Amis lecteurs, bonjour !
Notre énigme a très vite été résolue. La bonne réponse était :
ENIGMA N° 74 : UN GANT DE SABATÉ.
Des propositions me sont parvenues très rapidement : elles achoppaient sur les dimensions des mailles.
- Deux amis ont beaucoup discuté : pour l'un ce pouvait être un gant de boucher, pour l'autre un gant de pêcheur.
- Gilles avait une proposition proche : un gant d'écailler. Rappelons que l'écailler n'écaille pas les poissons, mais est chargé de la préparation des plateaux de fruits de mer et crustacés.
- Un correspondant anonyme a pensé qu'il pouvait s'agir là d'un gant d'équarisseur.
- Paolo Lazzeri a approché la vérité : il a vu là un outil "Per pulire l'interno di barrique e/o damigiane", pour nettoyer l'intérieur d'une barrique ou d'une dame-jeanne... nettoyer le bois d'un tonneau était une bonne idée, même si le nettoyage interne d'une dame-jeanne semble impossible avec un tel gant.
- Un lecteur plus facétieux a suggéré que notre objet était "un gant de toilette pour Fakir"...
- Un premier Jean-Pierre est resté sur l'idée qu'il s'agissait d'un élément d'une cotte de maille, cette armure souple dont étaient équipés les chevaliers du Moyen-Âge.
- Un deuxième Jean-Pierre, notre président Jean-Pierre Lamy, avait la bonne solution : il s'agit, nous dit-il, d'un "gant pour nettoyer les ceps de vigne" !
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Il ne me restait plus alors qu'à vous relayer les informations données par notre ami Bernard Devynck :
Ce gant n’est pas un élément d’armure moyenâgeuse, même si d’apparence très proche de la cotte de maille. Il s’agit d’un outil de vigneron.
Comme toutes les plantes, la vigne est victime d’atteintes multiples dont sont responsables insectes, vers ou chenilles, telle la chenille de la pyrale connue au Moyen Age sous le nom de « ver coquin ». Le retour en force de la pyrale au XIXe siècle a été contré efficacement par la pratique de l’écorçage des ceps au moyen d’un gant en maille de fer.
Ce procédé avait été précédé de plusieurs méthodes de lutte et d’éradication des parasites de la vigne, sans succès probants : enfouissement des souches ou buttage, émondage, cueillette des œufs, écrasement des larves et chrysalides, échenillage...
L'écorçage ou décorticage existe depuis longtemps. On le signale déjà en Suisse en 1811, pratiqué à cette époque avec un couteau, ce qui donnait alors un résultat imparfait. Les instruments utilisés pour le décorticage ou l’écorçage sont en général très simples. Le décorticage doit toujours être suivi du ramassage des écorces et de leur incinération.
Plusieurs outils basés sur le maillage du fer ont été conçus à cette fin : une chaine munie de poignées à chaque extrémité, un carré de maillage en cotte, auquel on faisait faire des allers-retours grâce aux anneaux fixés aux coins, dans lesquels on insérait des liens.
Exemples d’anciens outils de décorticage de la vigne.
Mais recentrons-nous sur notre outil. Cette moufle en mailles de fer, dite « gant de Sabaté », est vite devenue l’alliée indispensable des viticulteurs.
Utilisées dans la seconde moitié du XIXe siècle, ces moufles permettaient aux vignerons d’écorcer les ceps de vigne en retirant une bonne partie de leur écorce. En effet, c’est sous l’écorce que venaient se loger les larves de la pyrale, papillon nocif à la vigne.
Le nom de ce gant est dû à M. Sabaté de Libourne, qui eut l'idée dans les années 1870, de concevoir une moufle formée d’anneaux métalliques, à laquelle furent cependant reprochés son prix élevé et sa lourdeur (le poids du gant présenté est de 930g), cause de nombreuses blessures aux mains des opérateurs.
Pour plus de confort et éviter les blessures, le gant de Sabaté a ensuite été amélioré : le gant Sabaté doublé est garni intérieurement de tissu épais et de cuir et ne comporte plus de mailles sur le dos où elles n’ont pas d’utilité puisque n'étant pas en contact avec le cep.
Une autre sorte de gant a été inventé par Granjon. C’est un gant très économique et très léger. Il se compose d’une mitaine en cuir à laquelle est cousue une plaque de cuir très épais, assez large pour recouvrir les doigts et la paume de la main. La flexibilité lui est donnée par des incisions transversales à épaisseur pratiquées sur la face en contact avec la main. Sur ce cuir sont rivés 35 à 40 gros clous de soulier et enfin un caoutchouc, qui passe au-dessus des doigts, rendant la manœuvre commode.
D’autres moyens de lutte apparaitront ensuite, notamment en 1840, quand Raclet, un vigneron bourguignon, imagine un nouveau procédé : « l’échaudage » qui consiste à détruire les larves de pyrale avec de l’eau bouillante versée sur les souches. L’eau bouillante est produite dans des chaudières et distribuées sur les souches à l’aide de cafetières, ou par un tube caoutchouc relié directement à la chaudière… Plus complexe à mettre en œuvre et plus artisanal, quoique respectant tout à fait la nature.
Le gant de Sabaté était lui aussi un outil qui permettait un entretien respectueux de la vigne, tout à fait dans les tendances « bio » de notre époque, mais de là à imaginer un retour vertueux de ces moyens, applicables et compatibles à nos époques et à la productivité...
Sources bibliographiques de Bernard Devynck :
-Cahier N° 4 « Les petits secrets de la lutte infernale des vignerons contre les ravages de la vigne » de Théo Elzinga et Christelle Brangeon. Edité par ‘inVINcible VIGNEron’ – Musée conservatoire vini-viticole 81600 Broze
- Les objets de la vigne et du vin de François Morel
- Outils des vignerons et tonneliers du Bordelais de Jean Pierre Hieret, édition presses universitaires de Bordeaux.
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Je remercie tous ceux d'entre vous qui se sont intéressés à cette énigme et, bien sûr, Bernard Devynck pour nous l'avoir proposée.
M
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