jeudi 2 avril 2020

UNE HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON DANS LE ROUEN DU XIX° SIECLE - CHAPITRE 1



Amis bloggers,


Je vous propose aujourd'hui d'évoquer une authentique
HISTOIRE DE MEURTRE ET DE TIRE-BOUCHON
survenue à ROUEN en 1890.


C'est une histoire que nous vous proposons en duo, mon amie Françoise VERGNAULT et moi.
L'enquête a en effet été menée par Françoise, à qui il revient donc de vous la raconter. 


Le récit est long et passionnant : c'est sous la forme d'un feuilleton à épisodes que nous vous le proposons. En voici la première livraison.




-/-



HISTOIRE VRAIE - DANS LE ROUEN DE LA FIN DU XIXème SIÈCLE


Introduction



Ce que je m’apprête à vous conter s’est déroulé dans la ville de Rouen, non loin des quais de la Seine, dans un café situé à l’encoignure des rues des Charrettes et Frigoly, le Café Dubuc.






Depuis une dizaine d’années, ce débit de boissons était tenu par Jules Adolphe Dubuc qui, au moment des faits, était âgé de 45 ans.
Un établissement très réputé, très fréquenté qui avait vu, tout de même sa clientèle chuter, lors de l’ouverture d’un nombre assez considérable de commerces du même genre, sur les quais.

Chacun avait en haute estime le sieur Dubuc, considéré comme un brave homme.
Propriétaire de l’immeuble, son commerce tenait tout le rez-de-chaussée, avec une grande salle pour les consommateurs, une salle de billard pour les joueurs, un office tenu par un garçon d’office qui y préparait les repas et un petit cabinet ou plus exactement un petit bureau. Au premier, quelques appartements loués et la chambre du propriétaire. Sous les combles, des chambres de bonnes occupées principalement par le personnel de l’établissement.
Pour accéder à la petite cour intérieure, il fallait emprunter une petite impasse longeant le mur extérieur du café, impasse qui donnait directement sur la rue des Charrettes.

Pour en connaître un peu plus sur ce débit de boissons, sachez qu’avant d’être la propriété de Jules Adolphe Dubuc, il avait eu deux autres tenanciers et avait porté les noms de :
Café Thillard
Café Eudes 

Jules Adolphe Dubuc avait vu le jour le 25 décembre 1844 à Saint-Martin-du-Vivier, à une lieue de Rouen, où son père, Adolphe Dubuc, exerçait en qualité de Maître cordonnier. Sa mère, Eulalie Rosine Togny, s’occupait de son ménage tout en élevant les enfants.
Le sieur Dubuc ne s’était jamais marié, et pour cause, il avait toujours exercé le métier de garçon de café, effectuant ici et là des saisons, et notamment en été, sur les côtes normandes. 


Le Café Thillard est attesté dès 1846 dans l'Annuaire général du commerce, de l'industrie, de la magistrature et de l'administration ou almanach des 500.000 adresses de Paris, des départements et des pays étrangers.
Gustave Flaubert l'évoque aussi dans son livre Madame Bovary publié en 1857 : le père Bovary y emmène le jeune Charles !
Ce Café était considéré à l'époque comme un café républicain, voire socialiste.
Fin 1877, Le Figaro insère une publicité pour le "Café Thillard, Heude successeur, Cours Boïeldieu ROUEN". Orthographe et adresse ne doivent pas nous arrêter : Heude c'est Eude ou Eudes, et le Cours Boïeldieu et la rue des Charrettes sont contiguës.
Dubuc devint patron de l'établissement vers 1880.
La vocation des lieux est donc constante au XIXe siècle et l'architecte Edouard Dagnet la maintiendra en édifiant à la place la Brasserie-restaurant de l'Opéra en 1904, et dans un style très art nouveau. C'est seulement à partir de cette époque que des images sont disponibles.




Carte réclame, début XXe siècle.



Il faut avouer que les cafés étaient légions, pas un quartier, pas une rue même, sans que ne s’étalent les façades de ces commerces, souvent couplés d’une épicerie, aussi offraient-ils un grand nombre d’emplois.

Tout était donc pour le mieux.
Tout aurait pu le rester. 
Jusqu’à un certain jour ou plutôt une certaine nuit...



Chapitre 1



Depuis quelque temps, déjà, un individu rôdait autour du café Dubuc. Certains l’avaient même surpris, caché dans l’encoignure d’une impasse, les yeux rivés sur le débit de boissons, observant les passages et mouvements dans celui-ci, jusqu’à fort tard dans la nuit.
Se voyant découvert, l’homme s’enfuyait, cachant son visage afin de ne pas être identifié, manœuvre bien inutile, car il était bien connu du quartier pour y avoir travaillé plusieurs mois à deux reprises, dans l’établissement Dubuc, justement, comme garçon de café. La première fois une année et la seconde fois trois mois. Ces deux périodes s’étaient soldées par un renvoi.

Pourquoi furetait-il ainsi ?
Que cherchait-il ?

Jules Alphonse Dubuc avait été averti par ses voisins de la présence régulière, inquiétante même, de son ancien garçon de café. Certains l’avaient mis en garde. A cela, le propriétaire des lieux avait répondu : 
« Un sombre individu qui finira en cour d’assises ...... »

Gibier de potence ! N’y allait-il pas un peu fort ce limonadier ?

L’homme dont il s’agissait se nommait Constant Roy. Il avait vu le jour dans le Canton de Vaux, en Suisse, le 20 avril 1865. Après le décès de ses parents, il était venu en France avec son frère, Auguste Constant, en 1883. Tous deux s’étaient fixés au Havre.
Ce frère, né dix-huit mois après lui, devait mourir au Havre d’une manière tragique, le 13 février 1888. En effet, il avait été retrouvé pendu dans la chambre meublée qu’il occupait rue de Chilou au numéro 15. « Chagrin d’amour » était la raison de ce geste que le jeune homme avait notée dans une lettre, juste avant son geste fatal.

Constant Roy, en sa qualité de garçon de café, exerça de nombreuses années sur la côte normande, effectuant des saisons l’été, notamment à Trouville, ne retournant au Havre qu’après les beaux jours. 
Dans ce port, il avait travaillé au « café Guillaume Tell » et à « l’hôtel Continental ».





Le Havre : le Guillaume Tell et le Continental,
deux établissements où avait travaillé Constant Roy.

Ce fut d’ailleurs sur une lettre de recommandation des dirigeants de ces deux établissements fort réputés que Constant Roy avait trouvé à se placer à Rouen au café Davoust, puis au café de la rue des Charrettes.
Chacun de ses employeurs se disait satisfait du travail de Constant Roy :
« Un garçon de café très compétent, connaissant parfaitement son métier ».

Mais... Car, il y avait un « mais » et point des moindres :
Un voleur, qui ne rendait pas toujours la monnaie aux clients.
Un voleur, qui pillait la caisse lorsque l’occasion s’en trouvait.
Une forte tête. 
Un irrespectueux envers la clientèle. Hautain et dédaigneux avec certains, trop familier avec d’autres.

Les clients se plaignaient. 
Et les indélicatesses côté « caisse-enregistreuse » mécontentaient fortement les patrons.
Faut comprendre !

Voilà pourquoi, et vous le concevrez aisément, Constant Roy se trouvait depuis quelque temps sans emploi, accumulant les emprunts, ici et là, pour survivre.
Il passait son temps au café Tonon dans le quartier Saint-Sever, buvant consommation sur consommation que jamais il ne pouvait payer. Lorsque l’ardoise était trop lourde, Roy changeait de café...
Il rentrait de plus en plus tard chez sa logeuse à qui il devait quelques loyers et qui l’avait menacé à plusieurs reprises de le mettre dehors.

Constant Roy était aux abois...
Remâchant sans cesse ses rancœurs...
Et puis, l’oisiveté n’était-elle pas la mère de tous les vices ?



(à suivre)


2 commentaires:

  1. Bonsoir Marc et Françoise,
    Merci de nous proposer cette histoire qui nous fait revisiter Rouen à la fin du XIX siècle. Et je me demande si quelqu'un ne finira pour se noyer avec un tire-bouchon dans sa poche !
    C'est, en tout cas, une bonne pilule contre le covid-19.
    Merci encore
    Tomás

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  2. Merci Tomás, de notre part à tous les deux.
    Prochain épisode demain : bonne lecture !

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