mardi 29 juin 2021

ENIGMA N° 68 RESOLUE : UNE BELLE BONDONNIERE XIXe SIECLE



Amis lecteurs, bonjour !


Comme je le supposais, mon ENIGMA N° 68 ne vous a guère résisté,

il s'agissait d'un outil de tonnelier : une bondonnière du XIXe siècle, taillée à la main.




Plusieurs d'entre vous m'ont parlé de râpe de type "queue de rat", mais quel rat à une queue de 2,4 kg et longue de 48 cm ? Et surtout, comment l'utiliser ?

La raison sociale a conforté Jean-Pierre dans cette hypothèse : il a bien vu que la maison ROLAND-AINE & PEYRON était spécialisée au XIX° siècle dans la taillanderie.

Jacky a évoqué avec raison un outil de tonnelier.



Des entailles travaillant en rotation



Pascal y a vu un outil à "faire un trou rond dans du bois". Il a noté la forme et la disposition des entailles et en a conclu qu'elles devaient nécessairement travailler en rotation.

Et tous avaient partiellement raison ! La bondonnière est une râpe à bondes, outil de tonnelier, travaillant par rotation pour réaliser un trou évasé : la bonde, dans laquelle sera ajusté un bouchon tronconique.
Complète, la bondonnière est munie d'une poignée perpendiculaire à la râpe, comme celle d'une tarière. Mais celle que j'ai chinée chez un brocanteur du côté du Mans avait perdue la sienne.



Bondonnière XIXe siècle munie de sa poignée
(Proantic)


Le site histoiresdoutilsartisanaux.fr nous apprend que la bondonnière, aussi appelée losse, lousse, losset ou tarière à esquive, perce au centre de la douve de bonde (la plus renflée du tonneau) le trou évasé où prendra place la bonde, le mot bonde désignant à la fois le trou et le bouchon utilisé pour le fermer.


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Le sujet vaut bien un petit développement sur l'entreprise ROLAND-AINE & PEYRON :
Elle était située dans une commune de l'arrondissement de Saint-Etienne : Le Chambon-Feugerolles (département de la Loire).
Wikipedia nous en dit un peu plus :
Au XVIe siècle, l’activité de la coutellerie s'est développée au Chambon-Feugerolles.
La métallurgie y est apparue dans la seconde moitié du XIXe siècle avec notamment  l’installation des usines Crozet-Fourneyron, Claudinon, Chambert... puis pendant la Première Guerre mondiale celle de Forges et Camargue qui produisait des aciers spéciaux. Les fabrications étaient assez variées : limes, pièces forgées ou moulées, éléments pour l’armement, outils… 
En 1880, la ville recensait 480 métallurgistes (772 en 1912), environ 1 000 ouvriers de forge et 900 pour la taille des limes.

La maison ROLAND-AINE & PEYRON, fondée en 1862, revendique dans ses correspondances son statut de Manufacture de limes, râpes et aciers, avec pour logo le dessin d'une abeille.



Facture 1908, en vente sur eBay.


On notera le gage de qualité donné en bas de page : "Toutes les limes de notre fabrication sont taillées à la main et non mécaniquement."

Le site arcoma.fr nous éclaire sur la fabrication des limes dans un article consacré à l'histoire des tailleurs de limes du pays du Gier (voisin du Chambon-Feugerolles) :
"La construction [de la machine à tailler les limes] a pour objet que la lime avance à la rencontre du ciseau qui doit la tailler, d'une quantité uniforme à chaque levée de marteau ; que le marteau lève également à chaque passage de levées sur l'arbre tournant, afin que les entailles que forme le ciseau soient d'une profondeur égale, et que le ciseau, relevé par un ressort, se dégage de lui-même des tailles de la lime… Le tranchant du ciseau doit être bien dressé et adouci sur la pierre à huile afin que la lime soit bien taillée. On pose les limes sur du plomb ou de l'étain afin que le côté taillé ne se meurtrisse point lorsqu'on taille le côté opposé."  [...]
"En 1838, une équipe d'ingénieurs ou d'artisans rédige le Dictionnaire de l'industrie manufacturière, commerciale et agricole. A leur tête, par ordre alphabétique, on trouve M. A. Baudrimont. L'euphorie de l'abbé Jaubert ne semble plus de mise. Les machines à tailler les limes - la première a été conçue vers 1700 ; l'auteur en décrit 4 -  sont plus ou moins abandonnées. Elles n'égalent pas la taille manuelle de la lime, "opération que des jeunes filles font sans se gêner, en chantant, en causant entre elles !"

Ce fut manifestement le choix de ROLAND-AINE & PEYRON !


Quant au devenir de l'entreprise, le catalogue de la Manufacture française d'outils, limes et râpes Jacques ROLAND de 1947, successeur, présenté sur le site archive.org, indique que :
"75 ans plus tard, en Janvier 1937, bénéficiant de trois quarts de siècle d'expérience, cette Manufacture constituée en Société à Responsabilité Limitée sous la dénomination "Etablissements Jacques ROLAND" fut réorganisée, modernisée, pourvue dans de nouveaux et spacieux ateliers d’un outillage perfectionné."



Seule la couverture du catalogue est accessible sur le net.


Une SARL "Etablissements Jacques ROLAND" semble toujours présente rue Gambetta à Le Chambon-Feugerolles, mais le site sirensiret.fr ne propose aucune information la concernant.


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Cette belle et ancienne bondonnière nous aura fait voyager !
Merci à vous tous d'avoir essayé de résoudre mon énigme et bravo à Jean-Pierre, Pascal et Jacky qui ont approché au plus près de la réponse !


M


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