Amis lecteurs, bonjour !
ENIGMA N° 77 : COCORICO, NOUS SAVONS QUI EST KEHRIG !
Ma dernière énigme,
n'a pas provoqué une avalanche de réponses, mais nous avons bien progressé, particulièrement grâce aux recherches de Bernard Devynck !
Un tire-bouchon nommé KEHRIG
Bernard Devynck est un collectionneur d'objets du vin, parmi lesquels, bien sûr, le tire-bouchon tient une grande place ; c'est aussi un chercheur infatigable qui sait la valeur des vieux papiers, véritables mines de renseignements.
Il s'est cette fois complètement pris au jeu, ce qui me permet de m'effacer au maximum derrière les courriels et photos qu'il m'a adressés.
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18 mai 2023 : premier courriel de Bernard Devynck
Je viens de prendre connaissance de ton ENIGMA N° 77 et j'avoue avoir eu un énorme coup d'adrénaline. Pourquoi ? Simplement parce que tu m'as coupé l'herbe sous le pied à propos de KEHRIG pour lequel j'avais en projet imminent de te proposer mon énigme. Mais du coup je vais essayer de contribuer à résoudre la tienne.
D'abord, je possède un ouvrage de H. KEHRIG intitulé "Le privilège des vins à Bordeaux", ouvrage que j'avais recherché pour expliquer une marque du même nom sur un objet appartenant à mon univers de la vigne et du vin.
Il s'agissait d'une pince bordelaise, appellation courante, mais également connue autrefois sous le nom de marteau à déguster. Cet outil à usages multiples était prisé des vignerons, maitres de chais et également courtiers/négociants en vin pour prélever les échantillons : une vrille ou foret dans l'une des branches marteaux, un marteau pour enfoncer les faussets, une tenaille crantée pour les enlever et une assette tranchante pour les araser. Mais ce n'est pas mon énigme, revenons à la tienne.
Marteau à déguster, une face marquée H. KEHRIG
Le même, éclaté ; la deuxième face est marquée BORDEAUX
Nous avons donc en commun deux objets estampillés H. KEHRIG. L'activité principale de KEHRIG n'était pas d'être écrivain, mais industriel dans les appareils de cave, avec une installation rue Notre Dame à Bordeaux. Mes collections de vieux documents, factures, catalogues... m'ont permis de vérifier la présence de cette entreprise en 1869 (mais peut-être était-elle là avant…), 1879, 1893 et jusqu'en 1928 où KEHRIG apparaît comme agent à Bordeaux des Etablissements SEITZ.
Entêtes factures et catalogue SEITZ de 1928.
Je n'ai pas d'autre éléments, sinon que je me souviens avoir lu, mais ne retrouve pas la source, qu'il avait été président ou membre fondateur d'une association d'industriels, écrivait régulièrement dans la revue de cette association, ce qui justifie son ouvrage dans le cadre d'études et recherches.
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21 mai 2023, deuxième courriel de Bernard Devynck
En continuant mes recherches sur les sites de ventes en ligne, je suis tombé sur une cannelle bordelaise, avec marquage sur la clé H. KEHRIG BORDEAUX, mais bien sûr pas de sa fabrication.
Ton ENIGMA m'a permis de trouver en compulsant mes vieux documents, catalogues et autres, que la rue Notre Dame à Bordeaux avait concentré plusieurs opérateurs de cette activité de matériel et outillage de cave : C. BITARD aux 137 et 142, G. PEPIN et fils aux 110 et 112.
Gallica, la banque de données de la BnF, m'a permis de retrouver l'année de son décès : 1933, mais cette recherche reste à approfondir.
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Intermède généalogique
L'année du décès donnée par Bernard m'a aidé à identifier le "bon" KEHRIG : il s'agit de Henry Victor KEHRIG.
Henry Victor KEHRIG
Né le 1er avril 1848 à Bordeaux.
Décédé le 9 mars 1933 à Bordeaux, à l'âge de 85 ans.
Publiciste, Fondateur de la Feuille Vinicole de la Gironde. Chevalier de la Légion d'honneur.
Marié le 5 mars 1870 avec Jeanne-Alice ARCHAMBEAUX (1849 - ?) dont il a eu huit enfants : Robert, Raymond-André-Henri, Pierre-Jules-Louis, Louise-Léopoldine-Madeleine, René, Paul, Maurice-Emile-Jean et Jean Jacques.
J'ai communiqué ces éléments à Bernard en précisant ne pas avoir réussi à accéder à l'adresse de Henry Victor KEHRIG, ni à trouver trace d'une activité de fabricant ou de grossiste, notamment en tire-bouchons...
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23 mai 2023, troisième courriel de Bernard Devynck
J'avais moi aussi en mémoire que KEHRIG, en plus de cette facette d'auteur déjà évoquée, était connu comme directeur du "Journal vinicole et viticole, agricole et scientifique". Voici le déblocage !
Je savais posséder un bouquin qui apporterait clarté et solution. Il s'agit d'un livre auquel je me réfère souvent : "Outils des vignerons et tonneliers du Bordelais" (Presses Universitaires de Bordeaux) de Jean-Pierre Hiéret, par ailleurs conservateur au Musée d'Aquitaine à Bordeaux. Et j'ai trouvé en page 216, consacrée à Henri Kehrig, deux représentations d'annonces commerciales confirmant son adresse professionnelle au 45 rue Notre Dame, comme figurant sur mes documents précédents.
J'ai aussi trouvé, page 85, l'illustration d'un pal injecteur, sorte de grande seringue utilisée dans la lutte contre le phylloxéra pour injecter du sulfure de carbone dans le sol (j'en possède un, mais de fabrication des Ets BERTHOUD, marque encore connue de nos jours).
Mais celui figurant dans le livre et de production girondine, est intéressant pour nous, car en dessous de la plaque du constructeur est apposée celle du distributeur, Pierre KEHRIG Fils Successeur, et donc en fonction de la généalogie que tu as retrouvée, il ne peut s'agir que de Pierre Jules Louis KEHRIG (1879-1955).
Et Bernard de conclure :
Quel chemin parcouru depuis le 19 mai !
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Ce fut un vrai plaisir d'échanger avec celui qui est le véritable rédacteur de cet article.
Merci à tous ceux qui se sont intéressés à cette énigme, et plus particulièrement à Bernard, pour ses recherches, pour avoir mis sa documentation à notre disposition et pour nous avoir présenté des outils viticoles peu connus aujourd'hui : le marteau à déguster, la cannelle bordelaise et le pal injecteur !
Enfin, à défaut d'en connaître le géniteur, nous savons maintenant qui distribuait mon tire-bouchon :
Cocorico, Kikeriki, nous savons qui est KEHRIG !
M