mardi 15 mars 2022

ENIGMA N° 71 : LE TIRE-BOUCHON "LE RAPIDE" VERSION JEAN-BAPTISTE BOUÉ


Amis hélixophiles, bonsoir !


C'est une belle trouvaille augmentée d'une part de mystère que je me propose de vous présenter ce soir. Enigme ou non, je ne sais pas, mais je vous la propose quand même comme telle !

Voici donc mon 
ENIGMA N°71 : LE TIRE-BOUCHON "LE RAPIDE", VERSION JEAN-BAPTISTE BOUÉ


Un antiquaire lorrain m'a vendu il y a quelques jours un tire-bouchon du type "LE RAPIDE" de Georges Leboullanger... dans sa boîte d'origine !




Le tire-bouchon et sa boîte d'origine


Le tire-bouchon est très peu oxydé. La boîte est belle et va nous aider dans nos recherches


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Quels sont les éléments à notre disposition ?

- Le tire-bouchon est identique  au modèle Leboullanger, mais n'est pas marqué. Le modèle Leboullanger, lui, est marqué L.B. DÉPOSÉ PARIS. Dans les deux cas, la poignée est de type "loupe".
D'autres fabricants ont également proposé des tire-bouchons de type "LE RAPIDE", mais ce serait l'objet d'un autre article.

- Les inscriptions suivantes figurent sur la boîte :
NOUVEAU TIRE-BOUCHON à levier
J.B.B. PARIS
Et, en vertical, CARPENTIER & PIEGOY. GRAV. IMP. PARIS.

La marque J.B.B. authentifie le fabricant : il ne peut s'agir que de Jean-Baptiste Boué (lequel ne marquait d'ailleurs pas ses tire-bouchons).



Le même, après polissage...



Mon premier réflexe a été, comme toujours, de relire les articles consacrés à Leboullanger et à Boué dans le livre de Gérard Bidault : Les tire-bouchons français, Modèles et fabricants.
En voici un extrait : "Apparemment le sigle JB n'est pas la marque de la maison Boué, durant cette première période [1882-1914]. La marque déposée par Jean-Baptiste Boué est J.B.B., mais aucun tire-bouchon ne semble posséder ces initiales."
Effectivement la marque JB dans une étoile à 12 branches caractérise les tire-bouchons produits ultérieurement par le fils, Gaston Boué, et le gendre, Henri Deveson.
Retenons aussi, grâce à Gérard Bidault, que Jean-Baptiste Boué s'est associé à Henri Crédot en 1886, que cette association n'a tenu que deux ans, mais suffisamment quand même pour qu'en sortent "quelques tire-bouchons typiques de l'époque, de belle fabrication et déjà largement copiés sur le style Leboullanger" et que soit breveté un modèle portant leur sigle B. et C.
Gérard Bidault joint à son texte une publicité Boué 1888 (après le départ de Crédot) :




On y retrouve la marque déposée J.B.B., la mention Ancienne Maison BOUÉ & CREDOT et aussi la marque de fabrique B. et C. qui caractérise cette association.

L'identification de mon tire-bouchon progresse : c'est bien un Jean-Baptiste Boué, mais de  quand date-t-il ?

L'étiquette de la boîte nous donne les noms des imprimeurs :
CARPENTIER & PIEGOY GRAV. IMP. PARIS, traduisons : graveurs imprimeurs.
Si nous réussissons à les retrouver, nous pourrons peut-être déduire la période lors de laquelle ce tire-bouchon a été fabriqué.


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Nos sources sont les suivantes : 
- Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France, nous a conduit à la série des Annuaires-almanachs du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration ou Almanachs des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers : Firmin Didot et Bottin réunis.
- Nous avons aussi pu accéder au Moniteur de la Papèterie française, ainsi qu'aux Archives commerciales de la France.
- Généanet, pour la recherche sur les noms,
- Archives.paris.fr, à propos de l'adresse, rue des Boulets.

Voici ce que nous avons pu glaner :
La Maison Carpentier & Piegoy est active au tournant du XXe siècle et a son siège : rue des Boulets, 101 à Paris 11°.
Nous ignorons tout de Carpentier, sauf peut-être l'initiale de son prénom : G., mais ce serait à confirmer.
Généanet nous apprend par ailleurs que Piegoy se prénommait Emile et avait épousé Léonie Sergent. On retrouvera ce nom, Sergent, dans la liste des successeurs de Carpentier & Piegoy.

La Maison Carpentier & Piegoy est présentée comme héritière des "Anciennes Maisons Souverain, Dellery, Carpentier" :
1874 : Dellery N. est imprimeur lithographe, rue de la Verrerie, 85.
1877 : Souverain est attesté rue des Boulets, 101. Peut-être est-il alors associé avec Dellery et Carpentier ?
1883 : Dellery cède le fonds de l'imprimerie, rue des Boulets, à Carpentier.

Epoque Carpentier & Piegoy :
1884 : Carpentier est installé rue des Boulets.
1897 : Piegoy et Carpentier apparaissent comme graveurs imprimeurs, à la même adresse.
1900 : Piegoy reste seul successeur de l'imprimerie Carpentier (G.) et Piegoy E.

Périodes ultérieures :
1909 : Léonie, Veuve Piegoy E., succède à son mari, à la même adresse.
1918 : Le 15 juin, le 99, rue des Boulets est touché lors d'un raid effectué par des avions allemands, ce qui vaudra à Léonie Piegoy, propriétaire mitoyenne, de bénéficier de dommages de guerre.
1923 : La société Veuve Piegoy et R. Volland, lithographie, typographie est dissoute, et  la Veuve Piegoy poursuit seule l'activité.
1926 : Changement de raison sociale, les Imprimeries Piegoy, Haberschill et Sergent sont installées rue des Boulets.
1927 : Ultime phase, la dissolution de l'imprimerie industrielle et commerciale devenue Piegoy, Sergent et Cie, 
On le voit, l'adresse du 101, rue des Boulets, entre 1877 et 1927, soit pendant un demi-siècle, a servi de siège successivement à Souverain, Dellery, Carpentier, Piegoy, sa veuve et les associés de cette dernière.

Qu'en déduire pour ce qui nous concerne ?
Leboullanger a été actif jusqu'en 1889. Gérard Bidault date de 1887 et 1888 les premiers modèles du tire-bouchon "LE RAPIDE" de Leboullanger, lesquels préfigurent celui de Boué.
Jean-Baptiste Boué a lui été actif de 1882 à 1914, mais cette fourchette est trop large : notre étiquette comporte la marque déposée J.B.B. en cohérence avec la publicité J.B.B. de la même année 1888, postérieurement au départ de Crédot : nous sommes donc après 1888.
L'association Carpentier et Piegoy a été fondée entre 1884 et 1897 et s'est conclue au plus tard en 1900, avec la disparition de Carpentier. Là aussi la fourchette est trop large : ce tire-bouchon ne peut être antérieur à celui de Leboullanger, ni postérieur à la disparition de Carpentier.


Notre tire-bouchon Jean-Baptiste Boué remonte donc à la période courant entre 1888 et 1900. 
Une étiquette peu bavarde a parlé !


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Tout n'est pas résolu pour autant. 
J'espère en vos contributions pour préciser davantage encore la période de fabrication de ce tire-bouchon.
Il faudrait pour cela réussir à fixer les débuts de l'association Carpentier & Piegoy, graveurs imprimeurs : peut-être ces débuts sont-ils beaucoup plus proches de 1897, ce qui nous permettrait de réduire sensiblement la fourchette d'incertitude ?
Les renseignements biographiques sur ces deux personnages clés seraient aussi intéressants à connaître


Je publierai bien sûr vos contributions.



M



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