vendredi 29 mai 2020

EBAYANA N° 246 DU 30 MAI 2020 : TIRE-BOUCHONS ANCIENS, ART ET CURIOSITÉ



Amis collectionneurs, bonjour !


C'est la fin du "Grand Confinement"...

Voici mon EBAYANA N° 246 du 30 mai 2020,
sélection de beaux objets repérés sur l'ensemble des sites eBay à travers le monde.
Ces objets sont mis aux enchères par leurs vendeurs et sous leur responsabilité.


Les dernières enchères se termineront au plus tard ce mercredi 03 juin 2020 à minuit, heure de Paris, et je publierai l'ensemble des résultats obtenus le jeudi 04 juin 2020.



Enchérissez sur eBay à partir du Blog des tire-bouchons !



M


Cliquez sur les textes 
correspondant aux objets qui vous plaisent,
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MA SÉLECTION :




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Faites-moi vos propositions en m'écrivant à :
leblogdestirebouchons@gmail.com






vendredi 22 mai 2020

ENIGMA N° 60 RESOLUE : UN REFOULOIR DE PLAQUES DE BONDE



Amis lecteurs, bonjour !


L'énigme proposée par notre ami Hajo TÜRLER :
ENIGMA N° 60 : un ancien outil de métier
ne vous a pas résisté bien longtemps !

Il s'agissait en fait d'un refouloir de plaques de bonde.




Le refouloir de plaques de bonde.
(Collection Hajo Türler)



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Jacky Corbel et Jean-Pierre Lamy avaient bien essayé, mais n'avaient pas trouvé la bonne réponse... pour une fois !

Patrick Pagniez l'a trouvée et nous a envoyé un extrait de catalogue, malheureusement sans en donner la source : peut-être un catalogue Manufrance ?




"outil spécial pour la pose des plaques de bonde"


Précisions ultérieures apportées par Patrick : "J’ai trouvé sur un forum Marc.
(Manufrance 1910)

https://www.forum-outils-anciens.com/t9911-1-2...


Et Don Bull, qu'on ne présente plus, nous a renvoyé au livre qu'il a coécrit avec Jo Paradi : "Wine Antiques & Collectibles", déjà présenté ici en fiche bibliographique.
On y voit, page 63, plusieurs modèles de notre objet  :




Don Bull & Jo Paradi : "Wine Antiques & Collectibles", page 63.


Voici sa définition : "Barrel stamping device. Stamps are inserted in it for marking the winery name."
Soit : "Dispositif d’estampage de baril. Des timbres y sont insérés pour marquer le nom de la cave."


Pour ma part, j'avais trouvé cet outil dans deux catalogues anciens présentés sur ce blog :
- celui des Etablissements LATTIERE à Lille, datant des années 30 :
CATALOGUE ANCIEN LATTIERE :  TIRE-BOUCHONS, BOUCHONS, COUPS-DE-POING, PIPETTES...
- et, plus intéressant parce qu'illustré, celui des établissements Louis MATHES à Mâcon, de 1914 :
LE CATALOGUE MATHÈS : II. LE CONTENU DE LA MALLE AUX TRESORS




Catalogue Mathès 1914, avec en haut à droite 
une gravure illustrant la façon d'utiliser notre refouloir - ici appelé "repoussoir".
(collection personnelle)


Cet ancien outil de tonnelier ou du viticulteur permettait d'apposer sur la bonde du tonneau une plaque métallique personnalisable et munie de griffes afin de garantir le contenu lors de l'expédition des barriques. 
En frappant sur le haut du refouloir, la plaque était sertie dans le bois autour de la bonde, le système monté sur ressort permettait la remontée du refouloir. 



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Hajo Türler, tenu informé de vos réponses, nous a envoyé le message suivant :

"Ça me fait plaisir que mon énigme ait été résolue.
J'ai acheté ce "refouloir pour poser les plaques" à la fameuse vente aux enchères de Maître Petit dans le Domaine de la Citadelle à Ménerbes, chez notre ami Yves Rousset-Rouard , le 23 mai 1999.

Nom du lot : Refouloir de tonneau, petit modèle, avec capsules.
Prix marteau : 200 Francs français, soit environ 30 Euro.
Je te joins quelques photos de capsules :





Dans le catalogue de la Manufacture d'Armes et Cycles de Saint Étienne de 1930, que tu trouves dans l'Extracteur 94, elles sont décrites comme suit :
"Plaques de bonde en tôle estampée, motif raisin, bord à griffes, fer blanc naturel ou verni jaune ou rouge (l'indiquer). Rendent les bondes inviolables."



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Merci à tous ceux qui ont essayé de trouver la bonne solution, et surtout merci à Hajo de nous avoir proposé cette instructive énigme !



M



dimanche 17 mai 2020

ENIGMA N° 60 : UN ANCIEN OUTIL DE METIER



Amis lecteurs, bonjour !


Voici une nouvelle énigme proposée par notre ami Hajo TÜRLER :

ENIGMA N° 60 : un ancien outil de métier


Pour tout vous dire, je soupçonne Hajo de bien connaître la réponse !
Mais je vous invite malgré tout à identifier cet ustensile... nous sommes au moins sûrs d'avoir bientôt la bonne réponse !

Quand Hajo m'a proposé cette énigme, je lui ai demandé de nous proposer quelques lignes de description. Voici sa réponse :

"Bonjour Marc,

Bon, alors une description brève :
Ancien outil de métier,
décrit dans un catalogue  de 1930 :
corps bois dur, mandrin cuivre, monté à ressort
Longueur  22 cm, Diamètre 50 mm, Poids 560 g.
Prix 41,50 Francs de l'époque.

Amicalement

Hajo"

Et voici les photos :





Collection Hajo TÜRLER
(photos auteur).


Merci à Hajo pour cette nouvelle énigme !
J'ai ma petite idée sur l'utilisation d'un tel outil, mais ne la livrerai pas tout de suite : je préfère vous laisser jouer un peu !


Bien sûr, je publierai vos contributions !



M


mardi 12 mai 2020

BOUCHONS : LE CATALOGUE DE LA BOUCHONNERIE HISPANO FRANÇAISE



Amis lecteurs, bonjour !


C'est d'un tout petit catalogue des années 30 que je me propose de vous parler aujourd'hui :

LE CATALOGUE GÉNÉRAL ILLUSTRÉ DE 
LA BOUCHONNERIE HISPANO FRANÇAISE


Tout petit, il l'est par la taille : 12 pages de 11,8 X 14 cm !
Il est vrai aussi qu'il est difficile d'en faire beaucoup plus pour vendre uniquement d'anonymes bouchons de liège.
Mais nous allons nous efforcer de le faire parler, en espérant intéresser autant les hélixophiles que les buttappœnophiles ou cortexophiles.


-/-


Quelques mots sur l'histoire de l'entreprise tout d'abord.



Le logo de l'entreprise dans les années 30.


La Bouchonnerie Hispano Française ou BHF a été fondée en 1932 à Perpignan où elle avait son siège 1 rue de la Tonnellerie. 
Elle était peut-être née de la fusion entre la Bouchonnerie Franco Catalane sise à Marmande (une offre d'emploi à cette adresse était insérée dans le journal Ouest Eclair du 27.01.1932) et la Bouchonnerie Franco Espagnole sise au Boulou (offre d'emploi en tous points identique parue dans La Dépêche du 08.06.1933), mais je n'ai pas réussi à l'établir formellement.
L'entreprise s'est détachée de la production pour se concentrer sur le négoce de bouchons importés d'Espagne tout d'abord : San Feliu de Guixols (Catalogne), puis du Portugal : Lourosa, près de Porto.

La Bouchonnerie Hispano Française est rachetée en 1984 par Raymond Travet et devient Travet Liège.
En 1989, Raymond Travet monte une unité de fabrication près de Porto (Portugal), RaymondCor Lda, chargée des achats de liège en forêt et de la fabrication des bouchons,  tant naturels que colmatés. 




Chêne liège démasclé - Portugal
(quintadotedo.com)


Les établissements Travet Liège à Perpignan assurent la finition et la commercialisation de ces bouchons.
Les installations de Perpignan, devenues vétustes, sont abandonnées en 1989 et Travet Liège s'installe alors à Rivesaltes. L'objet de la société évolue vers la "fabrication d'objets en liège, vannerie et sparterie*".

* Sparterie : 1. Ouvrage, tel que corde, natte, tapis, panier, etc., tressé soit en alfa ou en spart (graminée), soit en crin végétal. 2. Fabrication, commerce de ces ouvrages.

Enfin en 2011, Antoine Tixador, commercial, salarié de l'entreprise, achète les parts sociales de Raymond Travet et devient le patron de Travet-Liège et RaymondCor.



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Notre catalogue


Ce document interpelle d'emblée. Il est de taille modeste, on l'a dit, mais il a aussi une caractéristique remarquable, il est l'oeuvre d'une grande maison : l'imprimerie B. Arnaud - Lyon - Paris.
Cette imprimerie est une maison de tout premier plan en France. Fondée par Benoît Arnaud à Lyon en 1856, elle emploie jusqu’à 300 personnes à Villeurbanne au début du XXe siècle. 




Usine B. ARNAUD à Villeurbanne en 1902
(source : Le Rize+)


Au décès de Benoît Arnaud, son neveu Rodolphe lui succède puis, de 1927 à 1952, son fils naturel, Benoît Levet-Arnaud.
Après 1952, l'entreprise tentera de se diversifier dans les cartonnages ; elle connaîtra diverses fusions avant de cesser son activité en 1990.

Dans la période qui nous occupe, celle de l'entre-deux-guerres, l'imprimerie est florissante. 
Le catalogue de la Bouchonnerie Hispano Française avait donc été confié à une maison de prestige !
Le site culturel villeurbannais "Le Rize+" nous apprend en effet que l'imprimerie B. Arnaud s'était spécialisée dans les imprimés commerciaux haut de gamme : "luxueux prospectus, en-têtes de courriers calligraphiés et enluminés, et [...] pour les plus grandes marques de l’époque, comme la Bénédictine ou Chicorée Leroux, mais aussi pour des hôtels du monde entier (égyptiens, colombiens, cambodgiens…)."

Et de fait, la production de l'imprimerie s'inscrit pleinement dans le mouvement Art déco.
La couverture de notre petit catalogue en témoigne : son graphisme de style moderniste, très épuré, et la sobriété de la mise en couleurs m'avaient d'emblée fait penser à l'affiche d'époque du film culte Métropolis de Fritz Lang :




Troublante parenté...


L'entreprise fabrique des objets modestes : des bouchons, mais elle veut exprimer puissance et modernité.



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Le contenu



Les pages intérieures s'inscrivent dans la même ligne : graphisme Art déco, couleurs limitées au rouge et aux nuances de noir et de gris.












Le catalogue de la Bouchonnerie Hispano Française s'adresse à des commerçants et non à des particuliers. Comme c'était alors la coutume, il ne contient pas d'indications de prix : en cette période d'inflation, c'eût été contre-productif !

Nous y découvrons tout d'abord, pages 2 et 3, les techniques de marketing mises en oeuvre avec des emballages standards, mais aussi des emballages primes : 
- une fois décousu, le sac le plus petit constitue "un superbe mouchoir" incitant le client à revenir pour en réunir une douzaine !
- et le sac le plus grand deviendra un "torchon de belle qualité" !




Mouchoirs et torchons offerts par BHF !


Des informations et conseils aux utilisateurs sont donnés en bas des pages suivantes, et le catalogue se referme sur une présentation de traitements supplémentaires proposés "pour faciliter les mises en bouteilles et anéantir les risques de mauvais goût" : bouchons "sursatinés", "paraffinés" ou "bagués" (page 12).

Plus intéressant, en pensant à nos bouteilles et tire-bouchons, l'éventail des produits BHF nous renseigne sur les habitudes et les règles de l'époque.
Rappelons-nous d'abord que depuis le Moyen Âge, l'unité de longueur du bouchon est restée la ligne (symbole ln), correspondant à un douzième de pouce, soit environ 2,256 mm. Wikipedia indique ainsi que la longueur des bouchons des bouteilles de vin varie de 15 lignes (34 mm) à 24 lignes (54 mm). 
Dans notre catalogue, les longueurs des bouchons sont donc logiquement exprimées à la fois en lignes et en millimètres.
Les diamètres sont constants : les bouchons destinés aux bouteilles de vin ont un diamètre de 24 mm (31 - 32 mm pour le champagne).




Des bouchons classés
en fonction de leurs défauts de forme et de surface...


Retenons aussi que les bouchons sont classés en catégories selon leurs défauts de forme (bouchons tordus ou ovalisés lors du "tubage") et de surface, particulièrement les "lenticelles" ou "criques" qu'on y repère :
- Bouchons de champagne mis à part, les bouchons les plus longs et de la meilleure qualité coûtent cher et l'on comprend qu'ils soient essentiellement destinés aux grands vins.
- Les bouchons de moindre qualité sont souvent des bouchons "colmatés", c'est-à-dire des bouchons dont les "lenticelles" ont  été enduites d'une colle à la poussière de liège, traitement efficace contre le "goût de bouchon".
- Les bouchons de moindres qualité et longueur, à la forme conique, sont destinés au bouchage à la main du vin de table par les clients finaux : ces bouchons, pas complètement enfoncés, seront aisément retirés au "foret de marchand de vin", en faisant levier sur le col de la bouteille.




On comprend que la distinction entre tire-bouchons,
forets de marchand de vins et autres pique-fût soit parfois un peu floue.


La Bouchonnerie Hispano Française  distingue :
- Les bouchons cylindriques machine, courts ou standards, de 34 ou 38 mm, sont destinés au bouchage à la machine.
- Les bouchons coniques, standards ou longs, également de 34 ou 38 mm, servent pour le bouchage à la main des litres et bouteilles.
- Les bouchons destinés aux bordeaux, dits demi-longs, de 49 mm (22 lignes), sont importés de Catalogne et personnalisables par marque sur la "roule" (corps).
On remarquera que les bouchons longs, de 24 lignes ou 54 mm, destinés aux grands crus ne figurent pas dans ce catalogue : question de prix, peut-être ?
- Les bouchons destinés aux champagnes sont à cette époque longs de 54 mm : bouchons au "miroir" (disque en contact avec la surface du vin) collé pour le tirage (premier bouchon), ou entiers pour l'expédition. Ils sont également personnalisables. Depuis, le capsulage a remplacé  le bouchon de tirage et les bouchons d'expédition ont habituellement un "miroir" collé.
- Les topettes pour pharmaciens et parfumeurs : ce sont des petits bouchons de qualité, coniques, déclinés en sept tailles différentes, et éventuellement munis d'une "tête débordante en buis".
- Les brocquillons sont des bouchons de large diamètre (26 à 30 mm) et de faible épaisseur (12 lignes ou 27 mm), adaptés aux bonbonnes, et les robinets, des bouchons pour les fûts et jarres, plus larges (30 à 55 mm) et plus épais (15 lignes ou 35 mm).
- Restent les bouchons pour cidres (diamètre 26 mm, supérieur au diamètre des bouchons destinés au vin) et limonades (diamètre 28 mm), auxquels s'ajoute un article réclame, le bouchon à tête débordante en buis déjà cité, réutilisable et pouvant servir de support publicitaire.



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Au total, ce petit catalogue nous aura parlé de son époque, de la tendance artistique du moment, autant que des circuits "bouchonniers" entre Espagne, Portugal et France.




Le jeu consistera maintenant à identifier et classer ces bouchons...



Il restera comme un document d'identification et de classement pour qui s'intéresse aux bouteilles, aux bouchons et aux tire-bouchons.


M



samedi 9 mai 2020

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRES 9 ET 10 : DU VERDICT AU DENOUEMENT



Amis lecteurs, bonjour !



Voici le sixième et dernier épisode de notre feuilleton, qui nous permet de suivre Constant Roy, du verdict jusqu'au dénouement final :


MEURTRE ET TIRE-BOUCHON, ROUEN, 1890.


Vous découvrirez cette fois les chapitres 9 et 10 de cette histoire vraie retracée par Françoise VERGNAULT :

Pour relire les articles précédents publiés sur cette affaire, cf. :

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRE 1

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRES 2 ET 3

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRE 4 ET COUVERTURE PRESSE

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRES 5 ET 6

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRES 7 ET 8 : FIN DU PROCES ET VERDICT


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HISTOIRE VRAIE - DANS LE ROUEN DE LA FIN DU XIXème SIÈCLE



Chapitre 9



Après sa condamnation à la peine capitale le 06 août 1890, Constant Roy fut accueilli au sortir du palais de justice par les vociférations haineuses d’une foule déchaînée qui aurait souhaité une exécution immédiate.
« A mort l’assassin ! A mort ! »
Les journaux annoncèrent le lendemain que « 4 000 à 5 000 personnes se trouvaient rassemblées dans la cour du palais de justice et aux alentours ».

Les gendarmes, encadrant le condamné, eurent bien du mal à éviter que la foule n’exécute la sentence sur l’heure, protégeant au mieux Constant Roy avant de le faire monter dans la voiture, direction la prison de Bonne Nouvelle. 




La prison Bonne Nouvelle à Rouen
(CPA internet)


Devant l’entrée de la prison, se trouvait également une foule hurlante.
De nouveau dans sa cellule, au calme, Roy ne semblait pas ému du déchaînement de colère dont il était l’objet.
Les jours suivant, les seules visites qu’il reçut furent celles de son avocat, maître Goujon, qui en bon défenseur de l’abolition de la peine de mort, essayait de sauver la tête de son client.
Discussions et réflexions sur la manière d’échafauder une stratégie efficace étaient au programme de chaque rencontre :
Inutile de faire appel, ce serait un nouveau procès en pure perte n’aboutissant qu’au même verdict.
Une seule issue possible, la cassation du jugement rendu.
Pour cela, il fallait un élément nouveau et essentiel amenant à annuler le premier jugement.

Ce fut ainsi, qu’en relisant les documents en sa possession, maître Goujon s’aperçut qu’un témoin n’avait pas été entendu, alors qu’il figurait sur la liste.
Il s’agissait d’un certain Letourneau, sans plus d’information. Il était évident que celui-là même aurait pu faire toute la lumière sur l’affaire !
A bien réfléchir, la sentence finale en serait-elle différente ?
Peu importait, il fallait tout effacer et recommencer, ne serait-ce que pour gagner du temps !
La demande fut donc formulée auprès de la Cour de Cassation, sur le motif de « violation de l’article 315 du Code d’instruction criminelle ».
Mais rejetée en date du 4 septembre 1890.


Dès lors, il ne restait plus à maître Goujon, pour essayer de sauver la vie de son client, qu'à solliciter la grâce du Président de la République, Sadi Carnot.



Sadi Carnot, Président de la République, assassiné en 1894

Sadi Carnot avait été député "républicain modéré" avant d'être élu Président de la République en 1887. Son septennat  fut marqué par la crise boulangiste, l'éveil du mouvement ouvrier, les attentats anarchistes et le scandale du canal de Panamá. 
Sadi Carnot était aussi connu à Rouen pour y avoir été préfet de la Seine-Inférieure (aujourd'hui Seine-Maritime) : c'était là une opportunité de l'intéresser à la cause de Roy, d'autant qu'on le savait peu favorable à la peine de mort.
[Mais Sadi Carnot, confronté aux attentats anarchistes refusera pourtant en 1892 de gracier Ravachol, ce qui lui valut de mourir sous les coups de poignard d'un autre anarchiste, l'italien Sante Geronimo Caserio.]


L’avocat s’accrochait à ce dernier recours comme un naufragé à une bouée de secours.
Quant à Constant Roy, confiant de sa bonne étoile, il ne semblait nullement perturbé.

L'annonce même de son exécution, prévue le 21 septembre 1890, ne l'émut pas.



Le Petit Journal du 20 septembre 1890


La presse continuait à foisonner d’articles sur l’affaire et ce n’était qu’informations et démentis sur la date de l’exécution de « l’assassin de la rue des Charrettes ».
Ainsi, le journal « Le matin » - 21 septembre 1890 :



Le Petit Matin du 21 septembre 1890


Pendant ce temps, le dénommé « assassin de la rue des Charrettes », dans sa geôle, discutait ou jouait aux cartes avec ses gardiens par le guichet de la porte donnant sur le couloir. Il poursuivait sa vie  paisiblement.
Chaque jour passé n’était-il pas un sursis supplémentaire ?

Maître Goujon, en avocat pugnace, poursuivait les démarches pour obtenir la grâce présidentielle qui aurait commué la peine capitale de son client en condamnation aux travaux forcés à perpétuité.
Un avocat ne se devait-il pas de défendre même la pire des crapules ?
Et puis, maître Goujon pensait que personne n’avait le droit de donner la mort, même à celui qui avait tué. Maître Goujon savait que Sadi Carnot pensait comme lui. Un atout de poids !
Il demanda audience au chef de l’Etat et fut reçu.
La discussion fut fort intéressante. Discussion philosophique sur le droit de vie ou de mort. Tout un programme !
Maître Goujon fut-il entendu ?
Sadi Carnot entendit-il les arguments de l’avocat ?
Seul, le Président de la République avait tout pouvoir à présent. 
Laisserait-il tomber le couperet sur le cou de l’assassin ?
Une mort pour une mort ! La loi du Talion.
Et puis, il ne fallait pas négliger la famille de Dubuc, la pauvre victime. Ne pas voir Roy châtié pour son geste criminel pouvait être une nouvelle souffrance, une injustice de plus. 
Ne pas exécuter un assassin n’était-ce pas encourager le meurtre ?
Un dilemme à empêcher de dormir, et Sadi Carnot a dû, comme beaucoup d’autres en la même circonstance, avoir des insomnies.
Monsieur Carnot subit-il aussi quelques pressions de cette délégation suisse plaidant en faveur de la clémence ? En effet, le condamné, jugé en France, était de nationalité suisse. 

Toujours est-il qu'il commua la peine de Roy, en même temps que celle d'un autre condamné, Charles Bousquet, lequel avait assassiné sa belle-sœur et maîtresse [1] :

[1] Charles Bousquet, ayant bénéficié de la grâce présidentielle en même temps que Constant Roy, partira sur le même navire vers le bagne de Guyane.





Journal La Justice du 23 septembre 1890.


Quel soulagement !
Une victoire pour Maître Goujon.
Une victoire pour Roy qui face à ses détracteurs et à leur haine allait garder sa tête.
Mais, la condamnation aux travaux forcés, n’était-elle pas pire que la mort ?
Enchaîné toute sa vie !

La satisfaction de cette victoire passée, il ne fallait pas oublier de remercier le geste de bienveillance du Président Carnot.
Alors, d’une écriture fine et régulière dont les « t » n’affichaient pas de barre, Constant Roy s’appliqua en ces termes :




Journal Le Matin du 2 octobre 1890


"Le soussigné C. Roy vient remercier Monsieur le Président de l’inestimable faveur dont il a bien voulu l’honorer, en commuant la peine de mort à laquelle il était condamné en celle des travaux forcés à perpétuité !
Merci mille fois, Monsieur le Président, non seulement pour moi, mais pour ma famille, ainsi que pour toutes les personnes qui, de près ou de loin, ont bien voulu s’intéresser à moi."

Quelle trouvaille cette formule : « ... l’inestimable faveur dont il a bien voulu l’honorer ... ».
Mais n'était-elle pas bien étrange tout de même cette lettre... dont le premier paragraphe parlait à la troisième personne du singulier et le second à la première.
A se demander si ce premier paragraphe n’avait pas été copié sur un exemple établi par maître Goujon ?


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Chapitre 10


Gracié, mais envoyé au bagne, Constant Roy, enchaîné, embarqua avec d’autres bagnards, sur le bâtiment « Ville de Saint-Nazaire » [2]  qui accosta en Guyane , le 17 mai 1891.

[2] Le paquebot « Ville de Saint Nazaire » sortit du chantier naval de l’Océan à Bordeaux en janvier 1871. En 1891, il fut affrété par l’Etat pour transporter les forçats à Cayenne. Longueur : 88,5 m - Largeur : 12,33 m - Jauge : 2676 tonneaux - Vitesse : 12,5 nœuds.




Le départ pour le bagne
(CPA auteure).




Le "Ville de Saint-Nazaire"
(illustration auteure).


Deux jours plus tard, Constant Roy découvrait Maroni, son nouveau lieu de "villégiature".




Le bagne de Maroni
(illustration auteure).


Pas vraiment le rêve !
La cohabitation avec les autres détenus ne se révéla pas des plus aisées, il ne fallait montrer aucun signe de faiblesse. S’imposer. Dominer. Les coups ne venaient pas uniquement des matons.




Entrée du bagne
(document auteure).


La fiche d’identification établie à l'arrivée de Roy apporte quelques renseignements supplémentaires.
La voici :


Matricule 24 553

ROY se disant Constant
Né le 2 avril 1865 à Yverdon – Suisse
Fils d’Auguste et Charlotte Rouiller
Garçon de café 
Lettré

Dernière adresse : Rouen
De religion protestante

1 m 76
Cheveux châtain-clair
Yeux gris-bleu
Nez moyen
Menton à fossette
Visage ovale


Le « dit Constant », ne subit pas cette peine de bagne sans révolte, car il s’évada moins d'un an plus tard, le 8 avril 1892.
Le registre du bagne ne nous donne aucune information sur le moyen employé, s’il partit seul, s’il bénéficia d’une aide extérieur.
Dommage, c’eut été fort intéressant.

Deux mois de cavale qui se terminèrent le 1er juin 1892, jour où il fut repris.
Le « dit Constant » fut alors jeté dans une geôle d’isolement, presque sans lumière, surveillé nuit et jour, au pain et à l’eau.
Pour résister à un tel traitement, il fallait posséder un mental à toute épreuve.

Le Tribunal Maritime Spécial qui se réunissait deux fois l’an afin de juger les crimes et délits les plus graves au sein du bagne, tels les meurtres, les évasions et les voies de fait sur les surveillants, condamna, en sa séance du 6 septembre 1892, Roy à deux années de double chaîne, pour évasion.

La double chaîne ?
Cela signifiait que le forçat se trouvait dans une salle séparée dont il ne sortait pas jusqu’à la fin de sa peine, retenu au bout de son banc par une chaîne pesant le double du poids d’une chaîne normale.
Manière d’ôter aux fugitifs toute envie d’une nouvelle évasion. 

Les punitions finissaient par briser les plus coriaces.
Ce fut ce qui arriva, car Roy, brisé, mâté, anéanti, finit par rentrer dans le rang.
Le temps de la révolte passé, il ne lui fallait plus penser qu’à survivre du mieux possible dans cet enfer.

A Maroni, la journée des bagnards commençait par le réveil à 5 heures, puis l’appel trois-quarts d’heure plus tard. 
Ensuite, le temps de ranger leur case et ils partaient travailler de six heures à onze heures.




Maroni, les cases des bagnards
(illustration auteure).

Une pause de deux heures et le labeur reprenait jusqu’à dix-sept heures.
Extinction des feux à vingt heures.

Les tâches, au bagne,  étaient diverses et variées. 
Le nouvel arrivé était affecté à la troisième classe. Ce qui impliquait que, sauf infirmité ou faiblesse physique constatée par un certificat médical, il effectuait les tâches les plus pénibles, corvées collectives, sous haute surveillance.
Une des tâches leur incombant était la coupe de bois, avec un stère obligatoire par jour [3].

[3] A Maroni, il y avait aussi une briqueterie. Les bagnards fabriquaient également des tuiles,  entretenaient les rues et bâtiments de la ville de Saint-Laurent, étaient au service de certains commerçants et habitants...

La troisième classe avait des dortoirs collectifs séparés des deux autres classes.



De la troisième à la première classe : des conditions de détention différentes
(document auteure).


Au bout de trois années sans problème majeur de discipline, le forçat accédait à la seconde classe, puis à la première classe.
Ces deux dernières  classes donnaient quelques avantages non négligeables : être affecté chez des employeurs en ville et dormir chez ces derniers, avec parfois la permission de ne pas porter la tenue de bagnard...
En 1901, Roy passa en première classe.


-/-


En 1903, cela faisait douze années qu’il avait quitté le sol français.
Cette même année 1903, en raison de sa conduite exemplaire, sa demande de ramener sa peine à quinze années de travaux forcés fut acceptée.
Encore quinze années : en 1918, il aurait cinquante-trois ans et serait enfin libre ! 
Il avait survécu, même aux fièvres qui avaient décimé tant de ses camarades de galère, alors il pouvait espérer avoir encore quelques bonnes années à vivre.

Et ce, d’autant plus que sa peine fut encore réduite... Il voyait enfin la lumière de la liberté au bout du tunnel.
Il allait enfin être libre ... enfin !!



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Mais la vie se plaît à jouer de mauvais tours, c’est bien connu ! 
Ce fut ainsi qu’elle ôta, à Constant Roy, cette joie de mourir libre...
Que se passa-t-il ? les registres n'en disent rien. Épuisement...  fièvres... blessures mal soignées... il y a beaucoup de causes possibles.


Roy, dit Constant, décéda le 20 mai 1914, à Saint-Laurent-de-Maroni.





"La seule arme que je tolère, c'est le tire-bouchon !"
... dit un jour Jean CARMET
lequel ne pensait sûrement pas à mal !




FIN



J'adresse mes sincères et chaleureux remerciements à Françoise VERGNAULT pour m'avoir autorisé à publier ses écrits sur le Blog des tire-bouchons,
et je vous engage à découvrir son propre Blog : 
Les écrits et romans de Françoise Vergnault
Vous revisiterez avec elle, dans la presse de l'époque, des affaires ayant fait grand bruit, des mots et expressions aujourd'hui oubliés.
Pour reprendre ses mots, vous savourerez avec Françoise VERGNAULT les anecdotes  de "la petite histoire" lesquelles permettent de mémoriser plus facilement les grands moments de "l’Histoire".


M


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