lundi 22 novembre 2021

L'INATTENDU AUX PUCES DE METZ

 

Amis lecteurs, bonjour !


La brocante est souvent surprenante et je viens encore de rencontrer 

L'INATTENDU AUX PUCES DE METZ

Avec les précautions sanitaires indispensables : pass sanitaire contrôlé à l'entrée, masque - même si tout le monde ne le portait pas - j'étais heureux de retrouver ce samedi matin les deux grands halls du palais des Congrès, bien garnis de quelques deux cents exposants.



Le Hall A du Palais des Congrès.


Je ne savais pas encore que ma déambulation allait m'entraîner de surprise en surprise...


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Il y eut d'abord le plaisir des retrouvailles, le "tu as quelque chose pour moi ?"
Et puis, très vite, la triste évocation des amis disparus depuis le début de la pandémie : Pascal, Vincent, Alain, Jean-François, Bernard... une dizaine de brocanteurs ne sont plus de ce monde ; d'autres sont affectés par le Covid et peinent à s'en remettre.
Mais la vie devait reprendre dessus ! Et je repris donc ma chine !


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Stéphan, antiquaire meusien, me retint pour me dire : "Vous, vous avez raté quelque chose !". Et "le quelque chose" était un tire-bouchon XVIIIe siècle vendu ici même deux semaines plus tôt. 
Que répondre ?... sinon qu'il n'était probablement pas pour moi !
J'explorai tout le hall sans trouver de tire-bouchons dignes d'intérêt, mais en appréciant la qualité des objets présentés, m'attardant de stand en stand.


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Un objet particulièrement m'interpella ; il s'agissait d'une calculatrice allemande des années 20, un modèle Triumphator K, identique à celui-ci : 




Je me baissai, la pris en mains, appréciant son poids - "tout ce qui pèse vaut", dit un ami !
Mais le brocanteur m'arrêta d'un "C'est vendu, monsieur". Il voulut bien me dire à quel prix, un prix si raisonnable que j'en fus d'autant plus dépité.
Je lui laissai une carte, sur la promesse qu'il m'enverrait la photo d'un autre exemplaire qui lui restait dans ses réserves. Promesse qui le plus souvent n'engage que celui l'écoute, n'est-ce-pas ?

Conclusion provisoire : pas de tire-bouchon du XVIIIe siècle, pas de tire-bouchons du tout d'ailleurs et pas de calculatrice !


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Je repris ma quête pour tomber en arrêt devant une aune de mariage, belle et bien travaillée, et de prix abordable.
Nous en possédions déjà une, mais plus simple et rustique ; je vis là un cadeau à faire à mon épouse.



Notre aune de mariage


En Alsace, l'aune de mariage ou aune de mariée était le cadeau traditionnel que devait faire le promis à sa jeune fiancée. C'était là le gage que celle-ci serait bonne épouse et bonne couturière ; et de fait une belle aune servait une vie entière, voire se transmettait de génération en génération.
Son nom était celui d'une unité de mesure ancienne : l'aune drapier, pièce de bois ou de métal utilisée par les drapiers et, par extension, par les couturières pour mesurer les tissus.
La mesure était locale, l'aune de Paris valait d'ailleurs approximativement le double de l'aune drapier alsacien. L'aune alsacienne avait une longueur totale d'environ 66 cm, mais la partie utile, graduée, ne mesurait qu'environ 54 cm.
Le fiancé se devait de faire en fonction de ses moyens autant que de l'amour qu'il portait à sa promise. Il pouvait acheter ou, mieux, fabriquer et personnaliser son cadeau et certaines aunes richement décorées sont aujourd'hui très recherchées.

J'allais essayer d'acheter cette aune, bel exemple d'art populaire, quand survint une amie restauratrice : nous avions à parler et le bistrot des Puces était tout proche... un quart d'heure agréable et utile donc, avant de retourner vers le stand alsacien.

Mais là, l'aune avait disparu, vendue !... ce n'était pas mon jour, décidément !


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Deux petits tire-bouchons trouvés dans le second hall ne parvenaient pas à me contenter :




L'un, moderne, comportait un dé à jouer sur le fût de la mèche, l'autre avait une poignée de bois clair et plaquettes de corne : ce n'était pas des stradivarius, mais ils étaient sympathiques quand même.


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Ma brocante s'achevait et c'est bien sûr sur l'ultime stand que patientait la récompense inattendue : une huile sur toile, nature morte anonyme, mais dont le thème imposait l'achat ! 




Posés sur une table, m'attendaient une bouteille et un verre, un cigare et... un tire-bouchon ! Un Pecquet peut-être pour ce tableau de la fin du XIXe siècle ?


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Vivement les prochaines Puces !



M


jeudi 18 novembre 2021

BIBLIOGRAPHIE 59 : LES TIRE-BOUCHONS FIGURATIFS Simon ZNATY

 

Amis lecteurs, bonsoir !


Un nouveau livre vient de sortir :

LES TIRE-BOUCHONS FIGURATIFS 
par Simon ZNATY

Vous tenez là votre cadeau de Noël !


Simon Znaty, membre du Club Français du Tire-Bouchon, est un collectionneur passionné par les tire-bouchons figuratifs.
Il illustre bien là nos convictions : chacun collectionne à sa manière, ouvre de nouvelles voies, apporte de nouvelles connaissances.

L'univers de Simon Znaty est d'une grande richesse, du plus ordinaire au plus rare, de l'objet relevant de l'art populaire à l'objet le plus précieux. Les fabricants des différents pays, ici réunis par l'auteur, rivalisent d'art et d'ingéniosité pour proposer des représentations élégantes ou humoristiques de la vie, usant des styles, matériaux et couleurs caractéristiques de leur pays, comme des écoles et tendances artistiques ayant marqué leur époque.

J'ai eu et aurai encore beaucoup de plaisir à le lire et le relire !


Voici ma fiche bibliographique :













































Faites-vous le offrir ! Et bonne lecture !



M


vendredi 12 novembre 2021

ZIG-ZAG : JULES BART ET SES FILS


Amis lecteurs, bonsoir !


Je vous propose de revenir aujourd'hui sur

La saga de Jules Bart et ses fils


Ayant lu sur le Blog des tire-bouchons un article dans lequel j'évoquais les cent ans du ZIG-ZAG, un arrière-petit-fils de Jules Bart m'a contacté et m'a suggéré de rencontrer son grand-père Roger Bart, fils cadet de Jules Bart, retiré du côté de Saint-Nazaire.
C'est un peu loin de chez moi, mais comment résister ? Contacté, Roger Bart voulut bien me recevoir et la rencontre a eu lieu chez lui le 14 juin 2021.

Avertissement : la plupart des portraits et photos illustrant cet article ont été rephotographiées - avec l'accord de Roger Bart - depuis l'album de famille où elles étaient sous plastique. La qualité s'en ressent. 


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Roger Bart, né le 31 octobre 1925, est un homme alerte, heureux d'ouvrir son album photos et de raconter son histoire de vie, à défaut de pouvoir me proposer des archives, abandonnées lors de la vente de l'entreprise.



14 juin 2021, Roger Bart, fils cadet de Jules Bart, chez lui.
C'est lui le créateur du nouveau packaging du ZIG-ZAG.


Voici le compte rendu de cette rencontre.


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La jeunesse de Jules Bart


Roger Bart m'a raconté son père : Marie, Jules, Léon, Joseph, appelé plus simplement Jules Bart. Né en 1893, il était le fils de Jules Bart, artisan ferblantier installé à Saint-Clément (Meurthe-et-Moselle), et de Juliette Paris, gantière.

Après l'école primaire, Jules n'a pas rejoint l'atelier de son père. Il est en fait entré comme apprenti mécanicien chez Lorraine-Dietrich, constructeur automobile renommé, installé à Lunéville. Il y côtoie l'ingénieur Ettore Bugatti, qu'avait embauché Eugène de Dietrich. De ces années nait sa passion pour les bolides. Doté d'un esprit curieux, comprenant instantanément les mécanismes les plus complexes, Jules construit bientôt de toutes pièces sa première voiture, avant de pouvoir acquérir de véritables automobiles de prestige, Lorraine-Dietrich et Bugatti bien sûr.


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De l'invention du ZIG-ZAG aux Ateliers Jules Bart


La première guerre mondiale arrive et Jules la passe en captivité en Allemagne : fait prisonnier en 1914, il y restera jusqu'à la fin du conflit. Deux de ses camarades de captivité vont le marquer fortement. L'un, polytechnicien, repère ses bonnes aptitudes et lui enseigne les mathématiques ; il ne parviendra cependant pas à le convaincre de reprendre des études après la guerre. L'autre se nomme Ehrenfeuchter (orthographe invérifiable), il est bijoutier place Vendôme à Paris ; en lui parlant de sa fabrication de broches articulées façon pantographe, il donne à Jules Bart l'idée qui le conduira au ZIG-ZAG.

Sa première demande de brevet pour le tire-bouchon ZIG-ZAG suit de peu son retour à la vie civile : il la dépose en effet le 17 septembre 1919 et le brevet lui est accordé le 29 mars 1920 sous la référence n° 503.957.

Son projet d'entreprise va aussi pouvoir se concrétiser inopinément grâce à l'héritage d'une tante vivant au Brésil ! Ce financement inattendu va permettre la création d'un atelier et son équipement en tours automatiques rachetés à l'armée française.

L'entreprise n'est pas une société, mais une entreprise en nom personnel : "Les Ateliers Jules Bart" ; et Jules Bart se présente comme constructeur-mécanicien, installé au 4 rue Molitor à Nancy, avant de déménager en 1922 au 14 rue du Placieux, toujours à Nancy. 



Usine de Nancy – Au fond le bureau du contremaître – 
Le bac à gauche est empli de ZIG-ZAG en voie d'achèvement.


L'entreprise est florissante et compte rapidement vingt-cinq salariés.


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La famille Bart


Jules Bart a épousé Renée Marthe Roehm (1896-1976), fille d'un commerçant en chaussures. 

Deux fils naissent de cette union : Jean en 1922, puis Roger en 1926. Des frères qui ne s'entendront pas, l'aîné n'ayant jamais accepté le cadet.


Jules Bart et son épouse, née Renée Roehm.

Leurs fils, Jean et Roger Bart, 
deux frères qui se sont toujours regardés en "chiens de faïence".



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Le temps des inventions


Jules Bart a l'esprit inventif. Fabrications et dépôts de brevets se succèdent.







































Et les autres brevets…
- Le tire-bouchon extensible DEBOUCHTOUT, version "low-cost" dépourvue de ressort. La demande est présentée le 18 novembre 1927, comme un additif au brevet 503.957 du ZIG-ZAG ; le brevet est délivré le 19 février 1929.
- L'ouvre-boîte TOUTYP, brevet demandé le 09 juillet 1929 et délivré le 23 décembre 1929 sous le numéro 678.075.
- Un autre "Ouvre-boite à conserves", probablement destiné à l'équipement des soldats : brevet 760.984, demandé le 20 septembre 1933 et délivré le 27 décembre 1933.
- Le presse-purée MOUSSE (brevet non retrouvé).
- Le moulin à légumes à lame tournante, dit NOVOTYP : brevet 763.192 demandé le 30 octobre 1933 et délivré le 05 février 1934. Selon Roger Bart, l'erreur de son père a été de ne pas croire dans le succès de cette dernière invention, laquelle sera largement reprise par la concurrence.- La bougie TURBY (brevet non retrouvé). Jules Bart est passionné de sports mécaniques au point de financer ses propres pilotes sur voitures Bugatti et motos belges Sarolea. Il invente un modèle de bougie à électrode réglable : la TURBY. La bougie est ainsi nommée en référence à la course de côte de Nice-La Turbie (Var), remportée huit fois entre 1922 et 1935 par des voitures Bugatti, les T35 particulièrement.


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Le déménagement à Mortagne-sur-Sèvre


Les années passent, florissantes pour l'entreprise, mais Jules Bart s'inquiète de la montée du nazisme en Allemagne. 
Vers 1937, la famille passe quelques jours en Alsace et Jules emmène ses fils admirer le pont du Rhin entre Strasbourg et Kehl. Découvrant sur l'autre rive la douane allemande arborant le drapeau à croix gammée, il dit sa conviction à ses fils : "ils vont remettre ça !". 



Le Pont du Rhin, attribué à la France en 1919 (CPA Internet).


Jules Bart décide alors d'éloigner son entreprise au plus loin de la frontière. La famille passe ses vacances à chercher un point de repli. Le choix se portera finalement sur le Pont-Vieux, une ancienne minoterie, à Mortagne-sur-Sèvre, en Vendée, mais à la limite du Maine-et-Loire, près de Cholet. Le moulin du Pont-Vieux, attesté depuis 1567, pourra fournir l'énergie nécessaire aux ateliers. 
Les ateliers Jules Bart sont fournisseurs de l'armée française : pour cette raison et dans le contexte de montée de la menace de guerre, leur déménagement fait partie de ceux jugés prioritaires par les autorités militaires. Il est effectif à la déclaration de guerre en septembre1939.



La minoterie du Pont-Vieux (CPA Internet).


Jules Bart propose à ses ouvriers lorrains de le suivre, mais seuls quelques-uns le feront après la débâcle française.
L'armistice de 1940 place cependant Mortagne-sur-Sèvre en zone occupée… aussi bien que Nancy et la Meurthe-et-Moselle : tout ça pour rien !
Les fabrications civiles (tire-bouchons, ouvre-boîtes, quelques commandes Citroën…) se poursuivent malgré les restrictions dans les livraisons de bronze et d'acier, et permettent à l'entreprise de se maintenir.



Les ateliers Jules Bart au Pont-Vieux.


Le fils aîné, Jean Bart (ainsi prénommé en référence au célèbre corsaire), est déporté du Service du Travail Obligatoire (S.T.O.) et part en Allemagne dans un atelier d'outillage. Son père lui demande d'utiliser cette période pour apprendre à travailler au profit de l'entreprise.


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Le décès de Jules Bart et sa difficile succession


Avec la fin de la seconde guerre mondiale, l'aventure familiale semble pouvoir reprendre son cours normal. Le conflit a cependant mis fin prématurément aux études entreprises par les deux fils : Jean, l'aîné, s'est arrêté après une classe préparatoire aux grandes écoles scientifiques ; Roger, admis à l'école supérieure de commerce de Nantes, ne peut pas terminer son cursus. Tous deux se retrouvent donc sur le marché du travail.

Mais Jules Bart décède subitement en juillet 1945 : il n'a pas 53 ans !

L'entreprise est en indivision, entre Renée, la veuve, et Jean et Roger, les fils.
Roger Bart explique que sa mère a alors proposé à Jean de reprendre les rênes, ce que celui-ci a accepté à la condition expresse d'être seul aux commandes. En 1947, Jean devient ainsi le gérant de la "Société des Ateliers Jules BART et ses Fils", société en nom collectif constituée pour dix ans.
Les conditions d'un conflit familial sont installées. 
Selon Roger, la gestion de Jean est erratique. Aucun nouveau brevet n'est déposé pendant cette période. Jean n'associe pas, ou pas suffisamment, sa mère et son frère aux résultats de l'entreprise : sa mère est ainsi privée de sa source de revenus. Devant cette situation, Renée et Roger, majoritaires en parts, finissent par décider l'éviction de Jean, puis au terme d'une procédure, de lui racheter ses parts. Ils bénéficient pour ce faire de l'aide financière des amis de Jules Bart, mobilisés par le propriétaire de la revue "Le Quincaillier".
La version de Jean, exprimée dans un courriel, est différente : " En décembre 1957, avant l'échéance de la société, je m'en suis retiré en cédant mes parts à ma mère et à mon frère." 
Jean part, laissant l'entreprise en difficulté selon son frère Roger, qui prend le relais en 1958 et fonde la "Société en nom collectif Veuve Jules BART et son fils successeur".
Cependant Roger exerce déjà une profession : il occupe un poste de chef comptable au Commissariat à l'Energie Atomique et n'est pas suffisamment disponible. Face aux difficultés persistantes de l'entreprise, et en accord avec sa mère, il décide alors en 1959 de vendre, sinon la société, du moins les droits et la production des tire-bouchons ZIG-ZAG et DEBOUCHTOUT à deux associés, Dubois et Crespeau, propriétaires de l'entreprise TIMECA à Cahors. 
La cessation d'activité et la fermeture et des ateliers interviennent en mai 1961 pour la fabrication, et en 1965 pour la vente des immeubles.


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Mais le ZIG-ZAG poursuit son aventure


C'est sur les conseils de Roger Bart que TIMECA rachète plus tard l'entreprise d'Amédée Boileau. TIMECA prend alors le nom d'établissement BOILEAU ZIG-ZAG ET TIMECA REUNIS et cette société reste active jusqu'en 1976, continuant de fabriquer le ZIG-ZAG et le bouchon doseur IDEAL, dont le nom va bientôt être réinvesti.
Dans la dernière étape en effet, en 1976, la société L'IDEAL succède à la société BOILEAU ZIG-ZAG et TIMECA, puis rachète le fabricant de doseurs DOSVER en 2002.



Le ZIG-ZAG souvenir du Congrès de Nancy en 2005.
Le conditionnement est celui conçu par Roger Bart
(Collection personnelle).



Et depuis plus d'un siècle maintenant l'aventure du ZIG-ZAG, la "Bugatti du tire-bouchon", se poursuit !


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J'adresse mes plus sincères remerciements à Roger Bart et à son petit-fils pour cette rencontre et ce témoignage inespéré.



M


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