mercredi 28 juin 2017

WHO'S WHO DE L'HELIXOPHILIE : D... COMME MAURICE DANCER




Amis hélixophiles, bonjour !


Le collectionneur nécessaire de la semaine pour notre rubrique :

le Who's Who de l'hélixophilie


est né en France, mais est Suisse. Il s'agit de :




Maurice DANCER




Grand collectionneur et forte personnalité au discours "cash", Maurice Dancer est un des fondateurs du Club Français du Tire-Bouchon : merci à lui d'avoir bien voulu nous donner sa vision des choses !



Un Auvergnat devenu ingénieur et... Suisse.


Q. Pourriez-vous vous décrire en quelques mots : origines, lieu de vie, situation familiale, profession exercée et secteur d'activité...?

R. Je dis toujours que je suis auvergnat, mais cela n’est pas tout à fait vrai. La maison de mes grands parents paternels était située dans la partie Est du Massif Central. Mes grands parents maternels étaient plutôt de la plaine du Forez. Entre les deux : Saint-Etienne, où vécurent mes parents et où j’ai fait mes études secondaires. 
Je me sens arverne et je laisse à d’autres le fait de se prétendre des ancêtres gaulois.


Après des études d’ingénieur à Paris, je suis parti au Maroc faire mon service militaire en coopération. J'y ai rencontré des fonctionnaires internationaux qui m’ont donné l’envie de les rejoindre pour les salaires d’expatriés, les voyages, les langues… Et c’est ainsi que je fis toute ma carrière professionnelle hors de France : basé d’abord à La Haye pendant une dizaine d’années, puis à Munich pendant un quart de siècle, avant de venir prendre ma retraite en Suisse.
La Suisse, car depuis quelques 40 ans, je suis marié avec une Suissesse Véronique dont j’ai adopté la nationalité. Nous avons reformé un couple très uni et très heureux, après chacun une première expérience avec deux enfants.
Ensemble nous avons rénové en Bretagne une vieille ferme capable de nous recevoir tous, parents, enfants et petits-enfants, soit dix-sept personnes.
Nos enfants ont beaucoup bougé. Ils sont actuellement dans quatre pays différents. Cela nous a donné, en plus des voyages professionnels et des voyages pour les différentes réunions de "tire-bouchonneurs", des motifs pour quantité d’autres voyages.



Q. A l'origine d'une collection, il y a généralement un événement déclencheur : quel est le vôtre ? 

R. Mes grands-parents paternels avaient deux tire-bouchons et un set de cendriers gigognes que j’ai aperçu, à l’identique, longtemps après leur disparition, dans le début des années 80, chez un brocanteur dans le Kudamm Karree à Berlin, espace aujourd'hui disparu. C'est en souvenir de mes grands-parents que j’ai acheté ces deux tire-bouchons et, plus tard, le set de cendriers, pour mon usage personnel : j'aimais y déposer mes "boyards" ! 




Maurice : "Les deux tire-bouchons de mes grands-parents 
n'avaient en soi rien d'exceptionnels, une ménagère et un Zig-Zag, 
mais mes grands-parents ne possédaient pas le classique tire-bouchon en T !"



C'est là le point de départ de ma collection de tire-bouchons. Et le démarrage a vraiment été très lent !



L'accès aux offices des brevets


Q. Quel a donc été l'accélérateur ?

R. Comme je travaillais dans le domaine des brevets, j’ai eu des facilités pour voir ou me procurer des brevets du domaine des tire-bouchons de très nombreux pays. C’est ainsi que lors de mes voyages dans un nouveau pays, j'ai systématiquement visité l’office des brevets pour me procurer ceux de ce pays. J’ai ainsi bâti une collection de brevets de tire-bouchons qui doit être l’une des plus importantes du monde ; elle contient un nombre assez important de documents originaux. 
Je dois dire, que, depuis que j’ai pris ma retraite en 2004, sans doute du fait que nous vivons avec un pied en Suisse, un pied en France, et un pied en voyage (sic !), j’ai quelque peu délaissé cette collection, où il y a pourtant beaucoup de matière.



Il y a toujours trop d'objets dans une collection


Q. Combien de tire-bouchons estimez-vous avoir possédés ?

R. C'est une question que l’on me pose souvent, et à laquelle je ne peux que répondre, comme tout collectionneur : trop ! 
De temps en temps, j’essaye d’éliminer ceux qui m'intéressent moins et de revendre des doubles, mais cela reste quand même trop !

J'ai rencontré autrefois un collectionneur allemand qui avait décidé de se limiter aux tire-bouchons d’une valeur d’au moins 500 DM, soit 250 € environ. La démarche m’avait interpellé : le choix du seuil est subjectif, mais le principe est sain.
Je n’ai que très récemment commencé de faire une espèce de catalogue avec photos de mes tire-bouchons. Je n’aurai jamais fini, donc je ne pourrai jamais vous en dire le nombre !



Eclectisme et évolution des préférences


Q. Avez-vous eu une préférence pour une catégorie de tire-bouchons ou bien, dit autrement, vous êtes-vous spécialisé sur une catégorie ?

R. Chaque collectionneur a une préférence pour l’une ou l’autre catégorie de tire-bouchons, différente de celle des autres collectionneurs. Cela rend la visite d’autres collections d’autant plus intéressante.
Cette préférence peut varier au cours du temps, voire faire des allées et retour.

Au début, j’étais fasciné par les mécanismes des tire-bouchons de bar, et cela revient en ce moment. Par contre, mon intérêt pour les extensibles n’est pas encore revenu.

J’ai un béguin indéfectible pour les Hagenauer, qui a peut-être pour racines mon appréciation du Jugendstil, et l’Autriche alors toute proche. Cependant, d’une façon générale, je ne suis pas très tire-bouchons figuratifs. 
Une exception : j’adore les trois Amours de 1898 de Carl Bewer que Véronique m’a offert pour mes 70 ans.




Le beau cadeau d'anniversaire de Véronique.


J’ai toujours aimé les cannes à système avec tire-bouchons. Chaque fois que nous allons dans un nouveau pays, je regarde autour de moi, et si je trouve une canne intéressante et apte à voir un tire-bouchon y être incorporé par un génial bricoleur de mes amis, je la ramène. Une bonne ironie dans le domaine est une canne de Shiraz, pays du plus ancien vin du monde, mais aussi pays d’ayatollahs sectaires; cette canne est maintenant dotée d’un bilame !

Tous les tire-bouchons à mécanisme m’intéressent. En dehors d’eux, j’aime beaucoup les bilames et les monolames. 
Les tire-bouchons du XVIIIe siècle, essentiellement du type de ceux qu'on peut admirer au Secq des Tournelles à Rouen, me plaisent beaucoup aussi, mais les prix et le risque de faux sont trop élevés à mon goût !



A chacun sa façon de collectionner


Q. Quels lieux ont votre préférence pour acheter des tire-bouchons et lesquels conseilleriez-vous aux nouveaux collectionneurs : salles de ventes, antiquaires, brocantes, Internet…

R. Chacun doit faire ses expériences. Il y a encore quelques années les brocantes étaient intéressantes. Maintenant seules les plus grandes le restent un peu. 
Les bourses d’échanges des clubs peuvent être d’un bon niveau. 
Internet n’est pas la panacée. Ebay a "un bruit de fond" trop grand, mais la rubrique Ebayana de votre blog est une approche précieuse. 
ICCAuctions reste la Mecque, mais les prix y sont par trop "boostés" par certains pourchasseurs de records !


Q.  Le  phénomène  majeur  de  notre  génération est l'irruption  du  numérique  dans notre  quotidien. Utilisez-vous ces nouvelles technologies pour acquérir ou vendre ? ou bien utilisez-vous l'informatique pour classer votre collection ? Et si oui, comment ?

R. Le numérique est devenu un outil incontournable : il faut donc vivre avec, utiliser ce qu’il peut amener de bon et laisser le reste.
Je vous l'ai dit, je commence seulement à établir le catalogue de mes tire-bouchons. Organiser une classification n’est pas simple du tout. 
Dans le domaine des tire-bouchons, cela est particulièrement ardu, et aucune de celles qui existent actuellement ne me donne pleinement satisfaction. Celle de Ferd Peters est une des meilleures. ScrewBase obéit à une logique qui m’est imperméable et a un thésaurus déjà impressionnant, mais a l’air de s’essouffler en chemin... Essayez donc d’y retrouver le type du dernier tire-bouchon non marqué trouvé lors de votre dernière chine !


Q. Quel sens revêt pour vous votre collection : un challenge personnel ? un sujet d'études ? un investissement ? une occasion de rencontrer des gens partageant votre passion ?…

R. Vraiment à la fois presque rien et presque tout de tout cela. En collectionnant je me fais plaisir, je vais, je viens au hasard de cette collection. Le fait d’aller à une réunion de collectionneurs peut permettre de voir et de vivre des tas d’autres choses à côté. Par exemple, s’il n’y avait pas eu ces réunions du coté de Vancouver en 2016, je ne suis pas sûr que nous ayons jamais fait cette croisière extraordinaire dans le détroit et la mer de Behring.


Q. Vous avez constitué une collection de premier plan et acquis des connaissances importantes. Avez-vous contribué à l'écriture de livres sur les tire-bouchons ? Et dans ce cas sous quelle forme : apport de photos ? d'articles ?…

R. J’ai fort peu contribué, sauf quand cela m’était demandé. Je ne suis pas un écrivain dans l’âme. D’autres sont beaucoup plus aptes que moi à ce genre d’exercice. 
Des livres comme ceux de Gérard Bidault sur les tire-bouchons français, de Ferd Peters et ses "Mechanical Corkscrews" ou de Bert Giulian sur les tire-bouchons du XVIIIe siècle sont vraiment importants. 
Beaucoup d’autres sont des compilations, lesquelles restent utiles à l’occasion de recherches précises. Et certains deviennent des ouvrages de référence, tel le livre de Reinhold Berndt sur les bilames.




Les livres importants de Maurice.


Q. Collectionnez-vous d'autres objets ? Avec autant de passion que les tire-bouchons ?

R. Non. L’envie m’en est souvent venue, mais la raison consistant à améliorer toujours une seule collection plutôt que de s’éparpiller l’a toujours emporté.



Q. Pouvez-vous nous raconter une anecdote qui a marqué votre vie de collectionneur : rencontre, scène de vie, trouvaille inespérée... ?

R. Ma vie de collectionneur est faite d’anecdotes. Chaque intérêt pour un objet sur une brocante, chaque conversation avec un autre collectionneur, chaque visite d’une autre collection, chaque réunion de collectionneurs dans des pays différents avec la découverte souvent de nouveaux lieux, émaille le temps qui s’écoule de  moments précieux. Mais je ne saurais choisir une anecdote particulière...



Le nécessaire engagement dans les clubs de collectionneurs


Q. Vous faites partie des fondateurs du CFTB en 1995. Pouvez-vous évoquer les débuts de cette aventure ? Et faites-vous partie d'autres clubs ? Pourquoi vous semble-t-il important de participer à un club de collectionneurs ?

R. J'étais alors membre du CCCC où j’avais fait la connaissance de Philippe Songy, et j’ai reçu un jour de lui ses "Six préférés" sous une forme que je n’avais jusque-là jamais vue : les photos étaient incorporées dans la feuille du texte. 
Je lui ai demandé comment il avait réalisé ce tour de force, et il m’a renvoyé "vers le facteur" : Gérard Bidault. C’est ainsi que lorsque les deux compères ont pensé créer un club, je me suis retrouvé dans la mouvance.





Le collectionneur des débuts, cigarette "Boyard" aux lèvres.

Photo prise par Gérard Bidault



Habitant à l’époque à Munich, je fais aussi partie des membres fondateurs du Verein Korkenzieher Freunde ou VKF, le club allemand. J'appartiens également au Helix Scandinavica ou HS, le club scandinave, un club très sympathique et convivial, peut-être en raison du relativement faible nombre de ses membres. 
Le "top" reste l’ICCA, mais il faut parler anglais, ce qui malheureusement en exclut la plupart des grands collectionneurs français.



Quand Maurice parle "cash" !


Q. Nous sommes aujourd'hui à un tournant  de l'hélixophilie : la génération des fondateurs est vieillissante, mais nous rencontrons aussi de plus en plus de nouveaux collectionneurs. Quels conseils leur donneriez-vous  pour les aider dans leurs débuts ?

R. Tout d’abord, permettez-moi de dire que j’ai horreur de ce terme d’hélixophilie, et de tous ces termes ridicules sensés définir une collectionnite. 
Pour moi, le débat en la matière a été une perte de temps et d’énergie au sein du CFTB. Dire que l’on collectionne des tire-bouchons crée déjà suffisamment d’étonnement chez les interlocuteurs, sans en rajouter par l’utilisation d’appellations incompréhensibles pour le commun des mortels, surtout quand on a la chance d’avoir une langue dans laquelle l’objet a une meilleure dénomination que dans d’autres, car moins restrictive.

Que les fondateurs vieillissent est dans l’ordre des choses. Que l’âge moyen des collectionneurs soit assez élevé l’est aussi. Il n’y a pas de mystère, les belles pièces sont chères et en général, les moyens que l’on peut consacrer à notre passion tendent à augmenter avec l’âge.




"Améliorer toujours une seule collection plutôt que s'éparpiller."


Conseils aux débutants : évitez la boulimie de pièces bon marché et consacrez plutôt votre budget à un minimum de plus belles pièces. Par ailleurs une bonne connaissance de l’anglais est précieuse : apprenez-le !



-/-


Il est comme ça Maurice, un personnage de cinéma, grognon et généreux comme un Jean Gabin, et que seule sait adoucir la grâce de Véronique... une figure incontournable de notre univers tire-bouchonné !



M


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