Amis hélixophiles, bonjour !
Le collectionneur nécessaire
de la semaine pour notre rubrique :
le Who's Who de l'hélixophilie
est Italien. Il s'agit de :
Armando Cecconi
Armando est un habitué du Blog des tire-bouchons. Plusieurs articles ont déjà été consacrés à sa rencontre et aux livres qu'il a publiés.
Merci à lui d'avoir accepté la règle commune, de s'être prêté au jeu des questions-réponses et de nous avoir permis de publier quelques photos personnelles !
Armando et Mariangela, une passion partagée...
Question : Pouvez-vous vous présenter en quelques mots et évoquer vos origines, votre lieu de vie, votre situation familiale, votre profession et votre secteur d'activité...?
Réponse : J’ai vécu les premiers années de ma vie a Mondovì, jolie petite ville du sud du Piémont. Mais depuis l'âge de dix-neuf ans, je demeure à Torino, d'abord pour les études et ensuite pour le travail.
Je suis entré à l’ENEL (Ente Nazionale per l'Energia Elettrica, soit l'équivalent italien de EDF ou Electricité de France), dans le secteur informatique. J'y ai effectué toute ma carrière en terminant à la tête de la section informatique de la gestion des salaires et des activités inhérentes.
En 1975, jeune salarié, j’ai été envoyé à Milano, le "cœur vif" du travail en Italie, pour participer à un grand projet d'entreprise.
J’ai bien collaboré au projet mais... j’ai surtout rencontré une collègue, Mariangela, qui est devenue mon épouse !
J'ai l'impression de l'avoir rencontrée hier, pourtant nous sommes maintenant à la retraite.
Trouvaille de Mariangela : un nécessaire de voyage, incluant un "tirabusson".
Marqué aux armes de la République de Venise, il date au plus tard de 1797.
Mariangela est aussi artiste que collectionneuse : elle peint et est très sensible à la beauté des objets.
Quand Mariangela peint Armando...
Un simple "Trois doigts" a suffi à tout déclencher !
Q. Mondovi, entre Alba et Barolo ! Le paradis de la truffe blanche, mais aussi celui des plus grands vins italiens : Barolo, Barbaresco, Asti, Roero, Dolcetto... Comment ne pas voir là un peu de déterminisme dans la naissance de votre passion pour les tire-bouchons ?
Mais bien sûr ce n'est pas suffisant, encore fallait-il un événement déclencheur : pouvez-vous nous dire ce qui vous a amené à collectionner les tire-bouchons ?
Le vignoble de Barolo
R. Vous avez raison : pour avoir grandi au cœur d'un des plus beaux vignobles du monde, je suis toujours resté en symbiose avec le monde du vin... je suis encore un vigneron amateur et je fais mon vin moi-même !
Mais je dois, ou plutôt nous devons, Mariangela et moi, notre passion pour les tire-bouchons à deux événements déclencheurs :
Le premier date de 1980 ou à peu près. Nous avions visité un marché aux puces près de chez nous et, le déterminisme vitivinicole évoqué précédemment aidant probablement, j’y avais repéré ce tire-bouchon bien commun et simple, en fer, un "trois doigts" :
Le numéro un !
Quelle merveille ! il y avait la place pour les trois doigts forts de la main, tandis que le classique piémontais, au manche en bois, ne comportait que deux arches : un monde s'entrouvrait !
Le deuxième événement a été plus déterminant encore : nous étions en vacances en Provence quelques années plus tard quand nous sommes tombés par hasard sur le Musée de Ménerbes : une autre merveille, plus grande ! combien de tire-bouchons étranges et inconnus étaient rassemblés là ! Mais nous avons aussi vu, et acheté tout de suite, le livre de Watney et Babbidge en édition française ! Le musée et le livre nous proposaient un univers entier à découvrir.
Armando Cecconi,
spécialiste reconnu des tire-bouchons italiens
Q. Avez-vous eu une préférence pour une catégorie de tire-bouchons ? Laquelle et pourquoi ?
R. Dans l'absolu, non. Toutes les pièces ont une beauté, un intérêt, une histoire. Je dirais plutôt que j’ai eu des "périodes" : la période anglaise, la française et maintenant l’italienne.
La diversité des tire-bouchons italiens
Massussi, Pietro Stella, Vogliotti, Berera, Bordoni, Cappelli... les tire-bouchons italiens sont méconnus, peu de brevets sont référencés, mais ces tire-bouchons sont souvent l'œuvre de très bons artisans.
Quand mon épouse et moi découvrons de nouveaux modèles, je suis attiré par ceux qui correspondent à ma "période" du moment ou bien en général par les mécanismes mis en oeuvre, tandis que Mariangela en apprécie la beauté, indépendamment d’autres considérations.
Q. Et après quel tire-bouchon courrez-vous encore ?
R. Nous attendons avec impatience la livraison d'un tire-bouchon à trois colonnes que nous convoitions depuis longtemps, Mariangela pour l'esthétique et moi parce qu'en "période italienne" il m'apparaît comme le meilleur représentant de nos fabrications :
Le très attendu "legno tre colonne"
Après, nous trouverons bien d'autres objectifs à poursuivre encore : notre passion est intacte !
Q. Combien de livres avez-vous écrit ou coécrit ? Et quel est celui dont vous êtes le plus fier ?
R. Mes petits débuts d'auteur remontent à une exposition de tire-bouchons que Mariangela et moi avions présentée à la bibliothèque de la Région du Piémont en 2012. Nous avions réalisé alors le catalogue de l'exposition :
I CAVATAPPI, STORIA, BREVETTI, ARTIGIANATO, CURIOSITA' DAL 17 SECOLO AD OGGI.
CATALOGO A CURA DI ARMANDO E MARIANGELA CECCONI.
Plus tard, avec les amis Giorgio Cimagalli et Davide Chionna, nous avons écrit pour notre association AICC ou Associazione Italiana Collezzionisti Cavatappi :
CAVATAPPI ITALIANI
Storia di ingegno ed arte di un ustensile prezioso
a cura di Giorgio CIMAGALLI, Armando CECCONI, Davide CHIONNA
Je suis fier d’avoir coécrit ce livre parce qu'il n’existait rien auparavant de spécifique aux tire-bouchons italiens. Je l'ai déjà dit : en Italie nous avons peu de marques et peu de fabriques anciennes, mais nous avons de très bons artisans. Notre livre comporte donc peu de textes, mais beaucoup de photos ; c'est un panorama assez complet de la production italienne.
Les deux livres coécrits par Armando Cecconi.
L'homme organisé ou ... une collection très scientifique
Q. Savez-vous combien de tire-bouchons vous possédez ?
R. A cet instant, exactement 1345 ; je les catalogue tous et veux tout savoir d'eux comme s'il s'agissait de nouveaux amis !
Une place pour chaque chose, chaque chose à sa place...
Q. Je vous sais très organisé. Votre expérience professionnelle transpire dans votre manière de collectionner. Pourriez-vous nous dire quelle place ont pris les nouvelles technologies dans votre collection ? Les utilisez-vous pour acquérir ou vendre des tire-bouchons ? ou bien pour classer votre collection ?
R. Oui, j’ai acheté beaucoup de pièces sur internet mais exclusivement chez des vendeurs bien connus.
J’utilise l’informatique pour mémoriser et classer mes tire-bouchons.
Je ne note rien à la main, mon ordinateur contient tout. S’il tombe en panne, je suis perdu ! En fait, non, pas du tout : je fais des sauvegardes régulièrement.
J’ai construit des tableaux Excel avec toutes les caractéristiques de chaque pièce : une petite description, la date et le lieu de l’achat, le vendeur, le prix, un code pour la catégorie et pour la place ; un autre tableau pour les sommes et les vérifications ; enfin les photos.
Mais aussi l'épicurien...
Q. Pouvez-vous nous raconter une anecdote qui a marqué votre vie de collectionneur : rencontre, scène de vie, trouvaille inespérée... ?
R. Les événements les plus marquants sont ceux que je vous ai racontés, ceux qui ont éveillé notre intérêt pour les tire-bouchons.
Il faut dire que presque toutes les pièces ont une histoire, sont associées à un souvenir, mais parfois il peut arriver "qu'on entende les cloches sonner en soi" - c'est l'équivalent italien du français "le cœur qui bat la chamade" - quand on voit ou qu'on touche ou qu'arrive par la poste une pièce particulière : c'est alors comme le plaisir d'une bonne rencontre avec un nouvel et agréable ami !
Q. Quel sens revêt à vos yeux votre démarche de collectionneur ?
R. Avant tout, chaque pièce est un objet d’étude et de recherche. Il y a pour moi deux moments : celui de la découverte, de l’observation, de la recherche de la marque éventuelle et de l’achat ; et puis ensuite, à la maison et avec les livres, vient le moment de l’étude, de l’observation attentive, de la comparaison, avec parfois des surprises émouvantes !
Bien sûr, il est très agréable de partager avec les amis nos découvertes et les leurs.
C'est la raison pour laquelle je suis membre des associations italienne et française, AICC et CFTB.
Q. Collectionnez-vous d'autres choses ? Avec autant de passion que les tire-bouchons ?
R. Il ne s’agit évidemment pas d’une vraie collection, mais j’aime avoir dans mon petit terrain des arbres fruitiers de variétés différentes, pommiers et poiriers surtout : avec des fruits de formes, couleurs, goût et temps de maturation différents. J'adore greffer mes arbres et voir les résultats de mes expérimentations.
Le plaisir de greffer
J'aime aussi, pour mon plaisir et celui de mes amis, faire mon vin, du Dolcetto, bien sûr !
Je suis surtout, par caractère, passionné de toutes les vieilles choses ; mais tout collectionner n'est, hélas, pas possible.
Ma profession m'a amené à rechercher pour les préserver les anciens "boutons" électriques :
Une autre collection d'Armando : les boutons électriques.
J’ai aussi un bon nombre de vieux instruments électriques, quelques-uns en parfait état de fonction dans ma cave à Mondovì : ils ne sont absolument pas en conformité avec les normes actuelles, mais ils sont très beaux à regarder !
... toujours prêt à aider les jeunes collectionneurs !
Q. Quels lieux ont votre préférence pour acheter des tire-bouchons et lesquels conseilleriez-vous aux nouveaux collectionneurs : salles de ventes, antiquaires, brocantes, Internet...
R. J’ai commencé par chiner dans les marchés aux puces et c'est cela que je conseillerais aux collectionneurs débutants, l'offre est abondante et, en général, pas trop coûteuse.
Q. Nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quel message passeriez-vous aux jeunes collectionneurs pour les aider dans leurs débuts ?
R. Les nouveaux collectionneurs doivent se rapprocher des collectionneurs plus expérimentés et ne pas hésiter à les solliciter par exemple pour authentifier des pièces. Il est d'ailleurs très agréable selon moi d'apporter de l'aide à quelqu'un qui débute : je m'efforce toujours de le faire quand je suis sollicité et... que je peux répondre !
Je pense aussi que chacun doit collectionner à son goût et avec sa sensibilité. Mariangela et moi avons débuté avec des pièces de tous types et de toutes origines, mais de bas prix. Après nous avons découvert des genres plus agréables et passionnants : pour moi les mécanismes, pour elle les pièces belles et de bonne façon.
Il faut commencer modestement et privilégier les objets qui plaisent plutôt que les objets coûteux, puis progresser à son rythme !
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Armando Cecconi a été secrétaire de l'Associazione Italiana Collezzionisti Cavatappi de 2008 à 2014, il est toujours un membre actif de l'association.
N'hésitez pas à solliciter son expertise des tire-bouchons italiens.
M