lundi 13 novembre 2023

L'ASSEMBLEE DES TIRE-BOUCHONS BETHEMONTOIS



Amis blogueurs, bonsoir !


L'article du jour nous est proposé par un ami lecteur, Jean-Pierre Chaudun.
En voici le titre :

L’assemblée des tire-bouchons béthemontois.


Jean-Pierre Chaudun est un membre honorablement connu du CFTB. 
Cf. l'article que je lui avais consacré :

La parole de Jean-Pierre vaut donc de l'or !


-/-


Il devait être minuit. Je dormais quand j’entendis du bruit provenant de mon bureau…
Je me levai silencieusement pour aller voir ce qui s’y passait. La lumière était restée allumée et devant mes yeux effarés se tenait un spectacle inimaginable, hallucinant, dépassant complètement l’entendement. Mes tire-bouchons qui, normalement, se reposent à cette heure-là, s’étaient animés.
Ils étaient alignés sur deux colonnes et semblaient deviser entre eux. Je me suis approché pour entendre et surtout comprendre leur conversation. Il faut dire que ce n’est pas bien difficile : mes tire-bouchons parlent français entre eux, de même qu'ailleurs les corkscrews conversent en anglais, les Korkenzieher en allemand ou les cavatappi en italien, n'est-ce-pas ? Mais ils ne parlent pas très fort, peut-être par peur d’être entendus ? Je me suis vraiment approché au plus près, au risque d’être repéré. 
C’est bon ! J’entendais maintenant ce qu’ils disaient. Le plus étonnant, c’est que lorsqu’un parlait, les autres se taisaient et l’écoutaient. Ça, c’est une bonne chose !

Le bien nommé l'ami Jean-Pierre distribuait la parole. Celui à qui il venait de la donner semblait bien raconter sa vie de tire-bouchon et tous les autres l’écoutaient avec grande attention.

- Bonsoir les amis ! Je vais me présenter en espérant vous convaincre et devenir membre reconnu de votre très sélect club. Je m’appelle Mark et je suis un authentique Thomason, né en Angleterre. Et même si j’ai passé ma vie chez de riches bourgeois parisiens, je n’ai pas perdu mon accent so british et suis très fier d’être à jamais un Thomason. J’appartiens à une grande lignée de tire-bouchons de renommée mondiale, aujourd’hui très recherchés des collectionneurs.





A la mort de mon propriétaire j’ai été vendu à un antiquaire et c’est là que ma retraite a commencé. Oublié, repos complet ! Plus la moindre bouteille à ouvrir. Le bonheur ! Plus de mal de dos, ni d’élongation. L’ataraxie quoi ! Un jour j’ai été bradé sur une brocante à Grandvilliers et depuis je continue à ne rien faire, ici-même à Béthemont-la-Forêt. J’ai dit.

- Qui veut maintenant la parole ? demanda alors Jean-Pierre.
- Moi ! 
- Tu as la parole, mon Frère.

- Eh ben moi je ne suis pas un Thomason, je suis un Pérille et j’en suis très fier.




J’ai servi toute ma vie chez le comte de la Dalle en pente. Ah ça, j’ai bossé toute ma vie comme un forcené. Mais ma grande fierté c’est d’avoir servi un comte. Ça classe son tire-bouchon quand même. Un peu comme notre ami Thomason, j’ai été vendu à notre propriétaire, lors d’une brocante à L'Isle-Adam. Beaucoup moins cher que ma vraie valeur. Evidemment ça ne se voit pas que j’ai acquis une certaine noblesse à ne fréquenter que des gens de la haute.  Voilà : J’ai dit !

- Qui demande la parole ?
- Moi ! 
- Tu as la parole, mon Frère. 

- Comme ma forme l’indique, je suis un tire-bouchon ecclésiastique. J’ai servi toute ma vie chez un évêque : Monseigneur Dupanloup.




Ah ça, j’en ai ouvert des bouteilles ! Mais que des bouteilles de vin de messe. Toujours du vin blanc à cause des taches sur les chasubles. Je dormais dans la sacristie et Monseigneur qui m’aimait bien m’embrassait pudiquement sur le ventre et me remisait dans mon étui douillet. J’ai vu Monseigneur dans son cercueil, on aurait dit un chevreuil ! J’ai été déniché sur une brocante à Auvers-sur-Oise et je suis content d’être en retraite à Béthemont-la-Forêt.

- Qui voudrait la parole maintenant ?
- Moi, j’veux bien. 
- Parle, mon Frère.

- Moi, j’étais chez un militaire. Un capitaine de vaisseau. C’est pour ça que j’ai une forme d’ancre marine. 

 


Ah, celui-là, il n’avait jamais pas soif. Toujours la gorge sèche. Ça, j’ai bossé, mais attention ; que du bon ! J’ai ouvert des grands bordeaux : Pétrus, Château Cheval blanc, Sauternes, Château d’Yquem, Château Pipeau, Saint-Emilion… et autant de beaux bourgogne : Auxey-Duresses, Gevrey-Chambertin, Vosne-Romanée, Aloxe-Corton et bien d’autres encore. Pour son ordinaire c’était le Sancerre. Et à chaque fois il chantait :
"Les p’tits canons 
De vin de Sancerre 
Valent bien les canons
Qui font les grandes Guerres..."
Je suis assez ordinaire, mais il m’est arrivé de tremper le bout de ma vrille dans le vin. J’en ai dégusté des bons, un souvenir inoubliable. Je serais très content d’être avec vous tous.

- Quelqu’un d’autre veut-il prendre la parole ? 
- Moi j’veux bien. 
- Parle, mon Frère.

- Ben moi, comme vous voyez, je suis tout à fait ordinaire, comme les bouteilles que j'ai ouvertes. Une vrille et un manche en bois. Je suis un tire-bouchon de pauvre, genre tire-bouchon de « gilets jaunes » si vous voyez. Mon patron était bûcheron et au début il buvait son vin en litres à étoiles, bouteilles consignées. Et un beau jour il s’est mis au vin bouché. Pour lui c’était une promotion : il avait gagné une bouteille de « Pelure d’Oignon » à la fête du village et depuis il ne chopine ou chopote plus que ce vin-là. 




C’est pour ça qu’il a fait mon acquisition à la quincaillerie du coin. Il est mort jeune et ses enfants m’ont donné à notre propriétaire en souvenir. J’ai dit !

- Une dernière prise de parole ?
- Moi j’veux bien. 
- Parle, mon Frère, mais tu seras le dernier.

- Eh ben voilà, moi j’ai un peu honte. Je suis un tire-bouchon de chirurgien. 




Spécial constipations et occlusions intestinales. On m'avait surnommé "le débouche-cul"... ce n’est pas brillant comme carrière, mais j’ai sauvé beaucoup de vies. Rassurez-vous j’ai été désinfecté et ne garde aucun relent de mon activité médicale. J’ai dit !

J'entendis une voix mezzo voce derrière lui : Humm, ton chirurgien n'était pas aussi mécanicien auto ? 
Mais l'ami Jean-Pierre couvrit la parole :
- Bon ! ben voilà ! Tout les candidats ont pu parler. Nous allons maintenant délibérer.

 
Après délibérations, et malgré leurs grandes différences sociales et leur carrières très variables, le doute même parfois porté sur leur histoire de vie, tous ont été admis… et l'ami Jean-Pierre leur a annoncé la bonne nouvelle.


-/-


 ... Et moi, je me suis rendormi, si tant est que je m'étais vraiment réveillé !


L'autre Jean-Pierre, Chaudun celui-là !

P.C.C.,



M




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