samedi 26 novembre 2016

MOMENT DE PLAISIR : LE CATALOGUE HESTERBERG & FILS




Amis lecteurs, bonjour !


Je l'ai déjà écrit ici : j'aime les catalogues anciens, surtout ceux consacrés à la quincaillerie et à l'outillage.


Et j'ai eu la chance de pouvoir en acquérir un lors de la Bourse du CFTB à Chablis !




Il s'agit du catalogue 1928 de :
F. Hesterberg & Fils
Société en commandite MILSPE
Westphalie
que je veux vous présenter aujourd'hui.

Je remercie chaleureusement, sans le nommer, le collectionneur qui a bien voulu me le céder : il se reconnaîtra !


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Les catalogues sont des reflets objectifs de leur époque.

Ils témoignent par leurs contenus de l'état des progrès technologiques et de l'organisation d'une société, bien sûr. 
Mais ils renseignent aussi sur l'économie réelle en fournissant les prix des objets manufacturés et permettent en conséquence la comparaison des valeurs attribuées par les fabricants/négociants à des objets voisins.
La présentation des catalogues et leurs illustrations témoignent des tendances d'une époque : le style dominant, le graphisme, la mise en scène, les éléments de contexte sont autant de repères passionnants pour la sociologie historique.

Et comment, pour ce qui me concerne, ne pas me rappeler mon enfance et les heures passées chaque année à parcourir le très attendu catalogue MANUFRANCE ?
Celui-là même que nous abandonnait notre grand-père, dès la livraison du nouveau millésime !


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Que nous apprend le catalogue Hesterberg & Fils ?

Une petite recherche nous apprend que l'entreprise a été fondée en 1784 à Milspe, une ancienne municipalité aujourd'hui incluse dans la ville de Ennepetal, arrondissement d'Ennepe-Ruhr en Westphalie.
Ennepetal est une ville industrielle, née de la fonderie et du commerce des produits manufacturés. Elle compte plusieurs entreprises de taille moyenne, dont la société Hesterberg, encore présente.
Hesterberg a évolué et semble spécialisée aujourd'hui dans la production et la vente de systèmes de fermeture pour véhicules utilitaires.


Le catalogue a vraisemblablement été édité dans les années 20 (1928 selon la date reportée à la main sur la couverture).

Rappelons que dans les années suivant la fin de la première guerre mondiale, l'Allemagne finit par refuser de payer les dommages de guerre démesurés que lui avait imposés le Traité de Versailles. En représailles, la France et la Belgique occupèrent alors la Ruhr et ses sites de production industrielle.
Le statut de société en commandite et la langue française utilisée dans la communication par Hersterberg & Fils à cette époque en témoignent certainement. Les commanditaires majoritaires, en parts ou en actions, devaient être français et la production être destinée à être commercialisée en France.


L'examen du catalogue nous en apprend un peu plus.

Le catalogue compte 321 pages et des milliers de références.
Les illustrations de couverture et l'encadrement de la première page sont clairement "art nouveau", pas encore "art déco".




La vue générale du site de l'entreprise, page 1, est déjà anachronique dans les années 20 : autour d'usines aux cheminées toutes fumantes, la circulation est en effet exclusivement hippomobile.

On trouve sur Internet une vue actualisée, datée de 1934, où les convois tirés par des chevaux ont été effacés.


Les vues ne sont pas bien nettes, mais les cheminées sont moins nombreuses, 
des arbres ont été plantés en bordure de route et 
les voitures hippomobiles ont disparu en 1934...



Le choix des articles présentés confirme cette analyse : "Dame électricité" ne s'est pas encore mise au service des clients, ouvriers ou ménagères.
Les illustrations du catalogue sont toutes dessinées, en noir et blanc, sauf sur quelques pages où l'or rehausse boutons de tiroirs, patères, tringles ou clous dorés.

Le style, les objets, la vue de l'entreprise... tout indique que ce catalogue a été élaboré au plus tard au début des années 20.


Concernant la forme, la langue utilisée est riche.
Les outils sont nommés dans un français qui déjà nous échappe : guillaumes, bouvets, vastringues, drilles, escoupes, faulx, crémones, menottes... sont des mots devenus désuets !
Grammaire et orthographe sont bien respectées, à quelques exceptions près : passe-partouts, tourne-gauches, ceuille-pommes, bats d'oeuf, syphons, bouche-boutailles, cuivre massiv... peut-être faut-il voir là un problème de traduction ?


Sur le fond, le catalogue impressionne par sa polyvalence.
Il couvre les métiers de la mécanique, du bois, de la restauration ou de l'agriculture.



Un catalogue polyvalent :
"tourne-gauches", "pinces à voie", "tondeuses pour chevaux"...

On y voit que Hersterberg est :
- tantôt fabricant (hachoirs, machines de cuisine...) et marque alors ses objets de sa marque de fabrique ou "Fabrikzeichen",



La marque de fabrique HERSTERBERG & FILS


- tantôt seulement marchand d'objets fabriqués par d'autres entreprises, souvent allemandes : balances, pèse-lettres, cadenas (TRIUMPH, GIWDAL), couteaux (certains marqués E.A DE. NACHF. STUTTGART) et même un tire-bouchon automatique marqué Alexanderwerk...



Canif Hesterberg & Fils (Internet)


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Et pour ce qui nous concerne, bien des pages nous intéressent directement, incluant pinces à champagne ou couteaux de poche.

Surtout, cinq pages sont consacrées aux tire-bouchons : 






- des tire-bouchons souvent allemands, Hollweg, Colombus, bascules, cages ouvrantes ou cages à ressort,
- tandis que d'autres peuvent sembler anglais, type Lund ou Heeley...
-  ou français : hélices type Pérille, "T", pliants ou poignées en corne.

L'ensemble exprime la réalité d'une époque où les fabricants de tire-bouchons se copiaient largement, d'un pays à l'autre et dans tous les sens.


J'espère avoir réussi à vous faire partager mon plaisir et mon intérêt... et serais heureux que vous me proposiez de tels catalogues si vous en avez à vendre !



M


PS : voici un lien vers l'article consacré il y a quelques mois au magnifique catalogue d'Auguste BELPÊCHE :

L'EXTRAORDINAIRE CATALOGUE D'AUGUSTE BELPÊCHE : DES TIRE- BOUCHONS ET BEAUCOUP PLUS ENCORE !

2 commentaires:

  1. Félicitations pour votre achat! Les vieux catalogues commerciaux contiennent toujours beaucoup de matériel de recherche. Voilà pourquoi ils sont si importants pour notre passe-temps.

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    1. Ah, les deux livres de Reinhold retraçant l'histoire des tire-bouchons de Thüringe à travers les catalogues qu'il a patiemment accumulés : Korkenzieher in Thüringer, Handelskatalogen ! Un véritable trésor !

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