Amis collectionneurs, bonsoir !
Le bouchon va-t-il disparaître et le tire-bouchon devenir inutile ?
Attaché que je suis aux belles bouteilles fermées de beaux bouchons et justifiant donc de beaux tire-bouchons, je ne me suis pas méfié suffisamment tôt !
Et pourtant !
Le bouchon de liège est en question.
J'avais tremblé pour les subéraies - et donc aussi pour les bouchons - en apprenant la violence des incendies au Portugal il y a quelques années, avant de découvrir la formidable résistance au feu des chênes-liège.
J'avais bien vu dans le même temps les bouchons italiens faits de miettes de liège agglomérées traverser les Alpes et conquérir les cols ... de nos bouteilles de vins de table.
J'avais vu les mêmes bouchons servir pour des productions sud-américaines importées.
J'avais vu avec plus de respect les bouchons synthétiques de l'Américain Nomacorc :
2,4 milliards de bouchon fabriqués ... et donc utilisés chaque année ! En Alsace notamment !
J'avais appris aussi que Nomacorc testait des bouchons fabriqués à partir de de dérivés de canne à sucre et à empreinte carbone nulle.
Mais je savais la réticence du consommateur français à renoncer au bouchon de liège, symbole ici de qualité et de tradition.
Surtout, je pensais : qu'importe la matière, le tire-bouchon restera nécessaire !
Et bien je me trompais...
Le Bag-in-Box ou "BIB" est en plein essor.
Le conditionnement en Bag-in-Box (marque déposée) ou "BIB" de 3 ou 5 litres est de plus en plus courant.
Des rayons entiers, couvrant quasiment l'ensemble des vignobles, leur sont consacrés dans les grands magasins. En France les ventes en "BIB" atteignent environ 30 % du vin vendu dans la grande distribution et beaucoup plus dans les pays nordiques.
Légèreté, prix, respect du goût, conservation après ouverture sont les avantages mis en avant.
Et le marketing est à l'oeuvre pour rendre l'emballage plus séduisant, jusqu'à pouvoir offrir un "BIB" en cadeau lors d'une réception chez des amis ou le présenter sur une belle table !
Le produit a commencé d'être décliné en Bag-in-Tube, BIB'Art, Doypack...
A quoi servira alors le tire-bouchon ?
Mais ce n'est pas tout, un autre danger guette notre ami !
La capsule à vis est déjà là.
Lors d'une dégustation de vins alsaciens, à Westhoffen, près de Strasbourg, il y a quelques jours, le vigneron ouvrit pour nous une série de bouteilles, toutes fermées par des capsules à vis, les crémants exceptés !
Daniel Ansen, c'est son nom, est œnologue ingénieur. Alsacien, fils de vignerons, il s'est formé en Alsace d'abord, puis dans le Bordelais, avant de partir, muni de ses diplômes, continuer d'apprendre dans les vignobles australiens.
C'est là-bas qu'il a découvert la production du géant de l'embouteillage Amcor : 5,4 milliards de capsules à vis vendues chaque année dans le monde et, tout près de chez nous, déjà 80 % du marché des vins allemands !
Daniel Ansen ne jure plus depuis que par la capsule à vis en aluminium, vissable et dévissable à l'envi :
- elle serait devenue selon lui indispensable pour conquérir le marché des compagnies aériennes aussi bien que celui des personnes seules et consommatrices raisonnables,
- munie de joints sélectionnables, elle assurerait conservation et vieillissement dans de bonnes conditions, prémunirait du terrible "goût de bouchon" et des risques de coulure.
Conséquences encore incontournables pour Daniel Ansen :
- il lui faut acheter en Allemagne ou en Autriche les bouteilles à vis qu'il ne trouve pas en France,
- l'embouteillage nécessite techniques et équipements adaptés, difficiles à amortir sur un petit domaine.
Une exception, une lubie de jeune qui veut se démarquer des anciens, me direz-vous ?
Et bien non : Amcor affirme que 15% des vins français sont d'ores et déjà capsulés !
C'est à y perdre sa mèche !
Dépassé par le triomphe des "BIB" et des bouteilles capsulées, le tire-bouchon sera-t-il bientôt aussi inutile à la bouteille que la clé l'est devenue à la boite de sardines ou l'ouvre-boite à la boite de conserve ?
La production s'arrêtera-t-elle alors ... et la collection avec les collectionneurs ??
Heureusement la résistance s'organise !
Le liège reste synonyme de qualité !
Rappelons d'abord que les 15 % de vins français capsulés sont pour l'essentiel des vins destinés à l'exportation, vers l'Australie ou l'Asie ; le consommateur français reste rétif.
Sauf exception ou expérimentation, aucun de nos meilleurs vins n'est bouché autrement qu'au liège de qualité.
Rappelons-nous aussi que les vins ordinaires français étaient naguère capsulés, d'une capsule déchirable et d'un petit bouchon plastique en forme de chapeau inversé, et que cette technique a aujourd'hui complètement disparu... en même temps que les "vins de table" ont laissé la place à des vins de meilleure qualité, "vins de cépage" notamment.
Et puis le match continue entre opposants et partisans du liège :
Une société française, Diam Bouchage, a mis au point un bouchon de liège reconstitué et purifié : elle vise une production de 1,5 milliard de bouchons dès 2015.
Je cite l'entreprise : "Grâce à un procédé breveté exclusif de "désaromatisation" du liège, les bouchons Diam et Mytik Diam sont les seuls bouchons en liège totalement neutres sensoriellement, libérés des molécules à l’origine de déviations organoleptiques dont le TCA, responsable du goût de bouchon (TCA relargable ≤ 0.3 ng/l)."
De leur côté, les pays producteurs de liège, Portugal en tête, améliorent la gestion des subéraies et les méthodes de démasclage pour obtenir des bouchons de grande qualité.
Et les entreprises innoveront encore et parviendront à maîtriser complètement le traitement du bouchon d'origine naturelle préalablement à l'embouteillage.
Le bouchon a encore de beaux jours devant lui !
Et le tire-bouchon aussi du même coup !
Et le tire-bouchon aussi du même coup !
Gageons pour finir que les trois systèmes trouveront chacun leur part de marché :
- le "BIB" assurera la consommation du quotidien et continuera d'accompagner assiettes en carton, gobelets et couverts en plastique pour réjouir nos fêtes populaires, barbecue et pique-nique...
- la bouteille capsulée à vis satisfera nos plaisirs ordinaires, notre pension hôtelière ou nos déplacements aériens ...
- la bouteille bouchée restera synonyme de fête et continuera d'afficher une ambition de savoir-faire et de qualité ; elle hésitera encore longtemps entre technologie de synthèse et liège traditionnel.
Le tire-bouchon, lui, restera
l'apanage des grandes occasions !
M
Sources :
Echanges avec Daniel Ansen, œnologue ingénieur.
Rustica N° 2318 semaine du 30 mai au 05 juin 2014, article "Ca se discute" Le vin : Cubi ou bouteille ?
Sites des sociétés citées et particulièrement celui de Diam Bouchage :
http://www.diam-bouchon-liege.com/
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