lundi 30 juin 2025

UN NOUVEAU SCOOP SUR PERILLE ET TREBUTIEN

 
Amis blogueurs, bonjour !


Voici un nouveau scoop sur le conflit ayant opposé Jacques Augustin Pérille et Louis Eugène Trébutien !


C'est à notre amie Pascale, mylokaphéphile et chercheuse infatigable, que nous le devons.
Pascale a retrouvé pour nous l'acte de mariage de Jacques Pérille et l'a examiné de près. 

Le voici, je vous laisse en prendre connaissance :





Avez-vous trouvé ?
Oui, évidemment : le 4 décembre 1862, le premier témoin de mariage de Jacques Augustin Pérille était un certain Louis Eugène Trébutien, âgé de trente ans, négociant, demeurant à Paris, rue Saint-Martin, n° 199 !
Un vrai scoop, non ?

On découvre au passage les signatures des deux futurs protagonistes :



Jacques Augustin Pérille



Louis Eugène Trébutien


En 1862, Pérille et Trébutien étaient donc collègues et amis proches. 


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Rappelons que :

- Jacques Augustin Pérille (1834 - 1903), fils d'un horloger de Joigny dans l'Yonne, et formé au métier de coutelier, est monté très jeune s'installer à Paris
Il y épouse le 4 décembre 1862 Marie Emelie Regniaud (1843 - 1880), fille de quincailler. 
Dans l'acte de mariage, Jacques Pérille déclare être lui-même quincailler : il est donc installé en 1862.
Dès ses débuts, Pérille vend des tire-bouchons dont il sous-traite la fabrication aux artisans de Breuvannes (Haute-Marne). Burel et Delarbre font partie de ces artisans sous-traitants.
On sait aussi qu'en 1864, il possède sa quincaillerie – coutellerie à l'enseigne "Au Compas d’Or" au 44 avenue de Clichy à Paris 17°.

Corrigeons ici deux erreurs de retranscription d'état-civil, la première ayant été relevée par notre ami Lionel : Trébutien n'est pas né en 1838, mais en 1832, tandis que son épouse Adèle Gratien est née en 1836 :
- Louis Eugène Trébutien (1832 - 1915) est ainsi l'aîné de Pérille de deux ans. 
Il a épousé en 1858 Adèle Gratien (1836 - 1917).
A la naissance de leur premier enfant, Henri en 1859, Trébutien déclare être employé.
En 1861, à la naissance de leur deuxième enfant, Adèle Mélanie, Trébutien et son épouse sont dits tous deux quincaillers.

Trébutien et Pérille étaient donc collègues et amis au point que l'un est le premier témoin de l'autre lors de son mariage en 1862.


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Mais l'amitié des deux hommes ne résistera pas à la durée : 
Pérille, très actif, s’inspire de ce que fait la concurrence française et étrangère, pour créer de nouveaux modèles. C'est ainsi qu'en 1876, il présente, sans précaution, son « tire-bouchon à hélice », modèle retenu pour l’Exposition Universelle de 1878 à Paris. 
Trébutien le copie aussitôt sans vergogne. 
Les tentatives faites ultérieurement par Pérille, pour essayer de protéger ce qu’il considérait comme son invention, n'y changeront rien : le tire-bouchon à hélice est  tombé dans le domaine public.

On imagine à quel point Pérille dût être ulcéré d'être trahi par celui qu'il considérait comme ami et on comprend mieux sa pugnacité dans le procès intenté à Trébutien, procès qu'il perdra finalement en Cassation le 26 janvier 1884.
Le juge ne fut pas insensible à cette trahison, disant le droit au profit de Trébutien, mais qualifiant cependant son comportement :
"L’attitude, même regrettable de Trébutien, ne tombe pas sous l’application des dispositions visées dans la citation."

Et derrière Trébutien, de nombreux autres fabricants vont s'engouffrer dans la brèche : 
Cf. notre livre Les tire-bouchons à hélice par Jean-Pierre Lamy et Marc Ouvrard, présenté ici :


On sait cependant que Trébutien n'a pas eu le temps de bénéficier vraiment du jugement : il a cédé son entreprise à Adolphe Pecquet, un an plus tôt, le 15 février 1883, sans qu'on en connaisse les raisons (Trébutien vivra encore pendant 32 années après cette vente).
Et c'est donc Adolphe Pecquet qui fabriquera le tire-bouchon repris de Pérille.




Source : Les tire-bouchons à hélice 
par Jean-Pierre Lamy et Marc Ouvrard

 
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La trahison par celui qu'on croyait son ami est une blessure dont on ne se remet pas !



M

lundi 23 juin 2025

DU TONNEAU À LA BOUTEILLE... IL Y A VRAIMENT DE QUOI PERDRE CONTENANCE !



Amis blogueurs, bonsoir !


Foudre, muid, tonneau, barrique, fût, pièce...
Anglaise, normande, frontignane, champenoise, flûte rhénane, clavelin...
Gallon, pot, pinte, chopine, fillette...


DU TONNEAU À LA BOUTEILLE... IL Y A VRAIMENT DE QUOI PERDRE CONTENANCE !


L'histoire des unités de mesure utilisées pour les liquides, depuis le Moyen-Âge et jusqu'à la mise en place du système métrique, est très complexe.


Le monde européen du Moyen-Âge et des Temps Modernes, autrement dit celui d'Ancien Régime, antérieurement à la Révolution française, résultait de l'émiettement de l'Empire romain.
Certes, les frontières n'y étaient pas intangibles et le vocabulaire, issu du latin et de l'ancien français, était souvent encore partagé entre peuples voisins, avec cependant des sens qui ne cessaient de dériver, de s'écarter.
Les unités de mesure, innombrables, fluctuantes, relatives, locales ou régionales, n'étaient pas faciles à comprendre pour qui venait d'ailleurs : le commerce s'en trouvait compliqué, au point que le change était le domaine réservé de spécialistes, tels les banquiers lombards.


1700 : 800 unités de mesure,
1800 : le système métrique, "une loi, un poids et une mesure"


Rien qu'en France, selon National Geografic : 
"Les savants étaient confrontés à la réforme d'un patchwork de 800 unités de mesure différentes, de la toise à la lieue en passant par le quart et la pinte. Certaines mesures étaient extrêmement basiques : dans le Bordeaux du début du 18e siècle, une unité de terre était définie par la portée de la voix d'un homme. Il y avait peu ou pas de standardisation : à Paris, une pinte équivalait à 0,93 litre ; à Saint-Denis, elle équivalait 1,46 litre. Une aune, utilisée pour mesurer le tissu, était basée sur la largeur des métiers à tisser locaux. Ce système chaotique était sujet à la fraude et étouffait le commerce intérieur et extérieur."

Deux siècles plus tôt, Rabelais, dans Pantagruel (1532), donnait les noms d'une série de récipients qu'il est souvent impossible de distinguer aujourd'hui : "flacons, bouraches, bouteilles, fiolles, ferrières, barils, barreaulx, pots, pintes, semaises, antiques". 

Et Voltaire (1694 - 1778) pouvait encore écrire dans ses Dialogues
"Ce que vous me demandez [l’uniformité de la loi] est aussi impossible que de n’avoir qu’un poids et qu’une mesure ; comment voulez-vous que la loi soit pour tous la même, quand la pinte ne l’est pas ?"

La réaction vint du "siècle des Lumières". Les philosophes : Voltaire, mais aussi Montesquieu, Rousseau, Diderot..., les savants : Borda, Lagrange, Monge, Laplace, Condorcet... inspirèrent les élus révolutionnaires, jusqu'à ce que le gouvernement républicain promette au peuple de France "une loi, un poids et une mesure". Le système métrique décimal fut officiellement adopté en France le 10 décembre 1799, et bientôt utilisé dans plusieurs pays voisins. 



Tableau scolaire : les poids et mesures (Internet)


Napoléon crut satisfaire marchands et clients en faisant partiellement marche arrière en admettant en concurrence les "mesures usuelles" et il fallut attendre 1837 pour que le roi Louis Philippe révoque l'usage à la fois des mesures traditionnelles et des mesures usuelles et rétablisse le système métrique. 
Mais revenons à notre sujet...


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Le transport et la conservation du vin.


A la fin du Moyen-Âge et pendant les Temps Modernes (le "petit âge glaciaire"), les vignobles sont souvent sous domination anglaise. Le vin est produit par la France et les pays méditerranéens, mais ce sont les anglais qui le commercialisent, imposant leurs unités de mesure, au premier rang desquelles le barrel ( = la barrique bordelaise) et le gallon.



Tonneau, barrique et fût


Les historiens s'accordent à dire que dans l'Antiquité, l'utilisation des outres et celle des récipients en terre cuite : les amphores ou, beaucoup plus grandes, les dolia, ont précédé celle des tonneaux et autres barriques ou fûts, pour le transport et la conservation, particulièrement des liquides.

Le "tonneau" :
Le tonneau, terme aujourd'hui générique, s'est imposé pour des raisons pratiques : il est solide, peut être roulé, et la densité du bois dont il est fait (0,85 pour le chêne) est bien moindre que celle de la terre cuite de l'amphore (1,5 à 1,8).
Le tonneau a vraisemblablement été inventé par les Rhètes, peuplade celte des régions alpines, Rhètes allègrement confondus avec les Gaulois par les Romains. 
Son nom même trahit cette origine : 
Le mot tonneau vient du vieux français tonel, mot formé à partir de tonne, dérivé du latin médiéval tunna, lui-même emprunté à un mot celtique tonn signifiant peau, outre ou récipient.
Parmi les synonymes de tonneau, on trouve :
- le muid, du latin modius, qui signifie "mesure principale" et la pipe (1,5 muid).
- le foudre, d'origine germanique : Fuder, équivalent à quatre muids... ou beaucoup plus !



Le foudre Mercier à Epernay... 1 600 hectolitres ou 213 000 bouteilles
(Bourse CFTB 2024)


La "barrique" :
Le mot barrique correspond au vignoble bordelais. Il vient du dialecte gascon barrica, signifiant : objet fermé ou consolidé avec une ou plusieurs barres.
Selon Eric Glatre, in Histoire(s) de vin, 33 dates qui façonnèrent les vignobles français, Éditions du Félin (2020), cf. : 
"La barrique apparaît dans un texte du Parlement de Bordeaux en 1597 ; elle doit alors contenir 112 pots, soit 50 gallons anglais ou 228 de nos litres."
Le choix d'une telle mesure pour la barrique s'explique aussi par son encombrement et son poids (environ 45 kg) : un docker devait pouvoir rouler seul une barrique pleine ou porter seul une barrique vide.
Au XIXe siècle, la contenance de la barrique est ramenée à 225 litres, mais correspond toujours à 50 gallons !
La barrique est définie comme un quart de tonneau, lequel doit donc contenir un peu plus de 900 litres.

Le "fût" :
Le mot fût est issu du latin classique fustis, signifiant : bois coupé, pieu, bâton, trique.
Le fût est bourguignon et contient lui aussi (et toujours aujourd'hui) 228 litres… ou 50 gallons. 
On parle de "pièce" quand il est plein : une pièce de 228 litres ; un demi-fût est une "feuillette" de 114 litres, tandis que le "quartaut" vaut 57 litres.



Fût  bourguignon, barrique bordelaise
(Wikipédia)


Retenons qu'un tonneau vaut quatre barriques ou fûts de 50 gallons... le "gallon impérial" anglais correspondant, selon le dictionnaire de l'Académie française, à 4,546 09 de nos litres. 

Mais qui aurait pu servir un gallon de cidre, de bière, de vin ou de champagne à ses hôtes ? 


La bouteille


Le gallon se devait d'être subdivisé pour faciliter la vente aux particuliers. 



Mesures anglo-saxonnes : gallon, quart, pint, gill
(Image Internet)


Le choix fut fait d'une équivalence entre un gallon et six bouteilles, solution offrant la plus grande facilité de rangement tête-bêche dans les caisses de transport.
Ce choix dicta la contenance d'une bouteille standard : 0, 75768 litre.
Les anglais s'y retrouvaient, mais pas les consommateurs des autres pays. 

Avant de découvrir le litre, les français comptaient en pintes et les taverniers étaient dits "à pinte et à pot", façon d'exprimer l'obligation qui leur était faite de servir au pichet le vin tiré du tonneau :
- Le pot valait deux pintes. Il disparut avec le système métrique, avant de réapparaître à Lyon au XIXe siècle, mais avec une contenance de 46 centilitres seulement : la moitié d'une pinte de Paris !
- La pinte valait environ 0,93 litre à Paris (mais cette contenance pouvait varier du simple au double selon les provinces).

Les nécessités du commerce international du vin ne pouvaient que l'emporter. Les partisans du système métrique ont admis le sixième de gallon, tandis que les anglais acceptaient d'arrondir les mesures pour tenir compte du même système métrique.

La bouteille serait dorénavant la mesure quasi-universelle et équivaudrait 0,75 litre, le gallon contiendrait donc 4,5 litres, la barrique 225 litres et le tonneau 900 litres... pas tout à fait une tonne !

Mais la bouteille a aussi ses sous-multiples, héritées des mesures anciennes : la fillette (1/2 bouteille ou 37,5 cl), la chopine (1/3 de bouteille ou 25 cl), voire même, à l'italienne, la piccola (20cl). Et le litre est également utilisé pour conditionner le vin ordinaire et nombre d'autres liquides.

Enfin et surtout, les mesures ne disent rien de la forme des bouteilles :



Quelques-unes de mes bouteilles anciennes




C'est là un autre sujet...


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L'histoire pourrait se terminer là, mais l'usage est resté - ou est revenu ? - d'utiliser  d'anciennes mesures dans notre quotidien. 
Comme vous j'imagine, il m'arrive de commander une pinte de bière, mais si une pinte de bière équivaut en France à 50 cl de bière, elle correspond à 25 cl chez nos voisins belges, ou à 47,3 cl (Pint) aux Etats-Unis !
... à consommer bien sûr avec modération !


... Je vous le disais bien : il y a de quoi perdre contenance !




M



samedi 14 juin 2025

BIBLIOGRAPHIE 69 : HISTOIRE(S) DE VIN par ERIC GLATRE

 
Amis blogueurs, bonsoir !


C'est à la découverte d'un nouvel auteur et d'un de ses livres que je vous emmène aujourd'hui ; voici donc une nouvelle fiche bibliographique à classer avec les 68 déjà publiées :


BIBLIOGRAPHIE 69 : HISTOIRE(S) DE VIN par ERIC GLATRE
33 dates qui façonnèrent les vignobles français


Ce livre a été publié en 2020, et si je ne vous le présente qu'aujourd'hui, c'est que je l'ai découvert naguère en rédigeant l'article suivant :


Eric Glatre m'a notamment apporté des renseignements utiles sur le vannier-emballeur Nicaise Petitjean et son brevet de 1852 pour une "machine à ficeler à la ficelle"


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L'auteur est "tombé dans la marmite" quand il était petit : issu d'une dynastie de négociants en champagnes, passionné d'histoire, il a concilié les deux en devenant docteur en histoire antique et en organisant sa vie professionnelle autour du vin et de la gastronomie, animant des émissions, collaborant à des revues et écrivant de nombreux ouvrages.

Et quand bien même nous pouvons avoir parfois de légères divergences dans la datation d'évènements - telle l'invention de la bouteille dite moderne par Kenelm Digby - le savoir d'Eric Glatre est précieux !


Voici ma fiche bibliographique :





Un livre à ajouter à votre bibliothèque, donc... et à consulter souvent !



M

mercredi 11 juin 2025

PUCES D'ARLON, SUR LES TRACES D'ETTORE SOTTSASS

 
Amis blogueurs, bonjour !


Il est temps de vous retrouver après deux semaines de paresse !
Les quelques vide-greniers où je suis allé chiner ne m'ont pas vraiment donné matière à écriture, mais il y eut heureusement les Puces d'Arlon (Belgique).


J'en suis revenu avec deux tire-bouchons et quelques objets insolites et inspirants :




Passons très vite sur les petits compas d'horloger, particulièrement les maîtres à danser signés P. JORIS - BOGMAN BRUXELLES... je ne peux jamais m'empêcher d'en acheter !


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Arrêtons-nous plutôt sur ce curieux "pied de roy", dit aussi "pied de Charlemagne" :



Les Cordes   Les Métaux


Les parties égales + C des P


Longueur déployée 28,2 cm


Ce compas de proportions, manifestement antérieur à la révolution française, est étonnant à plusieurs titres : 
- replié, il se termine en pointe de flèche,
- ses deux bras sont percés d'orifices de 0,5 cm de diamètre environ,
- sa longueur déployée est de 28,2 cm environ.

Qui saura m'en dire plus sur ce modèle : pourquoi cette forme ? ces orifices ? cette longueur ? Et quelle pouvait en être l'utilisation ?


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Les deux tire-bouchons appellent également des réflexions :
- Celui de gauche est un tire-bouchon à ressort et à système permettant le retrait du bouchon après extraction. Il est allemand, probablement une fabrication de Karl Weisbach. 
- Celui de droite est un "quatre-doigts", simplement marqué "2" à la base de la poignée :




Je n'avais encore jamais vu cette forme de poignée, avec une partie médiane en forme de tonneau.
Et mes recherches pour l'identifier sont restées vaines : n'hésitez pas à me faire vos suggestions !


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Ettore Sottsass et les tire-bouchons


J'ai gardé pour la fin la salière et le moulin à poivre, objets "design", très colorés, que l'on doit à Ettore Sottsass.





Ettore Sottsass (Innsbruck, 1917 - Milan, 2007) est un architecte italien, designer et chef de file d'écoles artistiques telles que Antidesign, Alchimia, Memphis ou Sottsass Associati. Il est universellement connu pour la richesse de ses idées et son attachement à l'esthétique, en opposition au style moderniste, au langage jugé trop réducteur, trop pauvre.

Les hélixophiles lui doivent au moins trois très beaux tire-bouchons, bien cotés... mais qui n'ont pas encore croisé ma route !
Notre ami Jacky a été plus heureux et plus astucieux, les acquérant tous les trois il y a quelques années, dans une vente passée inaperçue. 






Les trois modèles Sottsass - Collection Jacky Corbel


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Merci à Jacky d'avoir bien voulu mettre à notre disposition les photos de ses magnifiques modèles.

Et merci à vous de m'apporter vos commentaires et propositions.



M

dimanche 25 mai 2025

JOLIE BOUTEILLE, SACRÉE BOUTEILLE...

Amis blogueurs, bonjour !


Un cadeau récent de l'ami Christian me remet en mémoire le refrain d'une chanson de Graeme Allwright :

"Jolie bouteille,
Sacrée bouteille,
Veux-tu me laisser tranquille..."


Graeme Allwright (1926 - 2020) était un auteur-compositeur-interprète franco-néo-zélandais non conformiste. Il est connu pour avoir introduit le folk-blues en France et notamment pour ses adaptations des chansons de Léonard Cohen.


Le cadeau ?
Un flacon de Petite Liquorelle par Moët et Chandon. 





Christian savait que j'aimais les bouteilles anciennes et avait vu chez moi une très ancienne bouteille de champagne que j'ai présentée ici il y a quelques années :


J'ai toujours cette bouteille, ainsi que sa "petite sœur" parfois qualifiée de bouteille ou quart de paquebot : elles auront maintenant une nouvelle amie.



Champagne !


Décrivons notre bouteille :

Les étiquettes de cette Petite Liquorelle produite par Moët & Chandon décrivent une boisson pétillante à servir très frais.
La première étiquette nomme le produit et indique que La Petite Liquorelle pétillante est élaborée sous le contrôle de Moët & Chandon. Elle donne aussi la contenance de la bouteille : 20 cl et la teneur en alcool : 18 ° (à consommer donc avec modération !).
La seconde étiquette indique que la Petite Liquorelle est distribuée par Moët-Hennessy. Cette société alliant à l'origine le cognac Hennessy au champagne Moët & Chandon est aujourd'hui une société holding constituant la branche "Vins & Spiritueux" du Groupe Louis Vuitton-Moët-Hennessy (LVMH).  
Cette seconde étiquette donne aussi la composition de cet "apéritif à base de vin" : vin, eaux de vie de vin, vin de liqueur, sucre, extraits végétaux.*

La bouteille est de couleur vert sombre.
Elle mesure 15 cm de hauteur.
Son corps, sphérique, a un diamètre d'environ 8 cm.
Elle est bouchée comme une bouteille de champagne, avec cape (brune), muselet et capsule de muselet.



Capsule de muselet Petite Liquorelle, vue sur le net.



Que pouvons-nous dire de son histoire ?

Moët & Chandon, cherchant à attirer la clientèle des jeunes urbains branchés, mit au point ce "cocktail champagne" au début des années 80. Conditionnement et format visaient une consommation individuelle éventuellement renouvelée.
Avec une recette à base de marc et de vin de champagne, la teneur effective en alcool : 18/5 = 4,5 g, correspondait approximativement à celle cumulée de deux consommations traditionnelles : 10 cl de spiritueux par exemple, tandis que le côté pétillant devait proposer une "passerelle" vers le champagne.

Des objets de communication ont été distribués par le marketing pour encourager les ventes : seau à glace, boîtes d'allumettes...



Le seau à glace



Des boîtes d'allumettes 
(collection Laurent Lachaud)


Mais le succès commercial ne fut pas au rendez-vous et la fabrication de la Petite Liquorelle finit par être abandonnée par Moët & Chandon en 1993.


Beaucoup de ces petites bouteilles ont cependant dû être ouvertes et bues, au point que celles qui ont été conservées sont aujourd'hui "collector", comme d'ailleurs la capsule de muselet.


Je ne connaîtrai pas le goût de la mienne !



M

jeudi 22 mai 2025

FIN DES ANCIENS ETABLISSEMENTS J. PERILLE... LA RECHERCHE CONTINUE !

 
Amis blogueurs, bonjour !


Publier un livre ne signifie pas cesser de chercher !


L'échange avec les lecteurs peut même relancer les recherches sur un point ou un autre, comme ici à propos de la fin de l'aventure Pérille :



Vente de Coubertin 
Le Démocrate de Seine-et-Marne du 19 mars 1938
(Montage à partir de Gallica)



Liquidation des marchandises des A.E.J.P.
La Journée industrielle 22 juin 1938
(Gallica)



J'évoquais cette fin dans mon récent livre :
Tire-bouchons français
Fabricants, catalogues et documents commerciaux
(Editions WikEdito - Paris - Mars 2025)



Livre encore disponible, 
prix de souscription maintenu : 70 € + frais d'envoi


Je décrivais, pages 145 et suivantes, la fin des Anciens Etablissements J. Pérille (A.E.J.P.) : le dernier propriétaire, Louis Dequeker, en avait confié la direction à un neveu, Marcel Dequeker, personnage sulfureux s'il en est, lequel conduisit  l'entreprise à la faillite et à sa fermeture définitive le 4 septembre 1937, deux ans plus tard seulement.

Je m'étonnais, comme Gérard Bidault avant moi de ce qu'en 1931 - je cite  : 
"Propriétaire récoltant du bordelais, Louis Dequeker va, depuis son château de Veyres, à Preignac en Gironde, devenir administrateur de l’ancienne société Pérille. Comment cet homme est arrivé à l’acquisition de l’entreprise ? C’est une énigme."
(Gérard Bidault in Les tire-bouchons français - Editions Godefroy - 2005).

Cette énigme a continué de m'interpeller, me poussant à continuer les recherches sur les Dequeker, avec l'aide précieuse de Pascale Lhermitte, mylokaphéphile et, pour moi, chercheuse attentive et efficace sur les sites spécialisés (Gallica, Archives Départementales, INPI...).

Voici donc les quelques éléments supplémentaires que nous avons retrouvés :


Les Dequeker : des joueurs de trictrac ?


Le patronyme Dequeker est porté dans le nord de la France et en Belgique. Il signifie en langue flamande : joueur de trictrac ("queker") ! 
Le trictrac est ce "jeu de hasard raisonné" qui inspira à Blaise Pascal sa théorie mathématique sur les probabilités, dite "Géométrie du hasard".



Les joueurs de trictrac par Mathieu Le Nain, vers 1640
(L'original se trouve au Louvre, Paris)



La famille Dequeker


Les parents de Louis Dequeker, "Louis" François Joseph Dequeker (1825-1873) et Julie Mélanie Decoopman (1827-1903), eurent six enfants :
- Marie Sophie Philomène,
- "Achille" Adolphe Joseph,
- Charles Auguste Joseph,
- "Georges" Victor,
- Louise Julie Augustine,
- "Louis" Alphonse Joseph.

Trois membres de cette fratrie nous intéressent plus directement : 
- "Georges" est le père de Marcel, celui-là même qui conduira les A.E.J.P. à la faillite,
- "Achille", un des oncles, est le père d’Achille Marius Jules Charles, constructeur de chemins de fer, et le grand-père de Suzanne qu’épousera Marcel en secondes noces (et dont il divorcera) ; Achille Marius sera donc un temps le beau-père de son neveu Marcel,
- "Louis" sera le patron des A.E.J.P. et aura la mauvaise idée d'en confier la direction à Marcel.


Comment "Louis" Alphonse Joseph Dequeker s'est-il retrouvé 
à la tête des Anciens Etablissements J. Pérille ?


Louis est né le 29 janvier 1863 à Rinxent, dans le Pas de Calais. La date de son décès reste  inconnue.
Il s’est marié trois fois :
- le 8 avril 1885, Paris 6°, avec Blanche Hélène Joncourt (1864 - ?) : divorce avant 1900. [Blanche Hélène Joncourt s’est remariée en 1900 à Leloutre Jean Baptiste].
- le 27 février 1903, Paris 18°, avec Marie Louise Latour 1881-1904, laquelle le laissera veuf un an plus tard.
- le 11 octobre 1906, Paris 18°, avec Marie Augustine Émilie Guérin (1878 - ?).

En 1906, selon l’acte du troisième mariage, Louis Dequeker se déclare entrepreneur de travaux publics, habitant 2 rue Camille-Tahan,Paris 18°.

1907 : Achille (Marius Jules Charles) Dequeker et son oncle Louis Dequeker figurent tous deux dans l'Annuaire général de l'industrie et du commerce du 01 janvier 1907. Louis est effectivement mentionné comme entrepreneur de travaux publics.

 

Annuaire général de l'industrie et du commerce [...] 
de Paris et du département de la Seine - 01 janvier 1907


1917 : Achille Marius Jules Charles Dequeker meurt au combat, lors de la bataille de Verdun. Il sera fait chevalier dans l'ordre de la Légion d'Honneur à titre posthume.
1921 : On retrouve Louis Dequeker comme représentant des héritiers de son neveu décédé pour reprendre la concession d’une ligne de chemin de fer d’intérêt local.

1931 : Louis Dequeker est administrateur de la Société Immobilière Industrielle et Commerciale du Grand-Morin (S.I.I.C) : cette société semble avoir été montée comme support à ses opérations immobilières.

La S.I.I.C. reprend cette année-là les Anciens Etablissements J. Pérille dans des conditions complexes qui ne seront élucidées que lors de la faillite finale, grâce à l'expertise de Me Hurel, Huissier à Coulommiers : 
Le 9 juin 1931, le Tribunal Civil de Coulommiers avait converti "en vente sur publications volontaires la saisie réelle immobilière pratiquée sur M. Georges Creuse, industriel et Mme Juliette Florence Jacoutot, son épouse". 
Le même tribunal avait procédé ensuite à l'adjudication des immeubles à la S.I.I.C., laquelle deviendra alors la "Société Anonyme des Anciens Etablissements J. Pérille". 



De Creuse à la S.I.I.C. du Grand-Morin, puis à la S.A. des A.E.J.P.
Le Démocrate de Seine-et-Marne du 19 mars 1938 (Gallica)


Résumons : Georges Creuse et son épouse, débiteurs de la S.I.I.P., ont été contraints de régler leurs dettes en lui cédant l'entreprise.

La même année 1931, Louis Dequeker acquiert le domaine du Château de Veyres à Preignac (Gironde). Il est propriétaire, mais pas exploitant, contrairement à ce que nous pouvions penser. 
Pour preuve, il publie cette année-là une offre d’emploi pour recruter une famille de vignerons-laboureurs.



La Dépèche 17.03.1931 (Gallica)


Il fera paraître de même en 1936, une offre d’emploi pour exploiter d’autres terres à Cantois (Gironde), à une vingtaine de kilomètres plus au nord :

Louis Dequeker apparait comme un homme d’affaires d’envergure, investissant dans diverses activités avant d'en déléguer la gestion.

Et c'est ainsi que, vers 1935, il confie la direction des Anciens Etablissements Jacques Pérille à son neveu Marcel, probablement en difficultés financières en raison de frasques coûteuses.
La gestion calamiteuse de Marcel aboutira deux ans plus tard à la faillite.


Marcel Jean Louis Dequeker, fossoyeur de Pérille


Marcel Jean Louis Dequeker, fils de "Georges" Victor Dequeker (1858-1911) et de Henriette Julie Céline Dervillez (1865-1930) est né le 21 décembre 1897 à Cherbourg-Octeville, Manche. Sa date de décès ne nous est pas connue.

Comme son oncle Louis, Marcel Dequeker aura eu une vie conjugale compliquée :
- Marié le 8 octobre 1923 à El Paso, Texas, USA, avec Jeanne Marie Etiennette Sassin (1896 - ?).
- Marié le 16 novembre 1929 à Paris 16°, avec sa cousine Suzanne Marguerite Dequeker (1907-1986), dont il aura deux fils : Alain et Philippe Achille. [Le divorce suivra et Suzanne se remariera le 30 septembre 1938 avec Anatole Simonod.]
- Concubinage avec une troisième compagne, Ruth Burello, finlandaise, domiciliée rue des Sablons à Paris.
- Marié le 15 septembre 1947 à Rio de Janeiro, Brésil, avec Aziadée Tinoco Lara (1913-1996) avec laquelle il aura quatre enfants : Jacques Joaquim Wladimir, Cristina Mercedes, Patricia Roxana et Catherine Marguerite.


Marcel Dequeker est un aventurier :

Les articles parus dans la presse au moment de son interpellation nous apprennent que :
- Il avait mené après la fin de la première guerre mondiale une vie d'aventurier au sein de mouvements insurrectionnels en Amérique du Sud, entre Vénézuéla, Pérou, Cuba, Colombie, Brésil, Argentine et enfin Mexique, au point d'être partout interdit de séjour.
- C'était un trafiquant d'armes, "cagoulard" membre de l'organisation extrémiste française des années 30 (O.R.S.A.M. ou C.S.A.R.), proche des généraux Franco (Espagne) et Cedillo (Mexique), ce dernier l'ayant nommé colonel.
- Revenu en France, il mena grande vie entre stations balnéaires à la mode et villes d'eau, dépensant sans compter.
- Pour le stabiliser peut-être, il se vit confier par son oncle la direction des A.E.J.P. qu'il conduisit à la faillite.
- Il créa ensuite une entreprise spécialisée dans le caoutchouc (SIMPLEX ?), à laquelle il achetait en son nom des équipements militaires pour les revendre aux insurgés espagnols et mexicains.
- il est interpellé le 15 août 1938 pour trafic d'armes, soit un an après la faillite des A.E.J.P. de Louis Dequeker.





De nombreux journaux ont fait état de son interpellation, mais Marcel Dequeker est relâché à l’issue de sa garde à vue. On ne trouve plus d'écho de cette affaire dans la presse des mois suivants.

- On perd ensuite la trace de Marcel Dequeker, jusqu'à le retrouver au Brésil après la seconde guerre mondiale (mariage avec Aziadée Tinoco Lara en 1947).


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Que conclure à ce stade ?

Issu d'une famille aisée, où héros (Achille) et anti-héros (Marcel) se côtoient et où les scrupules n'entravent pas vraiment l'action, Louis Dequeker, dernier propriétaire des Anciens Etablissements J. Pérille, laisse l'impression d'un entrepreneur ambitieux, s'étant appuyé sur la SIIC du Grand-Morin pour saisir des opportunités et réaliser des acquisitions sans autre rapport les unes avec les autres que l'intérêt  financier.

La fabrication de tire-bouchons devait être bien secondaire, particulièrement pour Marcel Dequeker, comme le montre d'ailleurs la qualité médiocre des modèles de cette époque :



PRESTO, AERO et CREMAILLERE 
époque des Anciens Etablissements J. Pérille (1931 - 1937)


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Alors, que doit-on en penser : ces Dequeker étaient-ils de bons joueurs de trictrac ?



M



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