C'est un grand moment qu'ont vécu bon nombre de collectionneurs il y a quelques jours : Xavier Dominique, commissaire-priseur de la Maison Ader, Nordmann et Dominique, procédait à
la vente de la collection de Jean-Paul Boussat.
Une vingtaine de collectionneurs et autant de curieux étaient venus voir l'exposition la veille de la vente, tandis que plusieurs centaines avaient décortiqué le catalogue reçu ou accessible en ligne.
L'affiche de la vente
Picard, Coville, Méricant , Riollet...
Quelques belles pièces s'exposant indécemment au regard étonné des passants
Nous étions un petit groupe de membres du CFTB à admirer les vitrines, réunis autour de notre vénéré Président Jean-Pierre Lamy : Françoise, Alain, Alain, Bernard, Jean-Pierre (2), Maurice, Maxime, Patrice, Philippe, Stéphane, d'autres encore qui me feront peut-être reproche de ne pas les avoir cités...
A l'exposition, avec Jean-Pierre, notre Président, et Maxime
Il y avait même Philippe, ami saint-pierre-et-miquelonnais, collectionneur (?) venu m'offrir le seul tire-bouchon de l'archipel : la poignée est faite de bois de cerf de Virginie, un cerf chassé sur la presqu'île de Langlade-Miquelon.
Le bouchon tire-bouchon à poignée de bois de cervidé,
venu de Saint-Pierre-et-Miquelon.
Les choses sérieuses allaient pouvoir commencer.
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La vente eut lieu les 29 et 30 juin dans la salle d'exposition libérée des vitrines, un cadre presqu'intime donc.
Xavier Dominique la mena tambour battant, ralenti seulement par les enchères en live, nombreuses mais très chronophages.
Au marteau : Xavier Dominique, commissaire-priseur
Vouloir résumer cette vente en quelques lignes serait impossible.
En voici seulement quelques aspects parmi les plus saillants que j'ai retenus :
- La vente a globalement dépassé 180 000 €, prix marteau, une belle somme, même si je m'attendais à beaucoup mieux.
- Une explication a certainement joué : plusieurs correspondants, étrangers particulièrement, m'ont fait valoir l'importance des frais acheteurs : 28 % en salle, auxquels il fallait ajouter les frais d'enchères en live, de 1,8 % (Drouot Live) à 3,6 % (Interenchères) et, bien sûr, les frais d'expédition et les éventuelles taxes d'importation des pays destinataires... de quoi réfréner les ardeurs !
- Notons que tous les lots présentés (quelques belles pièces de la collection m'ont semblé manquer, mais peut-être Jean-Paul les avait-il vendues) ont trouvé preneur, sans aucune exception, le plus modeste, groupant deux Tony Dussieux, pour 10 € il est vrai !
- Quelques descriptions comportant des restrictions ou imprécisions, d'autres proposant des estimations exagérément basses, ont probablement pesé sur les résultats obtenus.
- Des résultats ont ainsi pu décevoir les vendeurs : deux magnifiques tire-bouchons en or et nacre présentés très tôt en début de vente sont partis, le n° 6 pour 750 €, le n° 8, avec son étui de galuchat, pour 1 100 € ; un peu plus tard, le n° 183, le Régulateur de Coville, a été adjugé à 2 200 € seulement.
- Un tire-bouchon en ébène et fer, présenté comme "dans le goût de ceux du XVIIIe siècle", lot n° 44, n'a atteint que 550 €, tandis que son jumeau en ivoire et fer, lot n° 45, présenté de même manière, était adjugé pour 4 200 €, deux résultats qui auraient sûrement fait peine à Jean-Paul, un Jean-Paul qui m'avait dit sa fierté d'avoir acheté - très cher - ces exemplaires.
- Une bataille homérique a cependant vu la salle l'emporter sur le net avec un prix marteau de 15 000 € pour le troisième exemplaire, lot n° 47, "un tire-bouchon à cage en fer à décor à filets de laiton, la cage ajourée de décors géométriques, la poignée à décor de fleurs stylisées, travail français du XVIIIe siècle" !
L'objet de la compétition,
photographié chez Jean-Paul Boussat, il y a quelques années
- Notons encore parmi les beaux résultats les 5 800 € atteints pour le Méricant et les 8 000 € pour le Riolet.
- Avouons enfin que je ne me suis pas vraiment intéressé aux couteaux, lesquels ont cependant attiré un autre public, venu tout exprès.
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Pour ce qui me concerne, connaissant bien la richesse et la diversité de la collection de mon ami Jean-Paul, je m'étais dit que la concurrence serait rude sur les grands classiques : les tire-bouchons XVIIIe siècle, les mono-leviers qui faisaient sa fierté, les meilleurs Delarbre, Leboullanger, Pérille, Pecquet, Delaporte... aussi bien que sur la grande famille des Thomason et autres harpes multi-outils anglais.
J'avais affûté ma stratégie en conséquence pour :
- augmenter ma série de poignées de bronze à des prix que j'imaginais "forcément" modestes,
Poignées de bronze exposées
- acquérir un Copley, tire-bouchon irlandais, pour lequel j'avais une vraie faiblesse depuis la lecture du livre de Bert Giulian, "Irish Corkscrews of the eighteenth century",
- "chasser" les erreurs de présentation (cf. lot 418, dénommé "Le Caquet" au lieu de "Le Canuet")
- enfin miser sur quelques lots sympathiques mais délaissés par la plupart des enchérisseurs.
Inutile de dire que ma stratégie a souvent été mise à mal par des acheteurs aussi pointus que gourmands : ainsi les tire-bouchons à poignée de bronze ont attiré beaucoup d'enchères et les erreurs de présentation n'ont pas trompé les collectionneurs vigilants.
Mais je ne suis pas mécontent : je suis reparti le premier jour avec mon Copley, un beau type Thomason à décor "cathédrale", plus quelques Pérille et deux tire-bouchons de poche XVIIIe ; le deuxième jour j'ai saisi les opportunités qui se présentaient.
Voici mes achats :
Achats du premier jour
Achats du deuxième jour
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Jean-Paul et moi partagions une même conviction : les collectionneurs ne sont que des passeurs d'objets. Nous réunissons les objets que nous aimons et les préservons du même coup de l'oubli ou de la destruction ; leur dispersion aux enchères les conduit vers d'autres collections et contribue encore à leur préservation.
Tu as fait le "job", Jean-Paul, repose en paix !
M