Amis hélixophiles, bonjour !
J'avais publié il y a quelques semaines deux articles consacrés à "l'apparition du tire-bouchon" :
J'y rappelais qu'au XVII° siècle, le vin en bouteille, bouché au liège, était un produit élitiste, réservé aux tables aristocratiques, du clergé et des grands bourgeois.
J'ajoutais qu'il n'était donc pas étonnant de rencontrer des ecclésiastiques parmi les précurseurs de la "vis à bouchon", traduction littérale de l'anglais "corkscrew".
La lecture de la Gazette Littéraire du 10 juin 1830 est venue conforter ce qui n'était jusque là qu'une opinion personnelle.
La "Une" de la Gazette Lttéraire n° 28 du 10 juin 1830.
On y trouve, page 465, un article sur le fameux peintre anglais, William Hogarth (1697-1764), spécialisé dans la satire des mœurs de son époque, au travers de représentations humoristiques des "clubs" ou "salons de conversation".
Ses tableaux sont souvent gravés par trois Français : Scotin, Baron et Ravenet.
L'article de la Gazette concerne plus particulièrement une gravure : "Midnight modern conversation", reprise dans un tableau exposé au Yale Center for British Art de New York :
Le tableau : New York, Yale Center for British Art, Paul Mellon Collection.
Mais pour notre propos, nous allons recourir à la gravure, même inversée, laquelle est plus lisible :
Gravure "Midnight modern conversation" de William Hogarth 1745.
Dans cette satire réalisée vers 1732, les personnages très enivrés - caricatures de personnages connus de l'époque - ne sont pas rassemblés à dix-sept heures pour "l'heure du thé", mais à minuit pour "l'heure du punch"... sauf qu'il est quatre heures à l'horloge !
Deux d'entre eux, dont le fumeur, deuxième personnage à partir de la gauche sur la gravure (de la droite sur le tableau) et surtout l'ecclésiastique, assis à droite (à gauche sur le tableau) de l'énorme bol de punch et qui semble présider la fête, portent au doigt ... un tire-bouchon !
How shoking !
Dans l'article de la Gazette, le commentaire reprend l'avis de Lord Sandwich (1718-1792), lequel avait justifié l'inconvenance du peintre en évoquant une anecdote vécue par lui-même, forcément donc avant 1792 :
"Me trouvant un jour, dit-il, dans une société où il y avait une dizaine de prêtres, je fis le pari que pas un d'eux n'avait son livre de prières, et je gagnai. J'offris ensuite de parier que sur ces dix au moins six s'étaient munis de tire-bouchons ; le pari fut accepté ; le sommelier à qui on avait fait le mot fit semblant d'avoir perdu son tire-bouchon, et aussitôt chacun de ces messieurs mit la main à la poche pour offrir le sien."
Extrait de la Gazette Littéraire n° 28 du 10 juin 1830.
Voici donc deux illustrations montrant qu'au XVIII° siècle, des ecclésiastiques comptaient parmi les utilisateurs précurseurs du tire-bouchon !
Autant dire encore que nous avons là deux confirmations indirectes selon lesquelles le tire-bouchon n'était pas un objet populaire à l'origine, mais plutôt un objet de luxe, "signe extérieur de pouvoir" !
M
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