lundi 24 juillet 2023

DE LEBOULLANGER À LA SOCIETE FRANCAISE D'ACIER POLI (S.F.A.P.) : LE DERNIER CATALOGUE ?

 

Amis blogueurs, bonjour !


Le sujet du jour est un lot de vieux papiers acheté à un ami du CFTB, lot provenant de la Société Française d’Acier Poli ou S.F.A.P. et comprenant :
- un catalogue de 16 pages demi-format, 
- un courrier de la direction à destination de ses clients ou prospects,
- deux tarifs non datés.

J'ai pensé que ces documents pourraient me fournir la base d'un article de ma rubrique CATALOGUES ET TIRE-BOUCHONS. 
Voici donc :


DE LEBOULLANGER À LA SOCIETE FRANCAISE D'ACIER POLI (S.F.A.P.) : LE DERNIER CATALOGUE ?




Un catalogue, un courrier et deux tarifs S.F.A.P.



Le courrier diffusé avec le catalogue permet une datation précise : signé de Georges Godard, PDG et Maurice Gault, Directeur, il est daté de mai 1950... soit 104 ans après le début de la saga et deux ans seulement avant sa fin définitive.

C'est l'occasion de situer la S.F.A.P. dans cette histoire commencée un siècle plus tôt avec Leboullanger.
Nous pouvons heureusement nous appuyer sur les recherches menées par Gérard Bidault et retracées dans son précieux livre :
Les tire-bouchons français
Modèles et fabricants
Cf. ma fiche bibliographique :
Que Gérard en soit une nouvelle fois remercié !

Voici donc l’aventure successorale qui se conclut avec la S.F.A.P.


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Une saga qui durera plus d'un siècle


Georges-Louis Leboullanger : L.B. (1846-1892)
La plus ancienne fabrique française, florissante, est celle de Georges-Louis Leboullanger (attestée à partir de 1846), puis de deux de ses fils et successeurs, Alfred et Jules (1877-1889). Reprise ensuite par Auguste Louis, la fabrique est cédée à Crédot, dit Alphonse, en 1892.

Alphonse Crédot : A.C. (1886-1914)
Repreneur, Alphonse Crédot, un temps associé à Jean-Baptiste Boué (1886-1887), en est le seul patron en 1892. Il installe sa production au moulin de Genainville à Magny-en-Vexin (Seine-&-Oise) et développe sa société, y travaillant sans relâche jusqu’à son décès survenu en 1914 alors qu'il est âgé de 66 ans. Son directeur, Victor Sitbon, prend ensuite le relais.

Sitbon Victor puis Eugénie (1914-1927)
L'aventure Victor Sitbon passe l'épreuve de la première guerre mondiale pour durer sept ans. Mais l'année 1921 voit une première faillite de l’entreprise, suivie d’une reprise formelle par l’épouse, Eugénie Sitbon. Une seconde faillite survient cependant en 1927 et met le couple Sitbon hors jeu tandis qu'est nommé un administrateur provisoire, Jean Thomas.

Un lecteur, Patrick Pagniez, nous a apporté après publication des explications sur la faillite de 1921 : l'usine de Genainville a brûlé !



Extrait du journal  La Liberté (Seine-et-Oise)
Source : Gallica.


M.F.A.P., pour Manufacture Française d’Acier Poli (1927-1942)
La société est alors reprise sous le nom de Manufacture Française d’Acier Poli par des fournisseurs de Victor et Eugénie Sitbon, Peccoud et Mouton, lesquels nomment deux directeurs, Jean Thomas et Marc Juvenet, avant de leur passer la main en 1929. Paul Dugeny, précédemment représentant de Sitbon devient responsable du siège parisien
Jean Thomas est le patron effectif. Il associe son nom à celui de deux de ses prédécesseurs et dépose le sigle CST, pour Crédot, Sitbon, Thomas. Notons le « T » de Thomas, en forme de tire-bouchon.



CST, pour Crédot, Sitbon, Thomas


Les difficultés accumulées dans les années 30 puis l’arrêt de production lié à la guerre entraînent la faillite de la M.F.A.P. en 1942.

S.F.A.P. et PROME (1942-1952)
L'entreprise va pourtant renaître encore une fois sous le nom de S.F.A.P. et PROME : S.F.A.P. pour Société Française d’Acier Poli, et PROME pour PROtection des MEtaux.
Thomas et Juvenet se rangent derrière un prête-nom, Edouard Riquier, agent commercial, qui reprend « officiellement » l’entreprise en 1942.
Deux nouveaux dirigeants apparaissent après la guerre : Georges Godard, PDG et Maurice Gault, Directeur, qui seront les derniers successeurs de Leboullanger.
Le siège parisien est vendu à Paul Dugeny, évoqué plus haut, la S.F.A.P. se repliant sur l’usine historique de Genainville.
PROME, société de Maurice Gault, distribue la production de la SFAP, jusqu’à sa dissolution en 1952.
Les machines sont reprises par Coville et les stocks de tire-bouchons par l’inévitable Boileau.


Il est temps maintenant de revenir à nos vieux papiers.


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Que nous apprennent nos acquisitions ?


Le catalogue :
La couverture nous apporte des renseignements assez sommaires sur l'entreprise : 
Comme la M.F.A.P. avant elle, la S.F.A.P. est une Société Anonyme ; son capital a simplement été porté de 450 000 Francs (1934) à 500 000 Francs.
Soulignons ici que le catalogue est celui de la seule S.F.A.P., la production étant distribuée par PROME.
Le logo est celui choisi par Jean Thomas 23 ans plus tôt.
Comme dit plus haut, le siège social est celui de l’usine de Genainville.
Le catalogue n'est pas très riche et sans modèle innovant ; il propose une sélection d’articles, ainsi classifiés :
- tire-bouchons tout acier,
- tire-bouchons manche bois ou corne,
- tire-bouchons à cloche, poignée basculante ou avec hélice,
- tire-bouchons à ressort, à crémaillère : le PARFAIT,
- tire-bouchons extensibles : KISPLY, POLICHINELLE, KISTOP,
- tire-bouchons dits camping (étui de bois),
auxquels s’ajoutent des casse-noix, clés à conserve, ouvre-boîtes, couteaux à légumes, décapsuleurs, fixe-tableaux et porte-cravates.



L'essentiel de la production de tire-bouchons  de la S.F.A.P. 
représenté dans le catalogue 1950.


Le courrier :
Daté de Mai 1950, il est signé de Georges Godard, Président-Directeur Général et de Maurice Gault, Directeur Général. Destiné ici à un grossiste en fers et quincaillerie, la Maison Mainaud et Dubois (Dubouis en réalité) située à Charlieu (Loire), ce courrier est manifestement une circulaire de relance des anciens clients et vise probablement aussi de nouveaux prospects.




En voici un extrait : "notre Société, très honorablement connue avant guerre, a repris son activité irréprochable d'antan avec le retour des matières de première qualité, nécessaires au parfait de ses articles".... "avant guerre", "antan" montrent la volonté d'inscrire la S.F.A.P. comme une simple évolution de la M.F.A.P. ; "très honorablement" et "parfait" revendiquent de leur côté une qualité de fabrication qui n'est malheureusement plus de mise depuis longtemps ! 


Nouveau rebondissement inattendu, postérieur à la publication de mon article : 
Bernard Devynck, lecteur et contributeur assidu, m'envoie une copie d'une facture M.F.A.P. pour des tire-bouchons POLICHINELLE et KISTOP. La facture, datée du 12 octobre 1934, est adressée à... la Maison Mainaud et Dubouis de Charlieu, cette maison à laquelle sera envoyé le courrier S.F.A.P. 16 ans plus tard ! 
Cette pièce confirme bien que les dirigeants de la S.F.A.P. ont cherché à renouer avec les anciens clients de leurs prédécesseurs !



Document Bernard Devynck.


Bernard nous fait partager son étonnement devant le sous-titre de la raison sociale : "Anciens établissements CREDOT fondés en 1824". 
Je pense pour ma part que Jean Thomas, alors patron de la M.F.A.P., revendique là - dans un raccourci un peu hasardeux - et l'héritage de Crédot et celui de Leboullanger, sans qu'on puisse encore vérifier si la fabrique Leboullanger existait avant 1846.


Les deux tarifs joints :
Le premier, sur papier de couleur verte, probablement diffusé dans l’immédiat après-guerre, porte la mention « catalogue sur demande ».
Le second, sur papier de couleur saumon, est légèrement plus tardif. Les prix sont en hausse moyenne d’environ 5 % par rapport au premier. 
Ce deuxième tarif témoigne d’un effort de diversification :
-  un quart de page est réservé aux « cadeaux utiles », combinaisons de casse-noix et tire-bouchons sous écrin similicuir, 
- la quatrième page indique que « tous [les] tire-bouchons se font en mèche coupante ou en mèche ronde ». Elle est illustrée d’un tire-bouchon extensible, variante du Polichinelle, référencé Pol. 2 B :

 

"Hybride" KISTOP-POLICHINELLE


Gérard Bidault avait déjà noté « l’apparition d’un modèle mixte KISPLY-POLICHINELLE, servant certainement à utiliser des stocks de pièces disponibles ». Voici un autre exemple avec un tire-bouchon muni de bras de type KISTOP et d’une poignée courbe de type POLICHINELLE, un modèle qui sera commercialisé par l’UMAM (Union Manufacturière d’Articles Ménagers). 

Cette pratique témoigne des difficultés d'une entreprise qui après des errements de gestion, suivies de la grande crise des années 30, enfin de la seconde guerre mondiale, a perdu sa créativité et n'a pu tenter de survivre que grâce à ses stocks.


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La fin de la saga Leboullanger, Crédot, Sitbon, M.F.A.P., S.F.A.P. sera officialisée avec la liquidation de cette dernière deux ans plus tard.



M


lundi 17 juillet 2023

UN ARTICLE SUR JOSE CARDOSO ET LES TIRE-BOUCHONS PISSEURS

 Amis lecteurs, bonjour !


Bon nombre d'entre nous sont abonnés à l'un ou l'autre des mensuels consacrés aux objets anciens, Aladin ou Antiquités-Brocante, ou au bimensuel Collectionneur & Chineur. 
La lecture de ces revues assez généralistes me laisse parfois sur ma faim, mais j'apprécie cependant beaucoup de les recevoir, au point de me disputer avec mon épouse, à savoir qui les lirait en premier !
Ce matin c'est elle qui a été la plus rapide pour aller chercher dans la boîte à lettres le dernier numéro de Collectionneur & Chineur. Elle a ainsi pu me dire que notre ami José Cardoso était à l'honneur avec un article signé Claude Franck et intitulé :


TIRE-BOUCHONS PISSEURS
UNE GRANDE FAMILLE !




Collectionneur & Chineur n° 393


Au sein du Club Français du Tire-Bouchon (corrigeons au passage une erreur : je n'en suis plus le président depuis plus d'un an), José Cardoso est le meilleur spécialiste de ces tire-bouchons figuratifs taillés dans le bois : les "pisseurs"... et non pas les "pisseux" comme j'avais commis un jour la bourde de les appeler avant de me faire réprimander vivement par lui !

José est l'ami fidèle d'un autre membre de notre club, notre doyen Georges Féret, presque centenaire aujourd'hui, et qui développa après la seconde guerre mondiale une entreprise de production d'objets sculptés dans le bois : tire-bouchons, casse-noix et bouchons figuratifs destinés à coiffer des bouteilles humoristiques.
Dans les années 50 et 60, ces objets étaient très prisés des touristes comme cadeaux-souvenirs de leurs vacances en France.



L'interview de José Cardoso



L'expertise de Georges Féret a ainsi heureusement été transmise et José a appris à reconnaître les productions des entreprises concurrentes : le Souvenir Français, les ateliers de Georges Gaspar, d'Eugène Volynkine ou du suisse Jobin.
Notons par exemple que seul Georges Féret équipait ses modèles d'yeux en perles de verre.


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Au-delà de cette courte présentation, je vous invite à lire l'article sur les tire-bouchons pisseurs, richement illustré des photos de José Cardoso. dans Collectionneur & Chineur n° 393 daté du 20 juillet 2023.

Je suis heureux que nos amis José et Georges soient ainsi mis à l'honneur !

Bonne lecture,


M





mardi 11 juillet 2023

QUAND LA REALITE DEPASSE LA FICTION : PATRICK BORDAT, HELIXO-ARCHEOLOGUE !

 

Amis lecteurs, bonsoir !


J'avais commencé d'écrire un article que je voulais consacrer à Patrick Bordat, mais le Who's Who attendra encore un peu, l'actualité commande : Patrick vient de vivre une aventure dont chacun d'entre nous rêverait.

En voici le récit, écrit à quatre ou six mains :

QUAND LA REALITE DEPASSE LA FICTION :
PATRICK BORDAT, HELIXO-ARCHEOLOGUE !


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J'ouvrai le livre que j'ai écrit naguère, 
Le tire-bouchon aux XVIIe et XVIIIe siècles, 
Chrono-géographie d'une révolution en Occident
par le paragraphe suivant :



Au commencement de mon livre, ce "poisson d'avril"
monté par la revue Sciences et Vie d'avril 2014.


Mon texte était presque prémonitoire, on va le voir ; sauf que l'aventure que vient de vivre Patrick n'a rien d'un canular, elle...


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Patrick et son épouse Françoise possèdent une maison de vacances à Oléron depuis une bonne vingtaine d'années. Il y a quelques jours, Patrick s'est décidé à restaurer les bordures du jardin, et c'est à ce moment qu'il a aperçu un bouchon de liège dépassant de la terre ! 
Un peu étonné par cette présence, il a voulu l'enlever, sauf que... 

... au bout du bouchon, il y avait un tire-bouchon !!



La trouvaille archéologique de Patrick !



La suite m'a été racontée par Françoise :
"Incroyable, mais vrai : Patrick a déterré un tire-bouchon en jardinant à Oléron ! Est-ce un signe du destin ?"



Brut, exhumé !
(détail).



Puis, en réponse à ma réaction émerveillée devant cette vraie trouvaille archéologique, elle a précisé :
"Oui, Patrick a aperçu un bouchon en liège et en le tirant, le tire-bouchon est apparu. Il pense que c'est un Pecquet et il n'en est toujours pas "revenu" ! Il lui reste donc un bon nettoyage."

J'aurais bien suggéré de le laisser "dans son jus" et d'en faire des photos reconstituant le moment de la trouvaille, mais trop tard, notre impatient Patrick lui avait déjà fait une première toilette. Cette toilette nous permet cependant d'apprécier le bon état de conservation du tire-bouchon, au terme d'un séjour d'un siècle sous terre : les plaquettes de corne sont toujours en place sur la poignée et les pales de l'hélice, et l'anneau de serrage est bien présent sur le fût de la mèche.



Assurément un Pecquet...
"première dynastie", fin XIXe siècle !


Les collectionneurs auront reconnu le modèle référencé n° 2529 de Pecquet, déjà présent dans le catalogue de 1887, et présenté comme "à hélice deux branches, buffle, nickelé" :



Catalogue Pecquet - Janvier 1887
(Collection personnelle).


Mais, rebondissement postérieur à la publication ! Un commentaire anonyme, et donc peut-être de Lionel (?), sème le doute :
"Oui, belle trouvaille, mais que je risque de pondérer un peu. Je ne pense pas qu'il s'agisse d'un Pecquet, mais plutôt du modèle copié allemand. On peut le reconnaître à la bague au centre de l'hélice qui est légèrement évasée aux angles (nettement cylindrique pour le Pecquet). Cela reste une chouette histoire... !"

Dont acte, mais effectivement ça ne retire rien à l'histoire !


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Patrick est évidemment ravi de sa trouvaille, mais plus encore que du tire-bouchon Pecquet - ou non - il l'est d'avoir vécu une très belle histoire qu'il n'est pas près d'oublier et qu'il a bien voulu partager avec vous.


Merci Patrick !



M


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