Amis blogueurs, bonsoir !
J'ai évoqué dans un récent article
les marques de fabrique déposées par Jacques Pérille.
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Le contexte de la fin des années 1870
Le contexte, c'est celui du procès en contrefaçon intenté et perdu par Jacques Pérille contre Louis Eugène Trébutien :
- Jacques Pérille, champion avant l’heure de la « veille technologique », s’inspire de ce que fait la concurrence française, mais aussi anglo-saxonne, pour devenir fabricant, créer des modèles qu’il fait breveter et déposer ses propres marques.
- C'est ainsi qu'il présente en public en 1876 un "tire-bouchon à hélice", probablement inspiré des fabrications des américains Philos et Eli Whitney Blake, et dont il revendique l'invention : le modèle est retenu pour l'Exposition Universelle de Paris 1878 et va y obtenir un grand succès.
- Le premier brevet pour ce tire-bouchon à hélice est demandé par Pérille le 14 avril 1876 et obtenu le 16 juin 1876 sous le numéro 112 465 : il est donc antérieur à l'Exposition Universelle, mais postérieur à la présentation en public.
- Après l'Exposition, Louis Eugène Trébutien s'engouffre dans la brèche et copie sans vergogne le tire-bouchon à hélice de Pérille, nouveauté consacrée par son succès.
- Décidé à faire condamner Trébutien pour contrefaçon, et voulant renforcer ses arguments, Pérille dépose alors deux marques de fabrique le 26 février 1879 - donc après l'Exposition Universelle - auprès du Greffe du Tribunal de la Chambre de Commerce de la Seine.
Note : Les deux précieux documents qui suivent ont été retrouvés il y a quelques mois par notre amie Pascale Lhermitte et ont été reproduits dans mon livre "Tire-bouchons Français – Fabricants, Catalogues et Documents Commerciaux".
"JHP" - Dépôt de marque du 26 février 1879
enregistré au Greffe du Tribunal de Commerce de la Seine sous le n° 12 600.
"Tire-bouchons à hélice" - Dépôt de marque du 26 février 1879
enregistré au Greffe du Tribunal de Commerce de la Seine sous le n° 12 601.
- De nombreux autres fabricants copieront alors à leur tour le tire-bouchon à hélice de Pérille. Le procès fait jurisprudence et la leçon retenue du plus grand nombre : il faut protéger avant d'exposer !
Il me fallait rappeler ces faits, mais ce n'est pas là le propos du jour. C'est sur la première marque de fabrique déposée que j'attire votre attention :
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JHP et non JP !
Le déposant mandataire de Jacques Pérille précise bien :
"Ladite marque se compose des lettres J H P groupées comme ci-contre et pouvant être reproduites seules, ou en combinaison avec un cercle, un compas, etc... etc."
Le sigle est donc bien composé des lettres J H P groupées... et non J P !
L'acte de baptême de Pérille est pourtant sans équivoque : fils d'André Pérille (1813-1892) et Madeleine Emerencienne Hattier (1818-1894), il est né le 22 décembre 1837 à Joigny (Yonne) et a été prénommé Jacques Augustin, sans autre prénom commençant par la lettre H.
A quoi pouvait donc correspondre la lettre H ?
Nous ne le saurons probablement jamais, mais les contemporains de Pérille ont préféré y voir ses seules initiales J et P, reliées par un tiret.
Et nos fondateurs, de bonne foi, s'y sont fait prendre.
Gérard Bidault écrit ainsi, dans "Les tire-bouchons français - Modèles et fabricants" :
Le sigle "JP" déjà déposé par Jules Piault avant lui, sera assemblé comme on le connaît par une barre de liaison. Il est, durant les premières années de fabrication, surmonté d'un compas. Ceci étant clairement établi, qu'on ne parle plus jamais de J.H.P."
Et pourtant il le faudra, jusqu'à pouvoir expliquer la raison de la présence de ce "H" !
Additifs du 5 octobre 2025 :
1. En commentaire à cet article, notre ami Lionel évoque une possibilité : la mère de Jacques Pérille est née Hattier avec un bel "H" . Il y a d'ailleurs une magnifique signature sur l'acte de naissance de Jacques avec "Pérille Hattier". Ne faut-il pas voir ici cette présence originale du H dans JHP ?
2. J'y avais aussi pensé, mais en 1879, Jacques Augustin Pérille a 42 ans, et est marié depuis 17 ans à Marie Emelie Regniaud. Au XIXe siècle, associer le nom de son épouse était fréquent, mais pas celui de sa mère au détriment de celui de son épouse... Bien sûr, on ne peut écarter définitivement ton hypothèse. J'avais aussi essayé de rechercher d'éventuels descendants, lesquels auraient peut-être pu nous aider à comprendre, mais parmi les trois fils de Jacques Pérille, seul André Henry s'est marié et aucun ne semble avoir eu d'enfants...
3. Cf. mon livre "Tire-bouchons français - Fabricants, catalogues et documents commerciaux" :
En 1909 encore, lors de la prorogation de leur société, les Fils de Pérille confirment : le "groupement des lettres J.P. imprimées en mêmes caractères et avec la même combinaison de couleurs, est entrelacé de la même manière que les lettres J.P. de la société J. Pérille et de façon à former les lettres J.H.P." … pas "J-P", mais "J.H.P.", comme leur père avait enregistré sa marque quelques trente ans plus tôt !
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Une autre marque déposée par Jacques Pérille
Il est difficile de retrouver une marque de fabrique parmi les dizaines de milliers déposées à la fin du XIXe siècle et conservées par familles de métiers et par ordre chronologique sur le site de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).
Ne pouvant effectuer une recherche à partir des noms des déposants, il est impossible de lister de manière certaine et exhaustive leurs marques de fabrique successives.
Concernant Jacques Pérille cependant, nous avons retrouvé un autre dépôt de marque en 1892, pour le tire-bouchon DIAMANT qui avait été breveté en 1888 :
"Diamant" - Dépôt de marque du 11 octobre 1892
enregistré au Greffe du Tribunal de Commerce de la Seine.
La marque réunit bien les lettres JHP, comme l'avait voulu Jacques Pérille, suivies des mentions PARIS. Bté S.G.D.G. N° 186.560 24 OCT. 1887. DEPOSE.
Le brevet avait été délivré le 19 janvier 1888.
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Et le dépôt de marque nous offre - comme une preuve - la signature de Jacques Pérille :
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