vendredi 10 mai 2019

WHO'S WHO DE L'HELIXOPHILIE : B... COMME JEAN-PAUL BOUSSAT



Amis hélixophiles, bonjour !



Who's Who de l'hélixophile... plein d'émotion aujourd'hui :

Je vais interviewer pour vous Jean-Paul BOUSSAT, disparu avant-hier, 08 mai 2019.




Ayant publié ici il y a quatre ans le compte rendu d'une belle rencontre avec Jean-Paul, je n'avais pas encore jugé utile de l'interviewer une deuxième fois pour cette rubrique Who's Who où il avait pourtant toute sa place.
Cf. l'article publié en 2015 :
JEAN-PAUL BOUSSAT : A "SHOWCASE" CORKSCREW COLLECTOR / UN COLLECTIONNEUR DE TIRE-BOUCHONS "VITRINE"


Mais, comme nous le craignions depuis des mois, Jean-Paul a été terrassé par la maladie et s'est éteint avant-hier matin, laissant son épouse Michelle et ses filles Cathy, Noémie et Manon dans la peine.

Jean-Paul était pour moi un ami essentiel : nous nous étions rencontrés il y a un quart de siècle grâce à sa fille Cathy et nous ne nous étions plus quittés depuis.
Jean-Paul s'était pleinement investi dans notre passion commune, avec pugnacité et avec générosité, s'impliquant dans la vie de notre club et contribuant à enrichir l'Extracteur.
Jean-Paul, Michelle, Eliane et moi avions organisé ensemble le congrès 2017 à Metz et notre amitié s'en était trouvée encore renforcée.
Je ne pouvais même pas imaginer de me rendre à Metz sans aller partager avec lui le verre de l'amitié au bar jouxtant son commerce...



Nous avons perdu un ami de valeur et nous sentons particulièrement proches de son épouse Michelle et de ses enfants.



-/-


Notre amitié et notre complicité par delà nos différences, l'aide aussi de notre ami commun Pascal pour enrichir cet article, feront qu'on me pardonnera, je l'espère, de solliciter Jean-Paul ainsi.


Voici :




Jean-Paul BOUSSAT


Jean-Paul BOUSSAT vivait heureux entre son épouse Michelle et ses trois filles...
Il aimait la vie et ses plaisirs, sans pour autant en abuser... sauf en ce qui concernait sa passion inextinguible : l'hélixophilie. 
Ses riches collections, soigneusement mises en scène, éclairées, étaient sa façon de dessiner son environnement.
Jean-Paul était d'humeur toujours égale, il était affable et généreux, respectueux de l'autre, ami attentionné et fidèle autant qu'homme d'affaires avisé.

Où que tu sois maintenant Jean-Paul, je te remercie d'avoir encore une fois accepté de répondre à mes questions.


-/-


Jean-Paul, Mosellan de cœur


Q. Pouvez-vous vous présenter en quelques mots : quelles sont vos origines, votre lieu de vie, votre situation familiale, les professions que vous avez exercées ?

R. Mon cher Marc, ce n'est pas parce que je suis passé de l'autre côté que nous devons commencer à nous vouvoyer : tu n'es pas si loin de moi !

Pour répondre à ta question sur mes origines, je suis Mosellan de cœur. 
Ma mère, institutrice, était "ch'timi", native de Billy-Montigny, près de Lens, et avait des ascendants belges et espagnols. Mon père, décédé alors que j'étais petit, était parisien, d'ascendance aveyronnaise... C'est comme ça qu'on fait "les français bien de chez nous" !
Je suis Mosellan de cœur, parce que né à Forbach, à la frontière allemande, et parce que j'ai grandi et passé toute ma vie en Moselle, à Metz principalement, ville que j'adore et connais comme le fond de mes poches.

Je n'étais pas le meilleur élève du monde et préférais la vie active aux études. C'est donc tout naturellement que je me suis retrouvé apprenti préparateur en pharmacie à l'âge de 14 ans. La brillante carrière qui s'ouvrait à moi a été interrompue par mon service militaire dans la Marine Nationale : j'ai fait douze mois comme "chie dans l'eau", matelot si tu préfères.
Au retour j'ai cru devoir me caser en entrant à la Caisse d'Allocations Familiales de la Moselle à Metz et j'y ai même persévéré pendant douze ans avant de sauter le pas et de faire ce qui me correspondait le mieux : entreprendre !
J'ai été marchand ambulant, vendant des articles textiles sur les marchés, avant d'ouvrir un, puis deux, puis trois magasins de cadeaux fantaisie. Mais c'est au centre commercial Saint-Jacques, dans l'hypercentre de Metz, que j'ai vraiment trouvé ma place, entre une clientèle jeune et un réseau d'amis fidèles, visiteurs quotidiens.
Le commerce m'a passionné au point que j'ai eu du mal à raccrocher et ne l'ai fait il y a trois ans que pour céder la place à mon petit-fils, Jordan.

J'étais moins doué pour le mariage, je le reconnais, même si je suis le père comblé de trois filles.  En fait, il m'a fallu m'y reprendre à trois reprises pour rencontrer et épouser celle qui a partagé avec moi plus de vingt années : ma femme Michelle.




Michelle et Jean-Paul
(Congrès de Metz).





A l'origine, sa fille Cathy


Q. A l'origine d'une collection, il y a généralement un événement déclencheur : qu'est-ce qui t'a amené un jour à collectionner les tire-bouchons ? Hasard ? Projet de décoration ? Projet professionnel...

R. Il me faut tout d'abord avouer que j'ai toujours aimé collectionner, entasser... comme toi, tu le sais bien, mais en étant plus soucieux que toi de la présentation !
J'ai multiplié les collections d'enfant, me suis intéressé aux pin's, aux cartes postales, puis à l'argenterie, aux émaux, à l'ivoire, aux bronzes, et plus particulièrement aux objets érotiques, avant de passer aux couteaux... j'en ai possédé des milliers et aime toujours autant ces objets si personnels, souvent précieux et de grande beauté.
Mais c'est Cathy, ma fille aînée, qui m'a emmené vers les tire-bouchons. Débarrassant une maison familiale, elle m'a apporté, en plus de quelques vieux couteaux, quatre ou cinq tire-bouchons rouillés que j'ai entrepris de nettoyer avant de les accrocher à un mur...
J'ai attrapé le virus hélixophile ce jour-là !


Q. Cathy, qui quelque temps plus tard vendait sur un vide-greniers et à qui j'ai demandé si elle avait des tire-bouchons ?

R. Oui, elle n'a pas laissé passer l'occasion et s'est dépêchée d'organiser notre première rencontre. Je t'ai présenté Pascal, chineur extraordinaire, homme de mémoire et de fidélité, Pascal qui chaque jour depuis trente ans est venu partager avec moi ses trouvailles. Et de ton côté, tu m'as présenté Jack, autre collectionneur lorrain, militaire, espion, peintre et hélixophile... vais-je le retrouver maintenant, lui qui est parti il y a dix-huit ans ? 
Pascal, Jack, nous deux... belle équipe, beaux dimanches !



Ce qui est beau et parfait


Q. Une belle équipe et quatre personnalités très différentes ! Alors justement, quel sens a pour toi ta collection : un challenge personnel ? un investissement ? un sujet d'études ? une occasion de rencontrer des gens partageant ta passion ?...

R. Un challenge personnel, oui, il y a sûrement de ça. J'aime ce qui est beau. Et, si possible parfait. J'attache beaucoup d'importance à la mise en scène de mes collections. C'est d'ailleurs pourquoi j'ai voulu construire une pièce supplémentaire pour leur offrir un écrin. 




Un écrin sur mesure...


J'aime que mes objets soient parfaitement restaurés et "briqués", qu'ils brillent sous l'éclairage de mes vitrines... Tu devrais en prendre de la graine : je te l'ai déjà dit !
Un investissement, certainement pas. J'ai acheté parfois très cher des tire-bouchons qui ne valent plus le tiers de leur prix !
Un sujet d'études, non plus. J'ai une bonne mémoire et retiens ce que je lis, qu'il s'agisse de l'Extracteur ou des livres de nos experts. C'est ce qui me permet de donner l'auteur et l'année d'un brevet sans guère me tromper. Mais je n'ai jamais eu l'envie d'écrire.
L'occasion de rencontres, oui. Pour reprendre tes expressions, je ne suis pas un "collectionneur placard", mais un "collectionneur vitrine". Présenter ma collection est un vrai plaisir, surtout à d'autres passionnés. On y gagne de nouveaux amis.


Q. Quels tire-bouchons préfères-tu ?

R. J'aime les tire-bouchons mécaniques et me suis spécialisé progressivement sur ceux fabriqués en France.




Les leviers-pompes de Jean-Paul : 
Béchon-Morel, Sigot-Barneiras, Delavigne, Bret et Teurtroy et trois Pérille.


J'ai un faible pour les leviers-pompes que j'ai presque tous réunis. Et pour reprendre encore une de tes formules, j'ai toujours "le souci de la mise en cohérence de mon univers".


Q. Je me souviens que tu estimais naguère posséder quelques 2000 tire-bouchons. Où en es-tu ?

R. Sensiblement moins : j'ai revendu beaucoup de tire-bouchons présentant un moindre intérêt à mes yeux. Et les pièces susceptibles de m'intéresser sont devenues plus rares, sur le net particulièrement.



Vide-greniers ou internet ?


Q. Je sais que tu as renoncé depuis longtemps à chiner sur les marchés aux puces, je ne t'ai d'ailleurs plus vu aux Puces de Metz depuis des lustres. Où achètes-tu ?

R. Chiner sur les vide-greniers est souvent désolant. On n'y trouve que du plastique et des fripes. Notre copain Pascal chine mieux que moi et me réserve ses trouvailles. Pour le reste, j'ai beaucoup acheté sur le Net, aux membres du CFTB ou auprès de marchands me faisant des propositions directes.


Q. Le phénomène majeur de notre époque est l'irruption du numérique dans notre quotidien. Utilises-tu ces nouvelles technologies pour acheter ou vendre ?

R. Il n'y avait que les tire-bouchons pour me faire franchir le pas : je n'ai jamais rien acheté d'autre sur le net que des tire-bouchons ! Il faut dire aussi que je m'y suis pris très tard. Ce n'est qu'à la toute fin de mon activité professionnelle que je suis passé au smartphone et à la tablette, et en ayant souvent recours à l'aide de mon petit-fils Jordan !
Mais dans le même temps, j'ai constaté le déclin d'eBay au profit de sites plus spécialisés... dommage !



Le coup du siècle


Q. Peux-tu nous raconter une anecdote, belle, inattendue ou étrange, qui a marqué ta vie de collectionneur ?
Je me souviens que tu as marqué la mienne aux Puces d'Outre-Seille à Metz, un matin de septembre, il y a bien vingt ans, en enlevant sous mon nez un Subito de Pérille pour quelques Francs de l'époque, ... mais toi ?

R. L'anecdote dont j'aime me souvenir est celle d'un achat en deux temps : 
J'avais acheté au début de ma collection, en toute ignorance et à tout petit prix, un tire-bouchon simple à poignée en forme d'écrou papillon.  
Et deux ou trois ans plus tard, j'ai trouvé et acheté sur eBay pour quelques dizaines d'Euro un support à manivelle et crochet ayant un curieux air de parenté avec mon tire-bouchon...




Le Riollet en deux temps et trois fois rien !



... Je venais de réunir sans le savoir les deux éléments du Riollet, ce rare brevet suisse de 1901 ! J'ai toujours trouvé ça incroyable !



Collectionner, c'est rencontrer


Q. Tu as toujours été très indépendant, habitué à décider seul, et pourtant tu as participé assidûment à la vie de notre club, le CFTB : n'est-ce pas contradictoire ?




Assemblée générale : participation assidue


R. J'y ai tout simplement rencontré d'autres passionnés, tous différents et tous intéressants, au point d'attendre impatiemment nos congrès et bourses d'échanges.
J'y ai appris beaucoup et ma vision de ma collection s'y est progressivement précisée, affinée. Toi, tu aimes l'histoire des tire-bouchons ; un autre ne s'intéresse qu'à la technique et aux brevets ; d'autres encore s'intéressent aux figuratifs ou à la production d'un fabricant... 
Au contact de tous ces collectionneurs, je me suis rendu compte que ce que je privilégiais de mon côté, c'était la beauté des objets.


Q. Tu n'aimes pas écrire, mais tu as contribué à l'Extracteur, à des livres peut-être aussi ?

R. C'est vrai qu'écrire n'est pas mon truc. Et c'est le cas aussi pour beaucoup d'autres membres du club. Il ne faut pas nous jeter la pierre : c'est comme ça ! Et nous faisons de notre mieux pour participer quand même !
J'ai essayé d'apporter ma contribution en envoyant des photos de mes trouvailles pour l'Extracteur - merci Jordan ! - ou en mettant à disposition des photos de pièces de ma collection pour illustrer les livres écrits par nos amis du CFTB.



Le congrès de Metz


Q. Le CFTB... que de chemin parcouru depuis ce premier congrès à Nancy où je t'avais accueilli, jusqu'à celui de Metz que nous avons organisé ensemble ! J'ai aimé nos rencontres rituelles de travail/plaisir pendant les mois qui l'ont précédé...




Congrès de Nancy, mars 2005.


R. Le congrès de Nancy m'avait bluffé ! Jeune collectionneur encore, j'avais été impressionné par la classe des grands collectionneurs et l'accueil qu'ils m'avaient pourtant réservé. Et, bien que messin, je ne serai pas chauvin sur ce coup-là : le cadre nancéien et le palais du roi Stanislas étaient vraiment à la hauteur !
Tu évoquais tout à l'heure mon goût pour l'indépendance, et c'est vrai que j'ai hésité à t'accompagner dans l'aventure du congrès de Metz il y a deux ans. Mais "on jouait à domicile" et tu as joué de la corde sensible : ma connaissance du terrain !
Et, pour tout dire, l'organiser à quatre, Eliane et toi, Michelle et moi, a été une belle expérience.




Congrès de Metz, mars 2017 : les quatre organisateurs.



Je suis d'accord pour recommencer... Mais pas tout de suite !



Place aux jeunes


Q. Nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs de nos clubs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quel message passerais-tu aux jeunes collectionneurs pour les aider dans leurs débuts ?

R. Un conseil aux vieux d'abord : il faut continuer d'accueillir les plus jeunes, même débutants. Les collectionneurs sont des "passeurs" d'objets et de connaissances : ils doivent les transmettre !
Et le conseil que je donne aux jeunes est qu'ils se fassent plaisir. 
Collectionner donne du sel à la vie ; la collection contribue à créer un environnement agréable ; et faire ça dans un club fait voyager, apprendre, découvrir, rencontrer... 


Mais le vieillissement du CFTB ne sera pas de ma faute, n'est-ce-pas ?





"Ma dernière photo de Jean-Paul, à la bourse de Nîmes",
photo d'Alain GRONDEAU.


Allez, il faut que je vous quitte, un voyage m'attend... mais à bientôt sûrement !



-/-


Nous sommes cent à te dire : merci Jean-Paul pour ton amitié !

Repose maintenant en paix.


M


4 commentaires:

  1. Rendre hommage à un défunt peut faire beaucoup de bien. Beaucoup de bien d’abord parce qu’en écrivant un texte hommage nous pensons à lui et nous remémorons les meilleurs moments passés en sa compagnie. Beaucoup de bien ensuite parce que sa famille et ses amis le redécouvrent au travers d’un regard parfois différent du leur, mais non moins précieux. Ce Who’s who consacré à notre ami Jean-Paul est un vibrant témoignage d’amitié entre deux hommes qui s’estimaient.

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  2. Merci Jean-Pierre pour ce commentaire sympa. Tout le mérite en revient hélas au héros disparu, notre ami Jean-Paul !

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  3. Mi mas sentido pesame a la familia y amigos, es sinduda una gran perdida.

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  4. Merci Enrique : je transmettrai à son épouse et à ses filles.

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