-dessus, Emile Moreau est ingénieur-quincailler et fabrique des cadenas entre 1868 à 1873. Il n'accède probablement pas alors à l'aluminium. 
A cette époque en effet, et depuis le procédé développé par le célèbre chimiste Henri Sainte-Claire Deville en1854, l'aluminium est fabriqué chimiquement. La fabrication est cependant si coûteuse que ce métal est considéré comme aussi précieux que l'or. 
Ce n'est qu'à partir de 1890 - époque où les fils Moreau sont associés à leur père -  que le procédé de fabrication électrolytique est mis au point, permettant une production de masse : le cours de l'aluminium s'effondre alors, en même temps que son utilisation se démocratise. 

Un article de David Bourgarit et Jean Plateau, accessible sur https://library.em-lyon.com/nous éclaire ; en voici un extrait :

Quand l'aluminium valait de l'or : peut-on reconnaître un aluminium "chimique" d'un aluminium "électrolytique" ?
Bourgarit, David ; Plateau, Jean
Journal: ArchéoSciences, n 29, 1, 2005-03-01, pp.9-9

À partir de 1854, Sainte-Claire Deville développe progressivement un procédé chimique industriel de fabrication de l'aluminium fondé sur la réduction du chlorure d'aluminium par le sodium. Le nouveau métal fait sensation et rivalise avec les métaux les plus précieux : bijoux, objets de prestige sont alors fabriqués, et Napoléon III en personne passe commande. Il faut dire que pendant une trentaine d'années, l'aluminium reste cher à produire et donc rare. La France est alors pratiquement seule à en fabriquer. Ce n'est qu'à partir de 1890 que le procédé électrolytique encore en vigueur aujourd'hui est mis au point. Il remplace le procédé chimique et autorise une production de masse : l'aluminium perd ses lettres de noblesse. Ce faisant, l'aluminium entre dans l'histoire des techniques, selon deux grandes périodes, l'âge "chimique" et l'âge "électrolytique". 

Une autre illustration trouvée sur le site https://www.cite-sciences.fr complète cet éclairage :

"En 1855, l’aluminium pur est présenté à l’Exposition Universelle de Paris sous le nom "argile transformée en argent". D’extraction difficile, son cours avoisine alors celui de l’or. Nichés dans leurs vitrines, médailles, bijoux et pièces d’orfèvrerie témoignent de cette époque révolue.
Lorsque l'empereur Napoléon III recevait des invités de marque, ils étaient servis dans de la vaisselle en aluminium. Les autres devaient se contenter de vaisselle en or."


Le catalogue Moreau, plus tardif, s'inscrit dans l'âge électrolytique.
L'Elysée ne propose plus de couverts en aluminium à ses hôtes de prestige ; le peuple au contraire les adopte.
Le génie des frères Moreau est d'avoir très tôt su généraliser des fabrications ménagères en série grâce à l'aluminium électrolytique.



Les tire-bouchons


C'est en page 6 du catalogue que nous trouvons notre bonheur et une surprise :



Page 6 : Coutellerie de cuisine, de poche & fantaisie.


Trois tire-bouchons seulement sont présents, partiellement fabriqués à base d'aluminium bien sûr :
- Un couteau tire-bouchon "Le Sport", illustré d'un cycliste et d'une automobile très années 1900, couteau tout à fait dans l'esprit de ceux aux plaquettes de laiton illustrées de sportifs, que fabriquaient à Thiers les couteliers Pradel ou Coursolles, par exemple.
- Un tire-bouchon en "T", à la poignée décorée de feuillages et marquée BREVETE ALUMINIUM PUR :


Le tire-bouchon marqué BREVETE ALUMINIUM PUR
Photo Guy Vankeerberghen



- Le dernier est la meilleure surprise : on reconnait le rare tire-bouchon à levier, avec poignées et plaquettes en aluminium, de Béchon-Morel, brevet 118.056 du 25 juin 1877. 



Le tire-bouchon à levier de Rémy Béchon-Morel
(illustration en couverture du livre 
Les Brevets de tire-bouchons français de Gérard Bidault).



L'entreprise Moreau, dépositaire de Pecquet et de Lelièvre, commercialisait donc aussi des fabrications Béchon-Morel ! 


A moins que Béchon-Morel n'ait sous-traité une partie de la fabrication à la maison Moreau ? 
Peut-être avez-vous des éléments susceptibles d'éclairer ce point ?



M


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