mercredi 17 juillet 2013

DES LIMITES D'UNE COLLECTION : LE COLLECTIONNEUR VITRINE ET LE COLLECTIONNEUR PLACARD.



Le collectionneur vitrine et
le collectionneur placard.


Amis des tire-bouchons, bonjour !

Peut-être parce que la médiocrité des vide-greniers de ce week-end m'a un peu attristé, je me suis interrogé sur les limites de ma manie : la collectionnite !
Mon épouse m'a expliqué il y a longtemps que je collectionnais comme on repousse la mort !
Selon son analyse, les collectionneurs se réfugieraient dans cette quête sans fin à la fois pour continuer à vivre et laisser une trace après eux, comme un échantillon d'éternité.
Comment ne pas lui donner raison ?

C'est vrai que ma quête me fait bouger, chercher, agir ; et au fond, n'est-ce pas ça la vie : un mouvement apparemment perpétuel mais toujours borné par la mort, une recherche de tous les instants ?
... "Je cherche, donc je suis ! "
Et il est vrai aussi que "l'oeuvre" du collectionneur survit quelquefois à son auteur, exposée pour le plus grand nombre ou thésaurisée par quelque discrète fortune.
Vrai encore que le nom des collectionneurs passe quelquefois à la prospérité, en bien ou en mal : je pense tout de suite à Caillebotte et à sa collection de tableaux impressionnistes ou aux frères Schlumpf et à leur musée de l'automobile.
Vrai enfin que généralement, les collectionneurs, pourtant si âpres dans leurs achats, si rudes négociateurs et tellement jaloux de leurs trouvailles ... se découvrent souvent sur le tard une vocation de bienfaiteurs pour leur pays ou leur canton, et organisent de leur vivant l'avenir d'une collection qu'ils finissent par léguer à une institution.
L'oeuvre du collectionneur est souvent modeste, et le passage à la postérité bien confidentiel, mais la démarche vaut !


Je pense cependant que mon épouse élude une partie de la question :
la collectionnite, c'est aussi une tentative d'appropriation et d'explication du monde
et toute collection témoigne des efforts de son auteur pour trouver du sens à son environnement, pour le mettre en cohérence avec lui-même.
J'ai un ami qui collectionne les instruments de mesure comme il arpenterait le monde : pouvoir tout mesurer le sécurise.

Nous devrions aussi nous demander
depuis quand l'homme collectionne-t-il ?
J'imagine que la démarche de collectionner remonte à la nuit des temps et que la collection a commencé quand l'homme a disposé d'objets ayant à ses yeux une valeur d'échange, mais dont il n'avait pas l'utilité : le superflu.
Peut-être des pierres taillées ou polies, des coquillages, des os, des dents, de l'ivoire... dont la possession permettait d'affirmer un statut social ? 

Nous demander aussi
qui collectionne quoi ?
Chacun peut en effet se prendre au jeu :
il y a place pour tout le monde et
tout se collectionne,
objets, histoires, trophées, idées, ami(e)s...

De la place donc pour les appertophiles (j'en suis un petit peu), les vitolphiles (là je n'en suis pas : je ne fume plus depuis bien longtemps), en passant par les bibliophiles, les cassanuxiphiles, les éthylabélophiles, les œnosémiophiles ou les placomusophiles, pour n'en citer que quelques uns.
La démarche aura animé la vie de ces collectionneurs, même s'il est peu probable que la découverte de leurs trésors s'inscrive un jour dans les priorités des tours opérateurs !
Résumons :
Un collectionneur est un inquiet qui cherche sans cesse et amasse et s'entoure d'un maximum d'objets sur un thème.
Sa démarche avec lui évolue : il devient expert et s'en enorgueillit.
Au point qu'il en oublierait un peu l'inéluctable fin de partie ou qu'il organiserait lui-même son passage à la postérité?

Tout serait maintenant dit ?
Eh non, pour reprendre les termes de la journaliste Catherine BELIN (*), on peut distinguer deux espèces :
"le collectionneur vitrine" et
"le collectionneur placard".
Le premier a besoin de partager ses découvertes, mais aussi de se montrer et de rencontrer d'autres mordus : il adhère s'il le peut à un club...
Celui-là achète des objets, si possible de valeur.
Le second entasse jusqu'à la crise, stocke jusqu'au trop plein des objets ne valant que par les conditions de leur achat et sitôt oubliés...
Lui se rassure sur sa capacité à interagir, achète souvent des prix plutôt que des objets et attache plus d'importance à la démarche d'acquisition qu'à celle d'échange.


Complétons donc :
Le collectionneur, depuis toujours :
- est inquiet,
- cherche sans cesse, amasse, 
- expose ou entasse, selon qu'il est "vitrine" ou "placard",
- devient expert,
- et meurt probablement quand même.


Et toi, frère collectionneur,
ami des tire-bouchons,
es-tu "vitrine" ou "placard" ?




M
* Catherine BELIN : "Objets du désir"
in Le Républicain Lorrain du 23 juin 2013.

2 commentaires:

  1. Je te conseille cette lecture. Peut-être l'ami Sigmund te mettra-t-il sur la voie de réponses à tes questionnements ;)
    http://www.rebel-tb-etampes.fr/article-freud-collectionneur-77585090.html

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    Réponses
    1. Merci Docteur !
      Et ton blog est toujours aussi décapant !
      Je le recommande à tous mes amis bloggers.

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