Amis bloggeurs, bonjour !
Alors que nous entrons dans ce qui risque bien d'être un "Grand Reconfinement", tout en précautions et sans grandes distractions, jetons encore un regard dans le rétroviseur pour évoquer quelques achats plaisir :
De Trébutien à Binétruy, de Crédot à Pérille, les tire-bouchons m'avaient attendu avant de se confiner eux-mêmes !
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Un Trébutien
Il y eut tout d'abord la Bourse d'échanges, virtuelle cette fois encore, du CFTB, début octobre, et ce fut pour moi l'occasion d'acquérir enfin un tire-bouchon à cloche de bronze, marqué TREBUTIEN et DEPOSE.
Le personnage du fabricant, Louis-Eugène Trébutien, m'intriguait depuis longtemps, mais je n'avais pas encore réussi à accrocher un de ses tire-bouchons marqués à mon "tableau de chasse".
L'activité de fabricant de Trébutien n'a guère duré qu'une décennie de 1873, l'année de son premier brevet (pour une petite harpe pliante), à 1883, l'année présumée de son décès et de la reprise de sa manufacture par Adolphe Pecquet.
Etrange histoire mêlée que celle de Trébutien, Aubret, Boué, Leboullanger, Crédot, Laffitte puis Burel... autant de concurrents majeurs, étonnamment installés à quelques kilomètres les uns des autres dans la campagne du Vexin. Burel y rejoignit même Trébutien, avant le rachat de l'entreprise par Pecquet.
Et puis il y eut le procès en contrefaçons qui opposa Pérille à Trébutien : Pérille avait exposé son tire-bouchon à hélice, couramment appelé "la Ménagère", avant de le protéger par dépôt de brevet et Trébutien s'était empressé de le copier. Le procédé n'était pas élégant et lança nos deux fabricants dans un procès finalement perdu par Pérille... mais Trébutien n'en sut rien : il était décédé auparavant ! Le jugement fit jurisprudence et les inventeurs y apprirent à protéger leurs inventions.
Cf. notamment mon article :
TIRE-BOUCHON ET JUSTICE, SUITE ET FIN : LES ORIGINES DU PROCÈS DE PÉRILLE CONTRE TRÉBUTIEN
J'avais acheté un témoin, sinon du procès, au moins de cette histoire !
Le tire-bouchon en buis de Binétruy
Il y eut ensuite cette demande que j'avais acceptée de témoigner de la bonne régularité d'un acte notarié : nous étions deux et Alain, l'autre témoin, avait siégé autrefois dans le conseil d'administration du lycée que je dirigeais. Nous avions parlé tire-bouchons lors d'une première rencontre et Alain était revenu cette fois avec un tire-bouchon qu'il tenait à m'offrir.
Le tire-bouchon était en buis et à hélice, très représentatif des belles fabrications de la tournerie de Victor Binétruy, active de 1926 jusqu'à la seconde guerre mondiale à Pont-de-Poitte dans le Jura.
A cette époque la grand-mère d'Alain tenait un café dans la cité ouvrière voisine d'Homécourt. Enfant, Alain aimait y jouer. Et ce tire-bouchon lui semblait bien ludique, sauf que sa grand-mère y tenait particulièrement. Ce tire-bouchon avait ses préférences et bénéficiait de tous ses soins : comme il lui servait tout au long de ses journées, elle le choyait. De là certainement, et sa belle patine et sa cage intacte.
C'est un vrai cadeau d'amitié que je reçus là !
Le barman
La troisième séquence débute aux Puces de Metz il y a deux semaines : comme ça me semble loin aujourd'hui !
Sur le stand d'un particulier, un serveur, haut de 13 cm, découpé dans l'acier, se tenait, très stylé, plateau à la main, avec une bouteille et deux verres. Je considérai ce beau travail artisanal, regrettant seulement l'absence d'un tire-bouchon. Et puis, coup de cœur, je l'achetai, à un prix au demeurant très raisonnable.
Chine terminée, nous nous étions retrouvés entre amis, à prendre un verre au bar (comme ça me semble loin aussi !) et à exposer nos trouvailles. J'évoquai ce petit achat, disant mes regrets que l'auteur n'y ait pas ajouté un tire-bouchon. "Qu'à cela ne tienne, je vais t'en mettre un si tu veux", me dit Christian, l'homme-orchestre aux dix CAP et BP de chaudronnier, soudeur, traceur, dessinateur industriel...
Voici le résultat :
L'histoire ne s'est cependant pas arrêtée là : j'ai trouvé quelques jours plus tard dans un dépôt-vente une autre statuette manifestement du même auteur, représentant cette fois un artiste-peintre... pas question donc de placer un tire-bouchon sur sa palette !
Et sous le socle figurait le nom de l'auteur et ses coordonnées. J'ai appelé et suis tombé sur quelqu'un de sa famille qui me l'a passé : bien alerte, mon sculpteur est lorrain et nonagénaire et m'a confirmé qu'il était le créateur de ces personnages !
Vivement la fin du reconfinement que j'aille lui montrer cette greffe de tire-bouchon en espérant que ce geste d'humour lui agrée : peut-être un gros marché en vue ? 😀
Crédot et Pérille, période Creuse
Le dernier acte s'est joué aux Puces de Thionville, le lendemain de celles de Metz, inutile de vous dire que ça semble très loin aussi aujourd'hui ! Du fait de l'annulation de tous les vide-greniers de village, vendeurs et chineurs étaient nombreux à se retrouver là.
Je m'efforçais d'arriver le premier partout... et j'avais bien tort, puisque je fis mes trouvailles en fin de foire : les outils d'un sculpteur sur bois, des coupe-choux, une très belle clef ancienne, une carte Michelin entoilée, Paris Sud, années 20 et même deux tire-bouchons !
Le premier est un quatre doigts à la poignée en cœur, modèle Crédot, figurant au catalogue "vers 1914" reproduit par Gérard Bidault dans son livre "Les tire-bouchons français".
Comment ne pas offrir cette preuve d'amour ?
Le second est également un quatre doigts, marqué JP, une fabrication des "Fils de J. Pérille", période Georges-Pierre Creuse, soit entre 1925 et 1931. Si la poignée est plutôt classique, le fût de la mèche, ouvragé, est très spécifique à cette époque. Malheureusement le manque d'ébavurage et de finition annonce le déclin et bientôt la fin de l'aventure Pérille.
Pour autant, il s'agit bien d'un Pérille, en parfait état, que je réserverai pour un échange avec "le" collectionneur de cette belle maison.
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Alors au total, il suffit de ces cinq mots-clés pour synthétiser l'apport de ces tire-bouchons : histoire, amitié, humour, amour et échange.
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