Amis blogueurs, bonsoir !
Captivé par un catalogue, je vous propose un voyage dans le temps, commencé dans la bonne ville de Sens (Yonne) en 1849 et qui dure encore,
C'est dire que l'histoire, bien que lacunaire, est un peu longue. C'est pourquoi je me propose de la partager en deux parties que je compte publier à quelques jours d'écart.
Voici donc :
RAMEAU : LIMES, FUSILS DE BOUCHER, COUTEAUX ET TIRE-BOUCHONS - CHAPITRE 1
Rameau était artisan coutelier-taillandier, installé à Sens depuis 1849.
Il fabriquait des rasoirs, spécialité senonaise, comme le confirme Camille Pagé en 1896, in La coutellerie depuis l'origine jusqu'à nos jours. La fabrication de la coutellerie :
"Les ouvriers couteliers de Sens sont occupés dans deux fabriques de rasoirs ; c'est le seul article de coutellerie qui s'y confectionne."
Ses successeurs revendiqueront d'ailleurs l'invention par lui, "Rameau Père", du "rasoir à baguette" en 1852.
En 1859, un taillandier suisse, maître ouvrier dans la fabrication de limes, vint solliciter Rameau pour l'aider à fabriquer des tranchets, dits aussi fusils à aiguiser ou fusils de boucher.
Il s'appelait Fischer et c'est son nom qui donnera naissance à la marque, apposée aujourd'hui sur beaucoup de fusils de boucher.
Wikipédia nous rappelle que le taillandier est un forgeron spécialisé dans la confection des outils tranchants. Il travaille pour de nombreuses corporations tels les bouchers ou encore les agriculteurs.
Et le site de l'entreprise Fischer nous indique que
"La technique et le savoir-faire pour la réalisation des limes est assez proche de celle des fusils à aiguiser (c’est aujourd’hui, une technique encore utilisée pour les modèles professionnels)".
Le taillandier par Jean Frédéric Wentzel, 1847
(Wikipédia).
-/-
Le catalogue Rameau 1902
Fort de cette collaboration, Rameau se lança alors avec succès dans la fabrication en grande série des fusils à aiguiser.
Notre catalogue l'illustre ; daté de 1902, il a pour titre : ALBUM DES FUSILS DE BOUCHERS ET DE TABLE.
C'est un très beau catalogue, conçu par l'Imprimerie Lithographique P. Mongin 156 rue Saint-Denis à Paris. D'un format 24 x 31,5 cm, il compte 16 pages intérieures, richement illustrées de gravures de fusils pour bouchers, fusils de table et chaînes pour fusils. Il se conclut par un tarif, non renseigné.
En voici la couverture :
Album Rameau des fusils de bouchers et de table, 1902
(Collection personnelle)
Pas encore de tire-bouchon dans cet album, donc !
Que peut-on apprendre cependant sur la manufacture de coutellerie Rameau à partir de ce document ?
Nous n'avons pas d'éléments biographiques concernant le fondateur de l'entreprise et ses premiers successeurs. On sait seulement qu'elle est dirigée vers 1910 par Eugène Rameau, Paul Rameau et Gustave Rameau, sous la raison sociale "Rameau Frères", mais notre document donne pour raison sociale "Manufacture de Coutellerie" Rameau à Sens.
C'est Gustave, patron emblématique, actif dans le premier tiers du XXe siècle, qui semble avoir déposé la marque La Colombe, représentée sur notre couverture : une colombe tenant dans son bec un ... rameau, forcément !
On découvre aussi sur notre couverture, entourée de médailles, une gravure impressionnante du site de l'usine Rameau : bâtiments imposants, cheminées qui fument, animation humaine, convois tirés par des chevaux et, en arrière-plans, l'Yonne où naviguent des barques, et même un train à vapeur.
Est-ce l'importance de la manufacture qui justifie l'absence d'adresse postale, de télégraphe et de téléphone ? On indique seulement qu'elle est située à Sens, et que Rameau revendique l'invention du rasoir à baguette.
Une publicité parue dans l'Annuaire du commerce Didot-Bottin de 1926 précisera cette adresse : rue Champbertrand, 15 à Sens (Yonne).
Annuaire du commerce Didot-Bottin, 1926
De fait, la coutellerie Rameau était située à proximité du cours d'eau dit le rû de Mondereau. Ce ruisseau - pas représenté sur la gravure - fournissait la force motrice nécessaire à son activité, comme c'était aussi le cas pour les usines artisanales avoisinantes : moulins à farine, tanneries et blanchisseries.
Selon un groupe Facebook publiant des "Photos et souvenirs d'antan. Sens et ses alentours" :
Une grande maison, à la rencontre de la rue des Moulins et de la rue Champbertrand, porte encore sur sa façade l'inscription Gve [Gustave] RAMEAU.
C'est l'ultime témoin de cette activité industrielle disparue. Si la maison ressemble bien à la "vignette" de l’Album des Fusils, il n'en est pas de même pour ses alentours qui ont vu disparaître tous les bâtiments de l'usine ainsi que le "saut" du rû de Mondereau que nous avons connu bruissant et puissant au coude de la rue Champbertrand.
Quant au contenu de notre catalogue, soulignons la qualité et l'esthétique singulière des fusils pour bouchers proposés par Rameau : des poignées à garde ou à embase, en corne de buffle ou corne blonde, parfois incrustées de nacre, et souvent très figuratives !
Ces ustensiles produits par Rameau au début du XXe siècle - mais aussi par ses concurrents, souvent allemands - sont aujourd'hui très recherchés des collectionneurs.
-/-
De Rameau à Bargoin, puis Fischer
La Manufacture a fermé ses portes en 1981, après plus de 130 années d'activité.
Le site de l'entreprise nous livre d'autres informations,
1978 : la société Rameau est rachetée par André Bargoin, héritier d'une famille de couteliers - taillandiers de Thiers, et Jean et Andrée Raynaud, artisans bouchers de Sens.
1979 : Jacques Raynaud et Marie-Christine, fille d’André Bargoin, en prennent la direction.
1981 : déménagement à Thiers, pour se rapprocher du bassin coutelier.
2010 : achat de la société Bargoin par Fischer.
2011 : fusion pour former la société Fischer - Bargoin... Rameau et Fischer se trouvent ainsi à nouveau réunis !
-/-
Et les tire-bouchons ?
C'est un deuxième catalogue qui nous permettra d'aborder ce thème qui nous réunit. Suite donc dans un prochain article !
M
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire