mercredi 5 novembre 2025

LES TIRE-BOUCHONS DANS LE CATALOGUE ANCIEN "BRUYAS, RANDU ET LEURS FILS"


Amis lecteurs, bonsoir !


J'écrivais en conclusion de mon livre Tire-bouchons Français – Fabricants, Catalogues et Documents Commerciaux : 
"L'ouvrage est volontairement centré sur les fabricants français et exclut donc de fait les grossistes-revendeurs. Ceux-ci, historiquement, ont pourtant été beaucoup plus enclins à diffuser des catalogues illustrés à leurs clients-détaillants souvent éloignés."

Je ne suis pas prêt à rédiger un ouvrage sur les catalogues anciens de grossistes-revendeurs, mais j'aime m'y plonger, les analyser et partager avec vous ce plaisir de l'enquête.
Et puis, avouons-le, c'est aussi l'occasion d'échanger avec Bernard Devynck, grand documentaliste, pour enrichir mes articles !


-/-


Le catalogue que je vous présente aujourd'hui est le :

Tarif-Album N° 8 de Guillaume BRUYAS, Alexandre RANDU et leurs Fils




Gui. Bruyas, A. Randu et leurs Fils
Tarif-Album N° 8


Recensons d'abord les informations que nous avons pu trouver sur cette très ancienne Maison lyonnaise.


-/-


L'histoire de l'entreprise


La Maison Bruyas est attestée à Lyon dès 1853. C’est au départ un magasin de fers ouvrés, puis une fabrique de pointes et clouterie, laquelle étend son activité au négoce de ferronnerie, quincaillerie et cuivrerie.


Dans les dernières décennies du XIXe siècle, le dirigeant est Auguste Bruyas. 



Facture 1890 (document Bernard Devynck)


Cette facture, datée de 1890, est longue de 10 pages ! Elle récapitule les nombreux articles commandés par un quincailler, client-détaillant, parmi lesquels déjà une douzaine de "tirebouchons nick fermants", traduisons tire-bouchons nickelés fermants :



Des "tirebouchons nick fermants"...


Vers 1900, Guillaume Charles Auguste Bruyas, qui incarne la troisième génération de propriétaires, prend le relais et dirige l’entreprise, seul d’abord, puis en société par actions avec ses fils sous la raison sociale Auguste Bruyas & Fils & Cie



En-tête facture 1906 (document Bernard Devynck)


Il déménage en 1919 son imposante usine de quincaillerie et ferronnerie dite Bruyas et Fils, longue d'une soixantaine de mètres et large de quarante, pour l'installer en plein cœur de la ville de Lyon, au 8 de la place Vendôme, nouvelle place aménagée en 1859.



Source : https://patrimoine.auvergnerhonealpes.fr/
dossier/usine-de-quincaillerie-bruyas-a-fils-et-cie-puis-bruyas-g-et-randu-et-fils


Note : La place Vendôme de Lyon a pris aujourd'hui le nom de place Victor Basch, en hommage au président de la Ligue des Droits de l’Homme assassiné par la milice française en 1944. Le site Bruyas & Randu, de la place Vendôme / Basch, a été démoli dans les années 1990 pour faire place à un immeuble d'habitation.


En 1924, Guillaume Charles Auguste Bruyas s’associe avec un autre quincailler ferronnier, Alexandre Louis Randu. La raison sociale de l'entreprise devient alors : Gui. (pour Guillaume)  Bruyas et A. (pour Alexandre) Randu, successeurs, ancienne maison Auguste Bruyas & Fils & Cie.  



En-tête facture 1926 (document Bernard Devynck)


Les fils de ces associés, Florian Charles Auguste Guillaume et Guy Stéphane Camille Bruyas d’une part, et Casimir Denis Marie Randu de l’autre, les rejoindront vers 1937 au sein d’une nouvelle société : Gui. Bruyas, A. Randu et leurs Fils, éditrice de notre tarif-album N° 8.



Le Logo de l'entreprise en 1937


A partir de 1947, l’entreprise se spécialise dans les roulements à billes sous le nom de "Bruyas, Randu, quincailliers, Société le Roulement R.I.V.", puis en 1948, la raison sociale devient "Randu (A. et C.) quincaillier, le Roulement S.A.".


-/-


Présentation du Tarif-Album N° 8 : Articles de ménage


Le catalogue, dit Tarif-Album N° 8, correspond aux articles de ménage. 
En fait, tous les produits commercialisés par Bruyas & Randu font l’objet de Tarifs-Albums spécifiques, tels :
- le N° 6 pour l’outillage, 
- le N° 7 pour la ferblanterie,
- ou le N° 9 pour la brosserie et les poids et mesures.
L'inscription au Registre de Commerce, figurant au bas de la page de couverture, est datée de 1926 , mais le catalogue est sensiblement plus tardif, puisque on peut y trouver :
- le tire-bouchon Polichinelle, commercialisé par la MFAP de Thomas et Juvenet à partir de 1927, et le Débouchtout breveté par Jules Bart en 1929,
- le Moulin-légume, inventé par Jean Mantelet (futur fondateur de Moulinex) en 1932.
Et surtout, la raison sociale, Gui. Bruyas, A. Randu et leurs Fils, associant les fils aux pères, nous emmène vers 1937.

1937 est donc l'année que nous retenons pour dater notre catalogue.

En noir et blanc sur papier couleur paille et couverture vert olive, il est épais d'une centaine de pages. Toutes les illustrations sont des gravures.
Il a été réalisé par l'imprimerie Comandet Frères à Lyon.

Notons encore que si ce catalogue est intitulé "Tarif-Album" et que des emplacements sont prévus pour y indiquer les prix, à l'unité ou en gros, aucun n'apparaît. C'est un signe que le document a été conçu pour durer plusieurs années dans un contexte d'inflation : les prix sont négociés au coup par coup entre grossistes-revendeurs et clients-détaillants.


-/-


Articles proposés


Les articles de ménage présentés nous permettent d’approcher le quotidien largement autarcique d'une population encore rurale et dont les habitations dans leur grande majorité sont encore dépourvues du confort moderne : eau courante, chauffage central, électricité... 
Les français des années 30 cultivent leur jardin, cuisinent à l'âtre, achètent des boîtes de conserve ou font les leurs artisanalement, comme leur vin ou leur cidre qu'ils mettent eux-mêmes en bouteilles.



Un (seul) fer électrique, le Boléro, 
un mâche-bouchon crocodile perdu au milieu de lunettes de protection, 
un moulin à café, une muselière...



Les articles proposés sont, dans le contexte de l'époque : 
- des articles destinés à faciliter les tâches ménagères : planches à laver, fers à repasser en tous genres (mais dont un seul est électrique), serviteurs de cheminée, pelles à braise, soufflets, tournebroches...
- des dispositifs de protection des biens contre les "nuisibles" : nasses, souricières, tapettes et autres pièges à mouches, à rats ou à taupes,  muselières, colliers de chien...
- des articles de cuisine, parfois de marques restées bien connues (Spontex, Peugeot...) : hachoirs, presses viande, presse-purée, Moulin-légume, des batteurs à œufs (Boléro), machines à râper, cages à fromages, moulins en tous genres, pilons, coquelles, faitouts, rouleaux à pâtisserie, couverts, coutellerie, bocaux "L'Idéale" (produits par la Verrerie des Islettes, en Argonne, fermée en 1936)... ou des ouvre-boîtes, tels le Singe, le Météor, l’Idéal Rich et le Ptit Rich, le Socafer, l’Avia...
- d'autres liés à la fabrication et à la conservation des boissons : des robinets pour tonneaux, des mâche-bouchons, un bouche-bouteille Camion Frères, des agrafes pour bouteilles de vin, des siphons à champagne, un arrache-bouchon et, bien sûr, des tire-bouchons.


-/-


Les tire-bouchons vendus par Gui. Bruyas, A. Randu et leurs Fils


Le catalogue est explicite : l'entreprise privilégie les modèles de base, certainement ceux qui constituent ses plus gros succès commerciaux du moment. 
Elle se fournit chez les principaux fabricants français des années 30 : 
- Pérille (hélice J.P, dernière époque, celle des Anciens Etablissements Jacques Pérille, avant la faillite de 1937), 
- Boileau & Baradat (hélice AP, des repreneurs d'Adolphe Pecquet, ici représentée),
- Ateliers Jules Bart (Zig-Zag et Débouchtout), 
- MFAP (Polichinelle) 
ou, pour des modèles plus basiques encore : 
- Tony Dussieux (repreneur de Jean Toulon), 
- Laurent Siret...



Extraits des pages 90 à 93, consacrées aux tire-bouchons



Pas de modèle rare ou précieux donc : ce n'est pas ce type d'objets que doivent rechercher les détaillants clients de Bruyas & Randu, mais de l'utilitaire, comme l'arrache-bouchon ci-dessus.
On notera toutefois la hiérarchie établie entre les fabrications AP de Boileau & Baradat, taxées de qualité ordinaire, et celles estampillées J.P de Pérille, dites de qualité supérieure.


-/-


Alors, quelle conclusion ?
Je ne peux que redire que ces catalogues dont l'unique prétention était de présenter les modèles proposés à la vente par une entreprise, nous renseignent objectivement sur la clientèle visée et l'état des techniques et de la société au moment de leur parution. 
En cela, le tarif-album Gui. Bruyas, A. Randu et leurs Fils et plus généralement les catalogues anciens sont particulièrement intéressants !



M

vendredi 31 octobre 2025

VERNOUVAL, LA MANUFACTURE DE TIRE-BOUCHONS COVILLE



Amis blogueurs, bonsoir !


Ce n'est pas de l'urbex que je vous propose ce soir, ou alors seulement de l'urbex virtuel sur le site de :

La Manufacture d'Acier Poli Coville : 
le moulin de Vernouval à Magny-en-Vexin (actuel Val d'Oise)


Travaillant avec quelques amis à l'écriture d'un Cahier de l'Extracteur, Revue du CFTB, je souhaite partager avec vous, quelques résultats de nos recherches sur cette entreprise familiale à la production prolifique.


-/-


Les Coville


Rappelons que Moïse Coville (1875-1933) et son frère Elie (1871-1952) n’étaient pas prédestinés à la fabrication de tire-bouchons : ils étaient établis comme marchands de beurre, œufs et fromages à Magny-en-Vexin.
Mais ils surent saisir en 1891 l'opportunité de reprendre le Moulin du Pont d’Hennecourt transformé en manufacture d’acier poli par Henri Crédot et Jean-Baptiste Boué, puis laissé par eux après la rupture de leur association.

Moïse Coville prend la tête de l’entreprise, ajoutant à l’usine du Pont d’Hennecourt un magasin au 26 rue de l’Entrepôt à Paris. S’entourant d’anciens salariés de la manufacture, dont certainement Auguste Louis (repreneur de Leboullanger et prédécesseur de Crédot), il apprend vite et développe l'entreprise. 

Une nouvelle opportunité s'offre à lui avec l'achat en 1906 du Moulin à blé de Vernouval, aux portes de Magny-en-Vexin. Cet énorme bâtiment sur l’Aubette, sera désormais l'Usine hydraulique et à vapeur de la Manufacture Moïse Coville.



CPA Moulin de Vernouval, 1907 (collection personnelle)



La vie familiale à Vernouval : 
photo Françoise Coville, petite-fille de Moïse Coville.


Au décès de Moïse Coville en 1933, son épouse Zina-Ambroisine, puis ses fils Roland, Bernard et Pierre lui succèdent jusqu’en 1972, année où Roland Coville rachète les parts de ses frères.
En 1985, la faillite de Martinaud, important client, et partie prenante dans des productions, entraîne le dépôt de bilan de Coville.
La Manufacture ne fabrique plus, mais Roland Coville et son épouse continuent de vivre au moulin de Magny-en-Vexin, jusqu’en 1997, année du décès de Roland Coville.
2001 : le Moulin de Vernouval est entièrement détruit par un incendie.


-/-


Vernouval à l'Inventaire général 
des monuments et des richesses artistiques de la France.


En 1964, André Malraux, alors ministre des Affaires Culturelles, a une formidable intuition : il fonde l'Inventaire général des monuments et des richesses artistiques de la France. 
Passons sur les complications administratives ultérieures, si chères à notre pays : transferts de compétences, échelons régionaux, départementaux, services, commissions, comités...
Retenons qu'en 1983, le comité, devenu service du pré-Inventaire du Val-d'Oise, est décentralisé au niveau du Conseil général (aujourd'hui Conseil départemental), et intègre la Direction des Affaires culturelles. Ce service comprend également la Conservation départementale des Antiquités et des Objets d’art.
Jusqu'en 1989, le service réalise des campagnes dites de pré-inventaire sur le territoire départemental.

Et c'est ainsi qu'en 1986 une campagne a - heureusement - concerné le Moulin de Vernouval. Les archives départementales du Val d’Oise conservent grâce à cela des diapositives sur Vernouval, ... orthographié Varnouval !
Ces diapositives ont dû être prises avant et après la fermeture de la Manufacture.

Des diapositives, bien sombres, nous montrent deux salariés au travail :



2468 W 9022 - intérieur de la fabrique de tire-bouchons.



2468 W 9023 - intérieur de la fabrique de tire-bouchons.


D'autres, certainement prises après la fermeture, montrent l'usine abandonnée :



2468 W 9013 - tourets à polir.


2468 W 9014 - intérieur de la fabrique de tire-bouchons et tourets à polir.


2468 W 9015 - forge.


Surtout, une précieuse série de diapositives présente bon nombre de productions Coville au moment de la fermeture ; les voici rassemblées :




Une grande diversité de modèles, de matières et de couleurs, et même un "régulateur", lequel quoiqu'incomplet, nous donne à rêver !



M



vendredi 24 octobre 2025

TABLETIERS ET TIRE-BOUCHONS

 
Amis blogueurs, bonjour !


Concernant la fabrication des tire-bouchons, il est des questions trop rarement évoquées.
Ainsi par exemple : 

Qui faisait les poignées en ivoire, os, corne ou nacre ? Celles en bois exotiques ? Celles en bronze ou en métaux précieux ?


L'art des manufacturiers d'acier poli se révélait dans l'imagination et la mise au point d'ingénieux mécanismes, leur polissage et leur assemblage, et pour quelques-uns dans la fabrication de mèches, ouvragées ou non.
Mais les poignées, nécessitant un montage associant l'acier à d'autres matériaux, étaient le plus souvent sous-traitées et c'était là que pouvait intervenir une corporation qui reste à étudier : celle des tabletiers, très représentée dans certaines régions, comme la Seine-Maritime autour de Dieppe, le Puy-de-Dôme autour de Thiers ou l'Oise autour de Méru.


-/-


La tabletterie dans l'Oise


Selon Wikipédia, les "tabletiers", ou "ceux qui font tables à écrire", constituent une des premières organisations de métier, entérinée par le Livre des métiers d'Étienne Boileau, rédigé en 1268.
Les tabletiers (titre LXVIII) travaillaient l'ivoire, la corne ou le bois dur (hêtre, buis, cèdre, ébène, brésil, cyprès) pour fabriquer de minces plaquettes enduites d'une couche de cire, sur lesquelles on pouvait écrire avec un stylet et qu'on portait suspendues à la ceinture, telles les tablettes de cire.



Tablettes à écrire, étui et stylet vers 1330-1340 : 
des bloc-notes avant l'heure ! (Wikipédia)


Un statut de 1485 mêle dans la même corporation "peigniers et tabliers" et, en 1407, "peigniers, tabletiers, tourneurs et tailleurs d'image".
Les tabletiers fabriquaient déjà d'autres tablettes que celles à écrire : les tables de jeux, damiers et échiquiers, puis, en association avec les tourneurs, les pièces de jeux : pions, pièces d'échiquiers... ou, avec les déciers (fabricants de dés) : les dés à jouer, les dominos... 
L'association avec les peigniers leur offrait surtout un autre débouché : le sciage des os (de bœuf essentiellement) en plaquettes pour la fabrication des peignes.



Costume d'un Tabletier, vers 1700 (Image internet).


Au XVIIIe siècle, nous dit Laurence Bonnet dans son ouvrage "La nacre - la tabletterie, le bouton, l'éventail", les fabrications se sont considérablement diversifiées, entre :
- objets usuels : peignes, boutons, lunettes, cannes, souvenirs, éventails...
- objets religieux : croix et christs de buis ou d'ivoire...
- de nombreux jeux : échiquiers, damiers, lotos, trictracs, bilboquets, jeux d'osselets...
- boîtes : tabatières, étuis, coffrets, nécessaires...
... autant d'objets auxquels on peut ajouter les cornes à lanterne (diffuseurs de lumière) ou les cadrans d'horloge.
Les tabletiers travaillent aussi pour les couteliers, fabriquant et décorant les "côtes" fixées de part et d'autre de la "soie" des couteaux... c'est dire que nos tire-bouchons ne sont pas loin !

Leurs règlements corporatistes protégeaient les tabletiers, mais luttaient aussi contre les malfaçons ou les tromperies.
Laurence Bonnet indique ainsi que "les tabletiers n'avaient pas le droit d'associer des manches de couteau en os à des garnitures en argent, pour éviter que le client ne puisse confondre l'os avec l'ivoire, matériau plus noble."


-/-


L'émergence des "ouvriers de métier"


L'outillage demandant peu de place en l'absence de machines, les tabletiers de l'Oise du XIXe siècle - et leur famille, femme et enfants -  travaillent le plus souvent à domicile, dans leurs "boutiques", petits ateliers installés au plus près de leur habitation, plutôt que dans l'usine d'un fabricant. Et ce système perdure, génération après génération.
C'est l'irruption du machinisme et la spécialisation des fabricants qui va entraîner le regroupement des ouvriers dans les usines, mais aussi dégager progressivement une élite ouvrière. Ces "ouvriers de métier" maîtrisent mieux que d'autres la conception des objets de tabletterie : après un long apprentissage, ils sont instruits, connaissent techniques et matériaux, savent dessiner, s'intéressent aux arts et à la politique. Ce sont ces "ouvriers de métier" qui sont à l'origine des premières organisations ouvrières : coopératives et syndicats, jusqu'aux grandes grèves de 1909, lors desquelles ils entraînent avec eux ouvriers, femmes et enfants.



archives.oise.fr


Mais surtout, les "ouvriers de métier" aiment innover, revendiquent la perfection dans l'exécution et parviennent ainsi à valoriser leur travail.


-/-


Les "monteurs en acier"


Parmi eux, certains, probablement déjà sous-traitants pour des couteliers, vont s'intéresser à la fabrication de poignées adaptées aux tire-bouchons que fabriquent les manufacturiers en acier poli, comme ceux qui se sont installés à proximité à la fin du XIXe siècle : Jules Clément Hurel à Hermes et Adolphe Pecquet à Bailleul-sur-Thérain. 



Deux tire-bouchons Pecquet


L'exemple ci-dessus montre deux tire-bouchons en "T" de Pecquet :
- à gauche, la poignée est en os rivé sur ébène (ou bois teinté),
- à droite, la poignée est en corne blonde goupillée.
Si les mèches sont de qualité et correspondent bien à la raison d'être d'une manufacture d'acier poli, les poignées en os, bois ou corne, ne sont à l'évidence pas des fabrications "maison" et ont dû être sous-traitées.

La plupart des tabletiers s'essayant au façonnage de poignées s'arrêteront là et resteront à jamais anonymes, mais quelques-uns iront plus loin, jusqu'à assembler eux-mêmes les tire-bouchons.
Deux d'entre eux ont pu être identifiés : 

- Les Bailly-Duroyaume à Cauvigny,
François Xavier Bailly (1816-1893) est le premier à être identifié comme fabricant de tire-bouchons, traduisons : il devait être sous-traitant et monter des poignées en os, ivoire, nacre, bois… sur des tire-bouchons produits par des manufactures d’acier poli.
Son fils ainé, Eloi Xavier Désiré Bailly (1840-1905) et son épouse Antoinette Marie Claudine Duroyaume (1841- 1933), tous deux ouvriers en brosserie-tabletterie, reprennent la fabrication de tire-bouchons, devenant "monteurs en acier", peut-être pour Hurel ou Pecquet.



Kelly's Directory of Merchants, Manufacturers and Shippers - 1907 
(books.google.fr)

 
Leur fils, Arthur Bailly (1868-1926), leur succède et donne également comme profession "monteur en acier". La trace se perd après son décès.

- Achille Mallet à Mouchy-le-Châtel, figure lui aussi dans les annuaires de l'époque comme "monteur d’acier poli, tire-bouchons". 



 Annuaire statistique et administratif 
du département de l'Oise et du diocèse de Beauvais


D'autres "ouvriers de métier" ont certainement suivi le même chemin, donnant de belles poignées très travaillées, et dans les matériaux les plus divers, aux manufacturiers d'acier poli donneurs d'ordre. 




J'ai un faible pour ce petit tire-bouchon, patiné et usé par le temps, doté d'une banale mèche en queue de cochon, mais à la poignée de corne délicatement décorée d'un médaillon en forme de lyre entre des ailes déployées : imagine-t-on un manufacturier commander ce beau travail pour le doter d'une mèche aussi basique ? il est plus vraisemblable qu'un tabletier s'est plu à graver cette poignée sans trop se soucier de le doter d'une belle et solide mèche.


-/-


Mais comment identifier les tabletiers "monteurs en acier" ? Peut-être avec des factures d'époque ?




M


P.S. : Frédéric, lecteur assidu, rappelle avec raison qu'un membre du CFTB, le regretté Georges Féret, avait été tabletier, même si c'était un peu plus tard.


dimanche 19 octobre 2025

BOURSE DES TIRE-BOUCHONS A BOURGES

 
Amis blogueurs, bonsoir !


Retour sur la Bourse du Club Français du Tire-Bouchon à Bourges ce samedi 11 octobre 2025.


Tout a été dit et présenté sur les réseaux sociaux : difficile donc d'en rajouter, d'autant que je n'ai guère fait de photos.
Un petit mot pour féliciter les organisateurs, Martine et Frédéric Romain : tout était parfait, ... sauf moi !



Restaurant "Les Petits Plats du bourbon", 
dans l'ancienne abbaye du XVIIe siècle (photos Martine Romain).


Ayant subi une petite opération au front, les amis (les amis ?) n'ont pas manqué de me brocarder :




Tous malades ? Tous scotchés ?


La farce, même à mes dépens, illustre la bonne ambiance qui régnait entre nous.


-/-


Gérard Frobert


La bourse fut aussi pour nous tous une belle occasion de retrouver l'ami Gérard Frobert, ce grand multicollectionneur, venu avec quelques objets insolites :



Devant Martine Romain, Frédéric salue son parrain Gérard Frobert


Quelques-uns des objets appartenant à Gérard


On devine, à gauche sur ma photo, un sabot de cheval et son fer : Gérard Frobert collectionne aussi... les fers à cheval orthopédiques !


-/-


Et les tire-bouchons ?


Je suis reparti content :
- essayant de pratiquer des prix raisonnables, j'en ai cédé quelques-uns,
- et j'en ai acheté deux : une poignée de bronze Gagnepain et un poisson Pecquet, qui suffisent à mon bonheur :




-/-


Le retour


Nous sommes rentrés en groupe, par le chemin des écoliers, évitant toutes les lignes droites, chinant où nous pouvions, de l'Indre jusqu'à la Sarthe, de Reuilly jusqu'à Malicorne, ajoutant des trésors à nos trésors :





Tout ne vaut pas, mais tout me plait, du canif LE CLOU DE L'EXPOSITION DE 1900 au petit cadenas à la combinaison perdue ; du laguiole CALMELS au couteau publicitaire KOTO dont le slogan nous explique qu'il "donne du courage pour réussir dans la vie" ; et surtout la dague de vertu ou pique-couille, arme de défense des prostituées du XIXe siècle.


-/-


On repart quand ?



M

jeudi 16 octobre 2025

ENIGMA N° 87 : QUI IDENTIFIERA LE TIRE-BOUCHON DE GERARD ROUSSELLE ?

 

Amis blogueurs, bonjour !


Je n'ai pas beaucoup de photos de la Bourse d'échanges du CFTB et ne sais pas si je pourrai rédiger rapidement un compte rendu...
Mais en attendant, c'est un fidèle lecteur, bien connu des collectionneurs français, Gérard Rousselle, qui nous propose l'article du jour :

ENIGMA N° 87 : LE TIRE-BOUCHON DE GERARD ROUSSELLE


Il nous demande simplement si nous pouvons l'aider à identifier une récente trouvaille : un tire-bouchon en "T" haut de 11 cm, non marqué, doté d'une mèche tranchante au fût simple et d'une poignée ressort longue de 10 cm.
Voici l'essentiel de son message
"J'ai fait dernièrement l'acquisition d'un tire bouchon dont j'ignore l'origine ? J'ai eu l'idée de l'apparenter "dans le goût de Pecquet", mais je n'en ai pas trouvé trace,  alors je me suis dit que je pourrais peut-être poser la question sur ton blog !?"
Voilà donc qui est fait !







Un cylindre de bois est inséré dans la poignée , comme c'est le cas pour deux tire-bouchons produits par Pecquet : le "4 As" n° 100 et le "Dentelle" n° 99 :



Catalogue Pecquet, page 13


C'est ce qui a conduit Gérard à se demander si Pecquet aurait pu être à l'origine de cette fabrication ?


-/-


Par acquit de conscience, j'ai moi aussi vérifié dans mes catalogues Pecquet, mais je n'ai pas retrouvé ce modèle, ni rien d'approchant.
Et il me semble contradictoire de doter un tire-bouchon d'une poignée en ressort et d'entraver l'action de ce ressort par l'insertion d'un cylindre de bois.
L'examen des autres photos transmises par Gérard, me font plutôt pencher pour une fabrication artisanale, le fût de la mèche ayant été soudé à un ressort :








Mais peut-être connaissez-vous ce modèle ? Je serais heureux que vous livriez votre sentiment, si possible argumenté, à Gérard.
Merci par avance pour vos contributions.



M


Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...