lundi 5 juin 2023

WHO'S WHO : TOMAS DA FONSECA

 

Amis blogueurs, bonjour !


Dans la rubrique :

le Who's Who de l'hélixophilie

je vous propose aujourd'hui une interview du collectionneur portugais que nous apprécions tous :





Tomás DA FONSECA


Tomás, homme de valeur et de valeurs, membre du Club Français du Tire-Bouchon, a organisé cette année notre Congrès à Porto, dans son Portugal natal. Une vraie gageure pour lui, seul membre portugais du Club et habitant Lisbonne à quelques 300 kilomètres de Porto. Et bien sûr il a réussi, trouvant même l'énergie pour accueillir chez lui des amis avant et après le Congrès : je peux en témoigner !



Chez Néné, épouse de Tomás.



Une souriante maîtresse de maison !


L'occasion m'a donné envie de mieux vous présenter cet humaniste et grand collectionneur, et Tomás a bien voulu répondre à son tour aux questions que je pose rituellement aux invités du Who's Who des hélixophiles.



-/-



Tomás, pourrais-tu te décrire en quelques phrases : origines, lieu de vie, situation familiale, profession exercée et secteur d'activité... ?


Je suis un petit portugais né à la campagne, dans un village de Bairrada, à 5 km du lieu où les troupes anglo-portugaises de Wellesley ont délicatement – mais à coups de canons et de fusils – barré la route aux forces de Napoléon commandées par Massena. Comme je passe toujours à côté des évènements importants, je n’y étais pas. Il a fallu qu’on me le dise pour que je le réalise ! J’étais très jeune, quand-même : -137 ans.
Issu d'une famille d’agriculteurs, (très) catholiques du côté de ma mère, plutôt athées dans la branche paternelle, j’ai basculé comme mes deux frères, vers la non-croyance, au point de devenir un peu iconoclaste. Un peu, j’ai dit !
Une vulgaire carrière d’étudiant jusqu’à la fac de médecine de Coimbra, études  coupées par une grève des étudiants aux examens, en 1969 (un an après le 68 français – au Portugal, on a l’habitude d’arriver en retard aux rendez-vous), à laquelle j’ai adhéré de très bon gré et ai eu une participation active. Petit problème : mon père trouvait que le rôle d’étudiant était d’étudier et rien d’autre. Solution : fini les études, engagement dans l’armée !
Rappelle-toi le contexte : nous vivions en dictature avec, en prime, une guerre coloniale en Angola, Mozambique, Guinée-Bissau ; et ajoutons pour ce qui concerne ma petite personne que je n’étais pas inconnu de la PIDE (police politique). 
Bref, mon destin était la mobilisation et le départ pour l'Angola à la tête d’une compagnie de tireurs. Hélas (?), je me suis égaré et, au lieu de partir vers le sud, j'ai pris le chemin du nord, destination Paris.
Là ma vie s'est partagée entre : Renault à Billancourt, un métier où j'ai tâtonné sans trop y croire et la poursuite de mon engagement politique.
Retour au Portugal, en clandestin, en 1973 et… chute de la dictature en avril 1974 !
Activité politique en liberté, quelques déceptions et..., Renault, cette fois au Portugal, jusqu’à la retraite.


Venons-en aux tire-bouchons : à l'origine d'une collection, il y a généralement un événement déclencheur. Était-ce le cas pour toi ?


Chez mes parents j’avais vu arriver un jour un tire-bouchon qui m’avait épaté, tant il me semblait original et ludique, en plus d'être d’une grande facilité d’utilisation. Et voilà qu’un jour, bien des années plus tard, me baladant dans la « Feira da Ladra » de Lisbonne (les puces), je suis retombé sur un exemplaire de ce trésor depuis longtemps disparu de la maison parentale.



"L'origine du monde" de Tomás !


Et pourtant, ce n’était qu’une très banale chouette BOJ !
Et puis, après celui-ci, un autre tire-bouchon, et un autre, et un autre… je me suis dit : je vais faire une collection.
Et j’ai dû le dire à un ami, copain de soirées à Coimbra, comme moi devenu immigrant à Paris, puisque sa fille m’a fait cadeau du bouquin de Frédérique Crestin-Billet, La folie des Tire-bouchons, lequel m'a alors découragé de continuer : il devenait clair, trop clair, que je ne m'étais pas fait la moindre idée du monde où je prétendais accéder ! Décision : dans l’impossibilité d’accès à des pièces vraiment intéressantes, je me dis que je vais abandonner... mais abandonne-t-on vraiment ?
De fait, quelques années plus tard, je guette internet, je plonge dans eBay, j’y trouve du matériel autrement introuvable et je recommence. Des pièces, des livres…


Quel sens revêt pour toi ta collection : un challenge personnel ? un sujet d'études ? un investissement ? autre chose ?


Plutôt un challenge personnel au départ, puis de belles occasions pour rencontrer des gens devenus des amis.


Combien de tire-bouchons estimes-tu posséder ?


Je ne sais pas et n’en suis pas soucieux. J'essaie aujourd'hui de construire une base de données qui me permettra de jeter un peu plus de lumière là-dessus. Peut-être deux mille ? voire 2001 ?


J'ai pu l'apprécier de visu, mais peux-tu expliquer à nos lecteurs comment tu présentes ta collection ?


Je possède trois vitrines, disons classiques, type armoires, plus une douzaine de vitrines murales que j’ai fait faire. Et beaucoup de mes tire-bouchons sont encore entassés dans des caisses…





Quelques-unes des vitrines murales, où l'on voit beaucoup d'extensibles.



As-tu eu une préférence pour une catégorie de tire-bouchons ? Laquelle et pourquoi ?


Parmi toutes les sortes de tire-bouchons, un type a toujours attiré mon attention : les Henshall, dont le mariage simplicité/efficacité me ravit. Et pourtant… je vise surtout deux autres familles : les extensibles et les Thomason. Ce n’est pas très rationnel, hélas, mais c'est comme ça !



Beaucoup de Thomason dans cette grande vitrine 
de Tomás à moins qu'il ne faille dire ... Tomáson ?



Collectionnes-tu d'autres choses ? Avec autant de passion que les tire-bouchons ?


Je ne peux pas dire collectionner, je dirais plutôt que j’ai quelques plats, pichets… quelques trouvailles à gauche et à droite.
(NDLR : Tomás est bien modeste qui a mis en scène une jolie collection de céramiques portugaises).


Quels lieux ont ta préférence pour acheter des tire-bouchons et lesquels conseillerais-tu aux nouveaux collectionneurs : salles de ventes, antiquaires, brocantes, Internet...


Au Portugal, chercher des tire-bouchons intéressants dans les brocantes c’est un exercice pour l’éternité. Or, vu que je ne suis pas éternel… j’y vais mais sans trop d’espoir.
C’est donc plutôt sur la fenêtre d’internet que je me penche. Et les réunions du CFTB, bien sûr.
Mais les Puces, c'est aussi l'occasion de chiner d'autres objets, au coup de cœur, ainsi de cet objet insolite : un gabarit pour chapeaux acheté aux Puces de Paço de Arcos (localité côtière d'Oeiras, à l'embouchure du Tage).



Un gabarit pour chapeaux.



Peux-tu nous raconter une anecdote qui a marqué ta vie de collectionneur : rencontre, scène de vie, trouvaille inespérée... ou ratée ?


Trouvaille inespérée, pas grand-chose : une petite pièce qu’un vendeur dans une brocante de Lisbonne vient me montrer. Ne la reconnaissant pas, je l’ai quand-même achetée pour un prix dérisoire. Plus tard je me suis rendu compte que c’était un Pecquet.
Ou le jour, au tout début, où une assemblée d’acheteurs potentiels essayait d’identifier un objet insolite sur le stand d’un brocanteur. Outil de cordonnier, de chirurgien, de…, de…, de… (de mémoire, je crois que personne n’a suggéré qu’il pouvait s’agir d’un outil d’astronaute !). L’assemblée terminée, ce fut à moi de prendre en main l’étrange objet, de le regarder sous tous les angles, puis de le laisser, avec davantage de points d’interrogation dans la tête qu’au début. J’appris des années plus tard avoir eu dans la main une pince Lund, le T comprenant la mèche n’y étant plus !


Le phénomène majeur de notre génération est l'irruption du numérique dans notre quotidien. Utilises-tu ces nouvelles technologies pour acquérir ou vendre ? ou bien utilises-tu l'informatique pour classer ta collection ? Et si oui, comment ?


Oui, je fais beaucoup d’acquisitions sur internet et j’utilise une base de données que j’ai débutée sur Excel, mais que j’envisage de passer à Access Database.



Tomás, devant son ordinateur.


Le numérique c'est aussi les sites, ceux de Jean-Pierre Lamy, de Jacky Corbel ou le tien, auxquels je me réfère avec plaisir.
C'est aussi celui de The International Correspondence of Corkscrew Addicts (ICCA), devenu aujourd'hui incontournable pour améliorer une collection. 
J'essaie aussi de participer aux ventes aux enchères en live qui me sont signalées : l'informatique et les enchères font bon ménage !


Comment es-tu entré au Club Français du Tire-Bouchon ? et que t'apporte cette appartenance ?


Un jour, en 2018, j’ai acheté sur eBay quelques pièces venant de la France. Lors de l’arrivée du colis, le nom du vendeur a attiré mon attention : Gérard Bidault ! Tiens, s'agissait-il de l’auteur d’ouvrages dédiés aux tire-bouchons et dont j’avais déjà des exemplaires ? Je lui ai alors posé la question et, bien sûr, il a répondu positivement. Un échange de messages a suivi, jusqu’à ce qu’il me lance un défi : pourquoi tu ne rejoindrais pas le Club Français du Tire-Bouchon ? Croyant ne pas être en mesure d’avoir quelque chose à y apporter, j’écartai d’abord l’hypothèse, mais je me suis vite fait une réflexion toute simple : « si j’adhère à cette association et que je me rends compte ensuite y être de trop, je n’aurai qu’à m’en retirer ». Et me voilà, quelques jours plus tard, au sein du CFTB, parrainé par Gérard et par le Président (à l’époque, un certain Marc Ouvrard).
Le CFTB est pour moi une très riche source de contacts avec des collectionneurs, donc de connaissances et d’expérience, mais c’est surtout, cerise sur le gâteau, l’ambiance qu’y règne qui me plait et qui m’a apporté un beau nombre d’amis.
Il y a des hélixophiles dans mon pays, même s'il n'existe pas de club. Mais, qui sait, peut-être que la parution de cet article sur ton blog favorisera des prises de contacts avec des collectionneurs portugais ?


Nous sommes aujourd'hui à un tournant de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quel message passerais-tu aux jeunes collectionneurs pour les aider dans leurs débuts ?


Oui, c'est vrai que notre passion est partagée par des gens de toutes les générations. Je suis souvent surpris de croiser en brocante des hommes et des femmes, jeunes ou moins jeunes, qui s'intéressent aux tire-bouchons au point de constituer de petites collections. Le plus souvent il s'agit pour eux de décorer un coin bar ou une cave... mais ils ne savent pas qu'ils risquent fort d'attraper notre virus !
Quels conseils leur donner ? Cherchez les sources de connaissances : allez sur internet, lisez des ouvrages. Et aussi, rencontrez d’autres collectionneurs, ils seront heureux de parler avec vous, d'échanger des informations, de vous aider dans vos recherches.
Et puis, rappelez-vous que si les tire-bouchons sont parfois très beaux ou ont une belle histoire, ils sont surtout un pont qui nous conduit souvent vers de belles personnes.


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Je concluais notre entretien en demandant à Tomás s'il pouvait me donner les coordonnées de deux ou trois collectionneurs qui pourraient figurer dans le Who's Who ?


Voici sa réponse :

Je n’ose pas, comme on dit au Portugal, "apprendre la messe au prêtre" !


Merci pour ton amitié, Tomás !



M


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