Amis lecteurs, bonjour !
Après une période difficile, rythmée par de trop nombreux deuils de proches, il est temps de retrouver un peu de sérénité et quelques plaisirs.
Nous avons tous constaté qu'Internet ne remplace pas les sorties sur le terrain, mais comment y échapper ?
Les magasins d'antiquités-brocante sont tous fermés et il n'y a toujours pas la moindre brocante à "se mettre sous la dent" !
Je guette l'arrivée du courrier, espère les appels amicaux, dévore les revues spécialisées... pas toujours intéressantes en ce moment...
Et voilà qu'est arrivé hier le numéro 340 de Collectionneur & Chineur, daté du 6 mai 2021.
C'est dans les petites annonces que j'ai découvert cette offre et que je me suis pris à rêver :
Collectionneur & Chineur
n° 340 du 5 mai 2021
Cocteau, Peynet ? ... curieuses signatures !
La photo ne laissait pourtant pas espérer de trouvaille miraculeuse, mais la localisation dans le département voisin était tentante : la Meuse commence à 15 kilomètres seulement de chez moi.
J'ai donc téléphoné au vendeur, lequel m'a assuré que le lot était intéressant et que la photo n'en montrait qu'une partie.
J'étais le premier sur l'affaire et, même si le prix souhaité pour l'ensemble me paraissait un peu décalé par rapport à ce que je voyais, il me restait l'espoir de trouver un "stradivarius" parmi les tire-bouchons non photographiés !
Nous convînmes d'un rendez-vous dès ce matin. Mais la proximité n'était pas si évidente que ça : le vendeur habitait en fait le sud-meusien, à 110 kilomètres de chez moi... un peu loin, mais quand on aime on ne compte pas, n'est-ce-pas ?
Un ami voulut bien m'accompagner : le voyage en serait plus agréable. Enfin nous retrouvions le droit de voyager, dans les limites de l'étonnant couvre-feu !
Le voyage
La Meuse rurale est bucolique en ce printemps : mirabelliers et quetschiers font leurs feuilles, les colzas sont en fleurs, les vaches, de race meusienne forcément, broutent l'herbe de prés verdoyants...
Mais l'histoire nous guette à chaque tour de roues : c'est que nous parcourons la "Voie sacrée", cette route stratégique historique reliant Verdun et Bar-le-Duc, artère principale de la bataille de Verdun.
Borne spécifique à la Voie sacrée
Voici un extrait de ce qu'en dit Wikipedia :
Cette voie dut être entretenue en permanence, car les camions de transport de matériel et de troupes y défilèrent sans arrêt au rythme d'un véhicule toutes les quatorze secondes en moyenne. Durant l'été 1916, 90 000 hommes et 50 000 tonnes de munitions, de ravitaillement et de matériel l'empruntaient chaque semaine pour alimenter la fournaise de Verdun. Si un véhicule tombait en panne, il était immédiatement poussé dans le fossé pour ne pas gêner la circulation. Des carrières étaient creusées tout le long de la route et des soldats jetaient en permanence des cailloux sous les roues des camions pour boucher les ornières.
Les villages traversés ont tous subi d'incroyables dégâts dans cette guerre inhumaine.
CPA Internet.
Certains, dits "villages martyrs", ont disparu. La plupart ont été reconstruits avec les "dommages de guerre". Les maisons à parements de briques rouges marquent cette période de l'entre deux-guerres : ce sont souvent les plus nombreuses !
La rencontre
La route se termine. Notre destination est un petit village très ancien qui nous permet de rêver d'antiquités.
Mais à l'adresse indiquée s'élèvent quelques bâtiments collectifs inattendus : la ville n'est pas loin.
Notre homme nous attend au seuil de son immeuble. Il est bourru, peu causant et ne porte pas de masque. A ses pieds, deux sacs en plastique contiennent ses trésors.
Je demande s'il ne serait pas possible d'étaler les objets sur une table pour les examiner, mais il me répond que je les verrai aussi bien par terre. C'est finalement sur le plancher du coffre de ma voiture qu'il nous les présente.
Déception : il n'y a aucune belle pièce, seulement quelques dizaines de sommeliers et décapsuleurs contemporains et une trentaine de tire-bouchons assez basiques... et bien sûr rien qu'on puisse attribuer à Cocteau ou à Peynet !
Me serais-je arrêté en les voyant sur le stand d'un brocanteur ? Même pas sûr ! Mais là, j'ai fait la route exprès, je ne peux quand même pas repartir bredouille !
Alors je sélectionne quelques pièces : trois "pisseurs" (on dit "pisseurs" m'a justement rappelé l'ami José Cardoso, mais j'y reviendrai), un Verpillat, un tire-bouchon en laiton vantant les forges de Dommartin, un Bossin, un "4 doigts" avec décapsuleur, un "T" manche en corne, deux extensibles très communs, auxquels j'ajoute trois décapsuleurs et trois sommeliers publicitaires.
Mes achats.
Nous convenons d'un prix raisonnable et nous nous quittons, un peu déçus pour notre part de ne pas avoir pu converser davantage.
Soyons positif, je ne l'ai pas dit mais je suis ravi d'avoir dans le lot trois "pisseurs".
J'ai pensé d'emblée qu'ils avaient été fabriqués par notre ami Georges Féret : un ramoneur, un cueilleur de champignons (à voir le panier) et un moine à (très longue) ceinture de corde.
Le ramoneur, le cueilleur et le moine.
Mais José Cardoso, le meilleur spécialiste de ces figuratifs, a bien voulu m'apporter les précisions suivantes :
- le ramoneur et le moine (dont la cordelette est anormalement longue) sont des productions "Le Souvenir Moderne", entreprise ayant développé une production similaire à celle de Georges Féret,
- le cueilleur au panier est peut-être un pêcheur à qui on aurait volé sa canne à pêche, c'est incontestablement une production de la manufacture Jobin, installée à Brienz en Suisse : la forme du nez est caractéristique.
Nous sommes revenus, déconfinés et déconfits certes, mais heureux d'avoir renoué avec notre plaisir.
L'échange avec José n'a fait qu'augmenter ce plaisir !
M