HISTOIRES DE BROCANTE
Le sommelier Est ! Est !!
Est !!!
Petit achat, belle
histoire...
Repéré aux Puces de Metz,
ce simple sommelier, dès le premier regard, me renvoyait dix-neuf ans ou neuf
siècles plus tôt en Italie.
Il y a dix-neuf ans,
Maurizio et Patrizia m'accueillaient chez eux, à Ladispoli, aux portes de Rome.
C'était la première fois, e sempre una
prima volta. Nous ne sommes plus quittés depuis.
Maurizio m'avait fait
découvrir alors le Latium : Rome bien sûr, mais aussi Tivoli, le lac de
Bracciano, les villes étrusques, Cerveteri et Tarquinia, Viterbo ... et
Montefiascone.
Montefiascone : tout en me
faisant admirer le vignoble et déguster le capiteux vin local, Maurizio me
raconta, dans notre créole à nous, le "fritaliano", la légende de ce
vin.
Il y a neuf siècles, en
1111, Henri V, roi de Germanie, qui se rendait à Rome pour se faire couronner
empereur du Saint-Empire Romain Germanique, fit étape à Montefiascone.
Dans sa suite, un évêque
allemand, Johannes de Fukris, amateur de bon vin, avait pour habitude d'envoyer
son serviteur Martin, en éclaireur dans les villes traversées. martin repérait
les auberges où le vin était bon et les lui signalait en marquant sur leur
porte : "Est !", "Il est", sous-entendu : bon !
Arrivé à Montefiascone -
nom prédestiné ? - le serviteur trouva le vin servi dans les auberges si bon,
qu'il inscrivit sur chaque porte "Est ! Est !! Est !!!".
L'évêque partagea les
goûts de son domestique et apprécia tellement ce vin capiteux, d'un beau jaune
paille, qu'il s'établit définitivement à Montefiascone où il mourut deux ans
plus tard.
Il y est enterré dans la basilique de
Saint-Flavien.
Le brave Martin fit graver
sur la tombe de son maître cette épitaphe insolite : Est est est pr(opter)
nim(ium) est hic Jo(hannes) de Fu(kris) do(minus) meus mortuus est.
Ou, traduit
approximativement : "C'est ici que, pour avoir bu trop d'Est Est Est,
mourut mon maître Johannes de Fukris ".
Et depuis chaque année au jour anniversaire de sa mort, de l' Est Est
Est est
versé sur la tombe de l'évêque pour l'abreuver encore.
Dégustation achevée,
histoire terminée, enchanté de l'avoir à peu près comprise, il m'avait été
impossible de repartir les mains vides : j'achetai quelques flacons !
Et bien que ne l'ayant pas
écrit sur les portes, je partageais totalement l'avis de Martin, celui de
Maurizio aussi :
"Est ! Est !! Est
!!!".
Je ne suis jamais retourné
à Montefiascone, mais n'ai jamais non plus oublié cette belle histoire.
Et ai donc eu le cœur qui
a bondi quand j'ai découvert sur ce sommelier "Il servo Martino"
traçant "Est ! Est !! Est !!!" sur une porte.
L'histoire, dans
l'instant, m'est revenue.
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