mercredi 23 août 2017

CATALOGUES ET TIRE-BOUCHONS : VOYAGE A L'AUBE DES ANNEES 30



Amis collectionneurs, bonjour !


Je vous propose aujourd'hui 
un voyage à l'aube des années 30.


J'ai trouvé cet été trois catalogues qui font mon plaisir. 
"Trouvé" n'est pas le mot juste. Je les ai plutôt "arrachés" à vil prix, sans trop prendre le temps de les compulser, un autre amateur se préparant à me les disputer !




J'aime les catalogues anciens qui nous donnent à respirer - sans que cette intention ait existé - le parfum de leur époque.
Hier comme aujourd'hui, les catalogues étaient rédigés pour les consommateurs de leur temps, sans prétention à laisser une trace historique et c'est probablement ce qui fait a posteriori la force de leur témoignage.
On y retrouve des entreprises souvent disparues depuis, des dynasties de dirigeants, des sites industriels chargés d'histoire, d'une histoire parfois dramatique...
On y mesure l'avancée des technologies, les objets commercialisés et leurs noms, les tendances, les tarifs pratiqués, une idée concrète de l'échelle des valeurs du temps.
On apprécie la qualité technique et artistique de ces catalogues, la beauté et la précision des dessins, éventuellement la maestria des illustrateurs, adroits artistes peintres travaillant sous contraintes.


Les trouvailles que je vous présente aujourd'hui sont les suivantes :

- Le catalogue N° 58 de Fournitures Générales Outillage et Mécanique de précision 
des Etablissements FISSEAU & COCHOT,
132, 134, 140, Rue du Temple PARIS (3°)
Grand Prix 1931.

- Le catalogue HIVER 1931
du BAZAR DE L'HÔTEL DE VILLE PARIS.

- Le catalogue MENAGE MEUBLES DE CUISINE JARDINAGE AUTO
du magasin AU LOUVRE,
PARIS, année non précisée mais de la même époque.


-/-


Le catalogue FISSEAU & COCHOT n'est pas daté, mais revendique un "grand prix 1931".
Les conditions générales de vente font clairement allusion à la grande crise économique qui a sévi alors : "les fluctuations continuelles des matières premières, de main d'oeuvre et l'annonce de nouvelles lois sociales, ne nous permettent pas d'établir de prix stables pour ce catalogue N° 58, destiné à rester pendant des années dans les mains de notre clientèle".

Successeure de l'ancienne Maison VENOT Frères, l'entreprise FISSEAU & COCHOT est toujours active après fusion avec SCHWARTZMANN sous la raison sociale SCHWARTZMANN-FISSEAU-COCHOT ou S.F.C., aujourd'hui propriété de TBRP Group, société de holding.
Connue dans le monde professionnel de la bijouterie-horlogerie, la société TBRP regroupant les sociétés Tena-Butty, Pouget-Pellerin et Schwartzmann-Fisseau-Cochot, commercialise notamment des machines de polissage sur or, argent et laiton.

Le catalogue FISSEAU & COCHOT ne contient évidemment aucun tire-bouchon.
Mais c'est une mine d'or pour qui s'intéresse à l'horlogerie, la bijouterie, la joaillerie, l'orfèvrerie, la lunetterie, la gravure, la sertissure, la télégraphie, l'optique, l'électricité, l'armurerie ou la dentisterie.




Etrange assemblage où la sciure est de buis et les couteaux à fusain ; où les tours à pivoter côtoient les limes à échappement et les perceuses sensitives ; où, sur des bancs à détamponner, triboulets et baguiers flirtent avec les brucelles...
Aucun étonnement à ce que le catalogue se referme sur une machine à graver les alliances !


-/-


Le catalogue HIVER 1931 du BAZAR DE L'HÔTEL DE VILLE ne pose pas de problème de datation.
Rappelons que le Bazar de l'Hôtel de Ville a été créé dans la très haussmannienne rue de Rivoli à Paris en 1856. Appelé ensuite le BHV, puis officiellement Le BHV Marais depuis 2013, ce grand magasin généraliste appartient aujourd'hui au groupe Galeries Lafayette.
En 1931, année de notre catalogue, Henri VIGUIER, petit-fils du fondateur Xavier RUEL, transforme l’entreprise en société anonyme.

Aucune photographie n'illustre ce catalogue : les 88 pages intérieures et les 4 pages de couverture sont complètement dessinées, y compris pour les plus fins détails des tissus ou tapis, ou les décors des faïences et porcelaines.
La couverture elle-même est dessinée et peinte, permettant d'offrir une image moderne, ce que ne pouvait pas faire la photographie, alors en noir et blanc.



L'artiste n'a guère de place pour l'improvisation : 
le plus fidèle réalisme est de rigueur !


Le catalogue est à l'image du grand magasin parisien : synonyme de profusion et de polyvalence, il présente tissus, vêtements et accessoires, évoque l'orfèvrerie, la musique et la chasse, avant de consacrer une large part aux objets ménagers, au chauffage (c'est l'hiver !), à l'outillage, à l'équipement mobilier, à l'éclairage (souvent encore au pétrole ou au gaz), enfin au "très actuel" matériel électrique.
La "une" de couverture est "réchauffée" d'une cuisinière, d'un poêle et et d'un réchaud, tandis que la quatrième de couverture présente la chaude mode hivernale féminine : manteaux, lainages, pull-over...

Deux tire-bouchons, basiques et bon marché, de vrais objets de bazar donc, figurent à juste titre dans ce catalogue, page 49, voisinant avec un "appareil à mastiquer les aliments" et un "frise-beurre" :





Les deux tire-bouchons du catalogue du BAZAR DE L'HÔTEL DE VILLE :
- Un "tire-bouchon extensible IDEAL", modèle déposé par MARTENET en 1929, vendu 13 Francs,
- un "tire-bouchon à hélice", libre et anonyme, vendu 6 Francs.


-/-


Le catalogue MENAGE MEUBLES DE CUISINE JARDINAGE AUTO du magasin AU LOUVRE est plus difficile à dater.
Publié pour présenter une opération promotionnelle limitée à trois jours, il précise que "les commandes seront prises à partir du lundi 11 avril". Ceci limite l'incertitude : dans les années 30, le 11 avril est tombé un lundi en 1932 et en 1938. Le document porte en références imprimeur : Imprimerie Charaire à Sceaux. - 3-32, qu'il semble raisonnable de traduire par mars 1932, mais ce n'est pas une certitude.

Les Grands Magasins du Louvre ont été créés en 1855, un an avant le Bazar de l'Hôtel de Ville, dans un immeuble construit par les frères Péreire rue de Rivoli. 
La chute d'un bombardier anglais en 1943 et l’embrasement du magasin qui s'en suivit aggravèrent considérablement la situation d'une entreprise déjà en difficulté. Elle ferma définitivement en 1974.

Le catalogue présenté ressemble dans sa conception au précédent.
Entièrement dessiné, il est très dense malgré un nombre de pages moins important : 16 pages intérieures en noir et blanc et 4 pages de couverture, dont 2 sont peintes.
Un rythme endiablé fait se succéder de page en page : mobilier de jardin, confiserie, brosserie, articles de ménage, hydrothérapie (?), vannerie, chauffage, jardinage, accessoires pour vélos, motos et autos, outillage, argenterie, porcelaines, articles de voyage et d'hygiène, bois blanc, ébénisterie, éclairage (électrique), cretonnes et papiers peints !


Et les tire-bouchons sont davantage présents :

On trouve, page 2, parmi les articles de ménage, le dessin d'un ZIG-ZAG équipé de ses "décapsulateurs", correspondant au brevet additionnel Jules BART n° 674.209 délivré le 27 août 1928. Il est proposé pour 22,50 Francs.
Juste en dessous, un tire-bouchons (sic), "genre hélice" est simplement évoqué et proposé pour un prix de 4,45 Francs.




C'est ensuite un "nécessaire de cuisine" qui est présenté, page 3, comprenant 5 pièces dont "un tire-bouchons à hélice". Il est mis en vente à 9,95 Francs.




Et dans l'argenterie, page 11, on trouve encore un regroupement de trois tire-bouchons :
- Un "tire-bouchon crémaillère", sans marquage apparent, disponible en acier nickelé pour 11 Francs ou en acier chromé pour 12,90 Francs.
- Un "tire-bouchon hélice, mèche ronde J.B.R." nickelé pour 6,45 Francs ou chromé pour 9,90 Francs.
- Enfin, en bas à gauche, un "tire-bouchon, système nouveau, très pratique, acier nickelé" pour seulement 3,80 Francs !





Ces trois derniers tire-bouchons sont certainement des fabrications de Jean-Baptiste BOUÉ. On peut les retrouver dans le catalogue BOUÉ-DEVESON de 1927.
Concernant le deuxième, le "tire-bouchon hélice, mèche ronde J.B.R.", le sigle est vraisemblablement erroné : J.B.R. au lieu de J.B.B., initiales de BOUÉ.
Enfin le troisième n'est autre que le tire-bouchon à "petit levier latéral, qui restera le plus emblématique" de la maison BOUÉ (Gérard BIDAULT, Les tire-bouchons français, opinion citée). Un modèle breveté en 1888 puis en 1930.



Source : Mechanical Corkscrews
de Ferd PETERS.


Un modèle vendu le moins cher des trois, au tout petit prix de 3,80 Francs et qui est très recherché aujourd'hui !
Un seul ZIG-ZAG de Jules BART valait autant dans ce catalogue que six tire-bouchons à levier latéral de Jean-Baptiste BOUÉ !
Quand je vous disais que "les catalogues étaient rédigés pour leurs contemporains, sans prétention historique" !


-/-


Il faudrait pouvoir comparer les prix avec ceux proposés dans d'autres catalogues de la même époque pour mieux apprécier la hiérarchie qui s'était établie entre modèles concurrents.
Et je serais heureux que l'un d'entre vous m'aide à dater avec plus de certitude mon catalogue "AU LOUVRE".



M


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...