jeudi 7 novembre 2019

WHO'S WHO DE L'HELIXOPHILIE : L... COMME JEAN-PIERRE LAMY



Amis hélixophiles, bonjour !



Dans la rubrique :

le Who's Who de l'hélixophilie


je vous propose aujourd'hui une rencontre avec un collectionneur français bien connu :






Jean-Pierre LAMY



Éternel voyageur, amoureux de nature et des provinces de France, de leur histoire comme de leur gastronomie, Jean-Pierre est un homme curieux, sérieux et rêveur, engagé dans la vie associative et le CFTB, maîtrisant les technologies complexes et... les ménagères à hélice dans leur grande diversité !

Merci à toi, Jean-Pierre, d'avoir accepté de répondre à mes questions en ce jour particulier du 30 septembre 2019 : jour où nous nous étions retrouvés avec quelques amis à la fête donnée pour les 90 ans de Jean PRELLE, mais aussi...  ton dernier jour de travail avant la retraite !



-/-



Des parents modestes et ambitieux pour leurs enfants.


Question : Jean-Pierre, peux-tu me parler de tes origines. 

Réponse : Jean-Pierre me répond en évoquant sa mère issue d'une famille d'agriculteurs du Gâtinais près de Montargis et son père, enfant d'ouvrier. 
Il évoque aussi son grand-père paternel, ouvrier chez Renault pendant la première guerre mondiale, et fier d'avoir construit sa propre maison, tout de bric et de broc.
Les parents de Jean-Pierre s'étaient établis à Villiers-sur-Marne, tout près de son domicile actuel.
Sa mère est restée au foyer pour élever ses enfants. Jean-Pierre a eu neuf frères et sœurs et est le sixième de la fratrie : "Je suis Lamy 6" me dit-il, dans un jeu de mots malheureusement intraduisible (Pour les lecteurs étrangers, "L'ami 6" était  le nom d'une voiture construite par la société Citroën).
Son père a été ouvrier agricole dans sa jeunesse, avant de s'engager dans la Résistance, puis dans l'armée. Il a servi pendant la guerre d'Indochine et a ensuite poursuivi une carrière militaire en France, terminant comme adjudant-chef contrôleur aérien au PC de Taverny.
Les parents étaient ambitieux pour leurs enfants et tous ont fait des études.


Q. Et pour ce qui te concerne ?

R. Mes parents ont vraiment dû me "pousser" ! 
J'ai été orienté sans trop de motivation vers un baccalauréat technologique en mécanique, suivi d'un brevet de technicien supérieur en construction mécanique, avec un détour avorté par les Eaux et Forêts. 
Le service national a suivi, en Lorraine.
Entré dans la vie active, j'ai multiplié les missions d'intérim dans une société de documentation technique ce qui m'a permis de bouger beaucoup et d'apprécier ces déplacements ! Dix ans plus tard la société a été rachetée et mes responsabilités se sont accrues, avec plusieurs dizaines de personnes à manager et des dossiers à l'international : documentation pour le TGV espagnol, missions à Brugges, au Chili... Et puis les rachats se sont succédés et mon travail a encore changé. Je suis devenu responsable de la certification qualité, ce qui m'a valu de renouer avec les déplacements, notamment avec la visite de tous les garages Renault de France !


Q. Tu as quand même trouvé le temps de rencontrer ta compagne, Sylvie, non ?

R. J'avais connu Sylvie bien avant, au temps des années lycée. 
Elle aussi avait subi une orientation autoritaire, se retrouvant en section technologique tertiaire avant de poursuivre vers un brevet de technicien supérieur de gestion commerciale, alors que son rêve était de faire des études d'histoire. 
Mais Sylvie a su garder sa motivation, réussir une maîtrise d'histoire en cours du soir, puis le concours de professeur des écoles... tout en s'occupant de notre fille Marie.
Sylvie ne s'intéresse pas aux tire-bouchons mais me permet de me livrer tranquillement à ma passion.




... me livrer tranquillement à ma passion...



Choisir un thème pour son site internet : hasard ou nécessité ?


Q. Justement, à propos de tire-bouchons, quel a été pour toi l'événement déclencheur qui t'a amené à les collectionner ?

R. Je n'y suis pas venu spontanément. 
Dans les débuts de l'informatique, j'avais voulu construire un site Internet présentant des objets de collection et mon choix s'était porté sur les heurtoirs de porte. 





Les heurtoirs...



Mon site était fonctionnel, mais la difficulté à trouver des heurtoirs, à les acquérir et à leur trouver une place m'a assez vite conduit à abandonner cette marotte.
Et puis un jour, alors que j'étais chez mes parents, nous sommes allés ensemble sur un vide-grenier le long du canal du Loing. J'y ai vu un tire-bouchon à hélice - comme celui avec lequel je jouais dans mon enfance - pour lequel le vendeur demandait 30 francs, soit environ 5 de nos euros.
Trop cher ! me suis-je dit en reposant l'objet. 




Le premier !


Mais ma mère qui avait suivi la scène l'acheta derrière moi et me l'offrit. 
Je décidai aussitôt que mon site serait consacré aux tire-bouchons.
J'eus l'opportunité peu après d'en racheter une dizaine à un ami qui les avait amassés sans pour autant les collectionner. 
Et ce fut aussi le temps de mes premiers achats sur iBazar, l'ancêtre d'eBay : je n'achetais pas encore pour collectionner, seulement pour alimenter mon site, mis en ligne en 2003, sous le titre "Collection Privée Tire-Bouchons" :
http://www.collection-privee-tire-bouchons.eu/
A la même époque, lors d'une bourse de collectionneurs où "le Père tire-bouchon", brocanteur bien connu, exposait, je fus interpellé par un vrai collectionneur, Michel WACKSMANN, lequel me parla du CFTB et me mit en relation avec Gérard BIDAULT.
Nous étions en 2004 et deux ans plus tard je partais pour mon premier Congrès du CFTB à Pauillac, et te rencontrai ainsi pour la première fois, en compagnie de René de GEBHARDT, sur le parking du château de Lafite-Rothschild !




Il y a toujours une première fois...



Les tire-bouchons à hélice


Q. Et comment ta collection a-t-elle évolué ensuite ?

R. Je recherche toujours les tire-bouchons à hélice, tant pour leur prix souvent modeste que pour leur diversité. Au début de ma collection, je me suis aussi intéressé aux tire-bouchons bilames, mais ma motivation a décliné. Une autre envie toujours présente est de réunir des pièces dont j'admire la beauté et l'ingéniosité technique.




Des pièces belles et ingénieuses.


Au total, je dois posséder aujourd'hui environ 1800 tire-bouchons.

Je suis aussi passionné par la bibliographie et pense posséder à peu près tous les ouvrages sur les tire-bouchons, y compris sur les cannes à système. Le premier de tous m'a été offert par ma compagne avec le concours de Gérard BIDAULT qui avait réussi à retrouver un ultime exemplaire de son livre "Les fabriques françaises de tire-bouchons 1820-1970" à reliure à spirale.


Q. Je prévoyais de te demander si tu avais une préférence pour une catégorie de tire-bouchons, et si oui, pour quelle raison. Mais tu m'as pratiquement répondu en évoquant les tire-bouchons à hélice...




De pleins tiroirs d'hélices !



R. Oui, de ce côté ma motivation de départ est intacte, voire plus grande aujourd'hui : je cherche à inventorier et si possible rassembler tous les modèles de tire-bouchons à hélice. Et je voudrais aboutir à l'écriture et à la publication d'un livre sur cette catégorie de tire-bouchons, ce qui sera peut-être possible maintenant que je vais être plus disponible.


Q. Où achètes-tu ?

R. Je ne chine pas souvent en brocante. Je préfère privilégier les sites de vente sur le Net. J'achète aussi dans nos bourses de collectionneurs.
Concernant mes achats sur eBay, j'apprécie beaucoup de pouvoir participer aux enchères et aime le petit coup d'adrénaline qui suit en cas de réussite.
Et, en cas d'enchère gagnée, la suite est aussi plaisante : l'attente du colis, le déballage, puis le traitement de chaque tire-bouchon acheté : photos, détourage, recherche d'informations autour du modèle...


Q. Quels conseils d'achats donnerais-tu aux jeunes collectionneurs ?

R. Concernant leurs achats, je leur suggérerais d'économiser pour acheter tout de suite quelques belles pièces. 
C'est mon point de vue, même si je sais que nous n'avons pas les mêmes idées là-dessus tous les deux et que toi, Marc, tu conseillerais plutôt des achats coups de cœur - au risque accepté d'erreurs - pour étoffer une petite collection.


Q. J'aime assez que nous ayons des points de vue différents... Mais, pour aborder un autre sujet, nous sommes parvenus aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, tandis que nous découvrons régulièrement de nouveaux collectionneurs. Comment mieux les accueillir ? 

R. Notre vieillissement collectif est indéniable et c’est malheureusement le cycle de la vie ! Les précurseurs de cette collection atypique sont partis de rien. Ils ont su dénicher, accumuler une somme d’informations considérable. La plupart de ces informations ont été retranscrites dans des ouvrages mais nos fondateurs en ont encore dans le coin de leur cerveau un peu fou. Il faut donc aller les sonder, et pour les sonder… il faut participer aux réunions et discuter avec eux. 
Incitons donc les jeunes à rejoindre un club au plus vite afin de profiter des connaissances et de la bienveillance de nos vénérables experts.


Q. Le phénomène majeur de notre génération est l'irruption du numérique dans notre quotidien. 
Utilises-tu ces nouvelles technologies pour acquérir ou vendre ? Ou bien utilises-tu l'informatique pour classer ta collection ? Et si oui, comment ?

R. Je n'ai guère vendu sur le Net, mais l'informatique m'est essentielle pour répertorier mes achats avant de les présenter sur mon site. 



Jean-Pierre dans un film des années cinquante ?


Q. Peux-tu nous raconter une anecdote qui a marqué ta vie de collectionneur : rencontre, scène de vie, trouvaille inespérée... ?

R. Une anecdote ? Oui j’en ai une en tête, un bon coup en fait. 
Il y a déjà quelques années, dans la grisaille d'une soirée d'automne, un brocanteur d'Ambert me téléphona et me félicita pour mon site Internet intéressant et désintéressé. Il me raconta qu’il avait une proposition pour moi. 
Il avait déniché des tire-bouchons en débarrassant une maison, les avait mis en vente dans sa boutique et depuis un petit malin ne cessait de le relancer pour acheter le lot pour un prix dérisoire. 
Agacé par le comportement du personnage, il avait donc décidé de me contacter pour me proposer ces tire-bouchons. 
Des photographies suivirent, étonnantes par la qualité et le nombre de pièces. Persuadé que le prix du lot dépasserait largement mes moyens, je lui proposais d’en acheter un : un Jules Brangs ! 
Mon homme prit le temps de la réflexion et finit par me rappeler. A son tour il devint pressant, il en avait assez : on lui en avait dérobé quelques-uns ! Du coup, il me proposait le tout pour mille euros.
C’était une somme, mais une telle occasion ne se renouvellerait probablement jamais : j'acceptai donc.
Rendez-vous fut pris un soir de janvier, à Paris, quai de l'Ourcq. La nuit et la brume conféraient à l'instant une ambiance de film des années cinquante, en noir et... gris !
Appel de phare convenu, une portière qui s'ouvre : je suis invité à m'asseoir à la place du passager. Salutations, présentations et mon "visiteur du soir" de désigner une boîte de chaussures, à mes pieds. Je la pris et l'ouvris le cœur battant. 
Rends-toi compte : trois Jules Brangs, un Thomason, une dizaine de Pecquet reliés par une ficelle, un Soreno, deux tire-bouchons de poche avec étuis en os, des dizaines de tire-bouchons simples à la poignée de corne !
"Ça vous convient ?" me demanda mon marchand.
"Parfait !" bredouillai-je en lui tendant la liasse de billets. 
Il prit le temps de les recompter avant de conclure en souriant : "Vous faites une bonne affaire et je suis content de la conclure avec vous !"
Je n'en suis pas encore remis !


Q. Quel sens revêt pour toi ta collection : un challenge personnel ? un sujet d'études ? un investissement ? une occasion de rencontrer des gens partageant ta passion ?... autre chose ?

R. Un investissement… certainement pas, en tout cas plus aujourd’hui. C’est en fait un plaisir égoïste que j’éprouve en regardant ces objets qui ont été tenus par des mains aujourd’hui disparues. Des objets du quotidien qui ont servi, ont été utiles, et ne doivent pas disparaître. Ils ont une histoire qui se transmet en les serrant entre les doigts. Parfois il me plait d’imaginer la silhouette de l'ancien propriétaire, le chemin qu’a dû parcourir ce tire-bouchon pour venir me rejoindre. 
C’est pour cette raison que j’ai bien du mal en m’en séparer. Aujourd’hui, je me rends compte aussi qu’ils m’ont permis de rencontrer des hommes et des femmes de toutes conditions, tous passionnés, et avec qui se sont tissées des relations d’amitiés fortes.



Le multi-collectionneur


Q. Collectionnes-tu d'autres choses ? Avec autant de passion que les tire-bouchons ?

R. Je collectionne d’autres objets mais certainement pas avec la même passion : les tire-bouchons me parlent des hommes !
Sinon j’avoue avoir un faible pour la faïence de Gien et plus particulièrement pour les dessous de plat. Cela vient certainement de mes origines ancrées dans les terres lourdes du Gâtinais.




La faïence de Gien


Et puis il y a également les livres anciens, particulièrement les vieux ouvrages de cuisine et de gastronomie. 
En fait, j’ai la nostalgie d'un temps que je n'ai pas vécu, d'un "temps où l'on avait le temps", celui de fabriquer à la main et dans des matières nobles comme le bois, la pierre, l’os… pas dans cette matière plastique sans âme.



Bientôt un livre sur les tire-bouchons à hélice...


Q. Parlons livres, si tu le veux bien : je connais deux de tes projets d'écriture, mais peut-être en as-tu d'autres ? 
Pourrais-tu nous en parler ?

R. Ecoute, pour l’instant je n'ai rien publié, mais mon projet le plus abouti devrait sortir prochainement. 
Il s’agit d’un livre que j'ai intitulé "Contes pour mes petits enfants", un recueil de 17 histoires pour les enfants, tirées pour la plupart de souvenirs d’enfance. 
Sinon j’ai commencé à écrire divers ouvrages : un recueil d’histoires extraordinaires né de mes rêveries et un roman historique lié à la construction du château de Guédelon et qui s'appellera "La pierre bleue". Je suis la construction de ce château depuis son début en 1998 et je participe de temps en temps à sa construction. Il ne s’est passé une année sans que j’aille toucher les pierres montées les unes après les autres à la main. J’aime parcourir la courtine, les escaliers de la tour maîtresse, le logis, passer dans les cuisines, humer l’odeur de la suie. Cette atmosphère m’a inspiré, mais pas seulement : peut-être aussi que je suis les traces de mon père qui rêvait comme moi de racheter un château en ruine ? J’ai également en cours un roman policier intitulé "Le couteau" qui se déroule à Thiers, la cité de la mèche...
Enfin, tu le sais, je travaille à un ouvrage sur les tire-bouchons à hélice trois branches. Il est bien avancé, et j'espère le présenter au congrès du CFTB en 2020.


Quelle belle conclusion que ce scoop !




-/-


L'entretien a eu lieu chez Jean-Pierre LAMY, le 30 septembre 2019. Il était tard le soir (ou tôt le matin ?) quand Jean-Pierre me conduisit à la chambre qu'il m'avait préparé. 

Le caméléon casqué du Yémen m'y attendait !







Un animal de compagnie bien paisible, mais je ne sais pas s'il adopta mes couleurs cette nuit-là !


Merci Sylvie et Jean-Pierre !



M


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