jeudi 4 février 2016

FABRICANTS DE TIRE-BOUCHONS : PERILLE ET LEBOULLANGER, TRÉBUTIEN, BOUÉ, CRÉDOT ET HUREL... VICTIMES OU COUPABLES DE CONTREFAÇON ?



Amis collectionneurs, bonjour !


Je vous propose de parler aujourd'hui de contrefaçon ?


La contrefaçon, phénomène multiforme, inquiète beaucoup aujourd'hui, mais le phénomène ne serait-il pas plus ancien ?


Parmi les tentatives d'escroqueries en tous genres auxquelles nous sommes confrontés, la mise en vente de copies et de faux sur le Net est devenue préoccupante.

Il y a les copies bas de gamme d'objets de valeur, neufs ou anciens. Les brevets les plus récents sont copiés et produits en grande quantité dans des pays à la réglementation peu regardante. 
Des objets de valeur anciens font l'objet de reproductions qui ne s'avouent pas, si ce n'est par leur piètre qualité.



Mauvaises copies industrielles et même vendeur ...


... et copie artisanale !



Il y a les faux artisanaux, les réparations hasardeuses, les hybridations monstrueuses...



Pérille à exosquelette ?


Il y a les "créations" nées de l'imagination débridée de personnes malheuresement sans scrupules...



Une création "carpe et lapin" ?


Au point que des hélixophiles ont créé un groupe sur Facebook Corkscrew Beware pour alerter ses membres sur ces copies, faux et autres "bidouilles". 
On y retrouve d'ailleurs tout ou partie de ces images.

Nous avons ainsi collectivement tendance à penser que le phénomène est nouveau et que la contrefaçon est contemporaine de la montée en puissance des nouvelles technologies.
Mais ce phénomène est-il réellement nouveau ?


Une définition de la contrefaçon nous aidera à voir clair.
C'est sur le site du ministère de l'Economie et des Finances que je suis allé la chercher :

"La contrefaçon consiste à reproduire ou à utiliser une marque, un brevet, un dessin ou modèle ou une œuvre protégés sans l’autorisation du titulaire des droits. Elle conduit à amenuiser (par captation de chiffre d’affaires, affectation de l’image de marque) les retours sur investissements attendus par les entreprises de leurs efforts en matière de recherche, d’investissement, de création, de développement commercial."
On voit là que le phénomène est défini indépendamment des technologies de communication. 

Copier est une tendance ancestrale que le législateur a tenté de limiter à l'ère industrielle par la mise en place de dispositifs de protection de la propriété intellectuelle : brevets, modèles déposés...
Le développement des technologies de communication et la libéralisation des échanges économiques ne sont que des amplificateurs du phénomène.

D'ailleurs, à ne considérer que les seuls objets que nous collectionnons, force est de constater que la contrefaçon existe depuis longtemps.


-/-


A la fin du XIX° siècle déjà, Pérille et Leboullanger, Trébutien, Boué, Crédot et Hurel, tous fabricants de tire-bouchons, ont été victimes ou coupables de contrefaçon.


Faut-il encore rappeler ici le procès en contrefaçon ayant opposé Jacques Pérille à Louis-Eugène Trébutien, procès définitivement perdu par le premier en 1884 ?

Résumons cette affaire en disant que la contrefaçon n'avait finalement pas été retenue : Trébutien avait copié le tire-bouchon à hélice de Pérille, mais celui-ci l'avait auparavnt exposé avant de le protéger.



Le tire-bouchon de Pérille repris par Trébutien.


La procédure a été longue et pleine de rebondissements, mais Pérille a finalement perdu et le jugement a fait ensuite jurisprudence.
Tous les fabricants se sont ensuite engouffrés dans la brèche et pendant un demi-siècle ont mis en vente à leur tour des tire-bouchons à hélice !
Et ce cas n'a sûrement pas été unique. 


Je n'en ai pas d'autre à présenter, mais à défaut de tire-bouchons, j'ai retrouvé la trace d'une procédure entre fabricants de tire-bouchons à propos de ... tire-boutons !




Beaux tire-boutons fin XIX° siècle.


Le document est disponible sur Gallica, dans : Jurisprudence générale du royaume en matière civile, commerciale et criminelle : ou Journal des audiences de la Cour de cassation et des Cours royales, 1887, Page 204.

On y trouve le compte rendu d'un jugement pour contrefaçons intenté devant la Chambre Correctionnelle de Paris par l'entreprise "Leboullanger Frères" d'Alfred et Jules, fils de Georges-Louis Leboullanger *, contre :
- Jean-Baptiste Boué et 
- Alphonse Crédot, alors associé au précédent, 
- et contre Jules-Clément Hurel,
tous trois fabricants d'acier poli et de tire-bouchons.

[* La société "Leboullanger frères", créée après le décès de Georges-Louis en 1876, ayant été liquidée en 1884, c'est la nouvelle société "Leboullanger et Compagnie", fondée par Jules, qui poursuivit l'action en justice jusqu'à son terme.]

Jules Leboullanger avait déposé en 1884 :

"divers modèles de manches de tire-boutons en bois à cannelures circulaires avec calotte en métal de forme ovoïde, fixée à l'extrémité du manche, au moyen d'une rivure, par une tige traversant la calotte".
Constatant l'existence de reproductions chez ses concurrents Boué, Crédot et Hurel, Leboullanger a fait saisir les reproductions par huissier le 17 juin 1886 et a attaqué les fabricants en justice.


 

Jurisprudence générale du royaume en matière civile, commerciale et criminelle : 
ou Journal des audiences de la Cour de cassation et des Cours royales
(Gallica)



Le jugement du 19 janvier 1887 a condamné Boué, Crédot et Hurel à chacun 25 Francs d'amende... 
... une amende au demeurant dérisoire puisqu'elle correspondait approximativement au salaire hebdomadaire d'un ouvrier à cette époque là !

La contrefaçon était encore bien faiblement réprimée !



Mais peut-être avez-vous d'autres exemples à présenter aux lecteurs du blog ?


M


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