mardi 19 janvier 2016

DEUX MYSTERIEUSES BOUTEILLES ANCIENNES



Amis collectionneurs, bonjour !

Petites trouvailles faites aux Puces de Metz ce mois-ci, deux belles bouteilles anciennes nous invitent au voyage aujourd'hui.



Bouteille de champagne XVIII° et litre Cicile-Benit.

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La première, celle de gauche sur la photo, vient d'une maison avec cave, vidée près d’Épernay.
C'est déjà dire qu'il s'agit d'une bouteille de champagne !

L'expert en la matière, et ma référence donc, c'est Benoît Tassin : je vous renvoie à l'article que je lui avais consacré il y a deux ans :

Ma bouteille est lourde et de couleur vert sombre, elle est pansue et a les épaules tombantes... 
Elle est profondément piquée, avec des ébréchures, traces du pontil.
Et elle penche un peu !
Elle a le col strié, court et évasé, au bord tranchant.
Le goulot est bordé d'un cordon irrégulier appliqué à la cordeline. Il est cassé par endroits et garde là des traces d'oxydation dues à  la ligature au fil de fer.



Col évasé, cordon rapporté, partiellement cassé.


Le verre dans lequel la bouteille a été soufflée compte presque autant de bulles ... que le champagne qu'elle pouvait contenir !

Voici les signes distinctifs de cette bouteille de champagne :
Verre : strié, nombreuses bulles ou "bouillons".
Couleur : vert foncé.
Masse : 1060 g
Capacité : 78 cl (à - 3 cm).
Hauteur : 27 cm
Diamètre corps : 9,8 cm
Diamètre intérieur goulot : 1,7 cm.
Diamètre extérieur goulot : 2,8 à 3,1 cm.
Origine : cave champenoise, près d’Épernay.
Lieu d'acquisition : puces de Metz (Moselle), 09 janvier 2016.

Mon commentaire :  
La forme pataude, rustique et imparfaitement maîtrisée de cette bouteille champenoise me conduit à la dater de la fin du XVIII° siècle.


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La seconde bouteille ou bouteille CICILE-BENIT est une énigme ... qui ne trouve que partiellement sa solution !

Grande et équilibrée, c'est une bouteille soufflée à la bouche dans un moule.
La piqûre en auge est régulière et comporte une protubérance centrale correspondant à la trace du pontil.
Portant le sceau de ses propriétaires, cette bouteille ne manque pas d'allure. 
Mais elle a beaucoup servi, comme en atteste l'usure de sa surface.
Le sceau ou cachet de verre imprimé en relief au niveau de l'épaule indique en couronne CICIL-BENIT À VITRY avec une mention LITRE au centre.

Signes distinctifs :
Verre : strié, nombreuses bulles, usure quasi générale par frottements.
Couleur : vert foncé.
Masse : 960 g
Capacité : 97 cl, à 3 cm du haut du goulot ou "à - 3 cm", ... alors que la bouteille prétend "tenir le litre" !
Hauteur : 27 cm
Diamètre corps : 10,0 cm
Diamètre intérieur goulot : 1,8 cm
Diamètre extérieur goulot : 2,9 cm.
Origine : Meuse.
Lieu d'acquisition : puces de Metz (Moselle), 09 janvier 2016.

Mon commentaire : 
La forme régulière et la capacité annoncée d'un litre me conduisent à dater cette bouteille du milieu du XIX° siècle, après l'obligation faite à partir de 1840 d'utiliser le système métrique pour les unités de mesure.

L'usure de surface témoigne de multiples réemplois : cette bouteille devait contenir du "vin tranquille", rouge ou blanc, et être consignée. 
Le sceau du propriétaire nous permet d'aller plus loin dans l'identification.



Sur ce "LITRE", un sceau "CICILE-BENIT À VITRY".


La maison Cicile-Benit est attestée à Vitry-le-François, dans l'Almanach des 500 000 adresses Firmin-Didot de 1852 : la profession indiquée est celle de "distillateur-liquoriste".

Les Mémoires de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne, édités en 1968 et aujourd'hui archivés à la BNF, évoquent les liens anciens entre les vignobles lorrain et champenois. 
Ils nous apprennent notamment qu'au XIX° siècle, une famille Cicile "originaire de Liverdun, près de Nancy, vit en même temps quatre frères négociants en vins à Verdun, à Pagny-sur-Meuse, à Vitry-le-François et à Reims, les deux derniers y fabriquant du champagne". 
Il s'agissait, nous dit-on, de Jean-Nicolas (1792-1867) à Verdun, Antoine (1804-1886) à Vitry-le-François, Jean-Baptiste (1808-1855) à Pagny-sur-Meuse, et Jean-François (1811-1895) à Reims.
On trouve aussi dans ces Mémoires une allusion au marquage "Cicile-Benit" : 
"La région de Vitry a profité parmi les premières de la proximité de l'Argonne où la fabrication industrielle des bouteilles prédomina. On y trouvait [...] des [bouteilles] du XIX° siècle, allongées en forme de poire, avec la marque, par exemple, de Cicile-Benit également en relief sur un cachet de verre".




















Extrait, page 148, des Mémoires 
de la Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne.


Un autre document, plus tardif mais incontestable puisqu'il s'agit d'une annonce légale publiée dans le Bulletin Meusien de 1930 (également retrouvé dans Gallica), nous éclaire sur le patronyme "Benit".
L'annonce visait à purger les hypothèques avant vente pour la Ville de Verdun d'un terrain ayant notamment appartenu précédemment à "M. Jean-Baptiste Cicile, négociant, et Madame Jeanne-Noémie Benit, son épouse, demeurant ensemble à Verdun, décédés".

Les bouteilles "Cicile-Benit à Vitry" portent donc la marque d'un des frères Cicile, Jean-Baptiste, et de son épouse, Jeanne-Noémie Benit, lesquels n'étaient pourtant installés ni à Vitry-le-François, ni à Pagny-sur-Meuse, mais à Verdun ! 
C'est aussi chronologiquement étonnant que des bouteilles utilisées à Vitry portent la marque de Jean-Baptiste, premier décédé de la fratrie, en 1855 !

Il n'en reste pas moins qu'on a trouvé à Vitry-le-François des bouteilles identiques à la mienne et marquées Cicile-Benit à Vitry !


Les bouteilles anciennes sont parfois difficiles à faire parler, tandis que d'autres nous offrent de beaux voyages dans le temps et dans l'espace...




M


2 commentaires:

  1. Bonsoir

    Ca me fait bizarre votre histoire car je suis une descendante des Cicile-Benit qui ont une chapelle mortuaire au cimetière de Vitry-le-François...Ce sont mes lointains ancêtres du côté de ma mère, dont je ne connais pas beaucoup de choses. Mon grand-père Emile Paillard était un de leurs descendants, il était négociant en Champagne sur la Montagne de Rheims, les Champagnes Paillard. L'affaire s'est éteinte en 1950-60 au moment des rachats des petits négociants par les grandes maisons. Si vous trouvez d'autres ou une autre bouteille Cicile-Benit, je suis intéressée. Nous mangeons encore pour les grandes occasions sur des nappes en lin brodées de la famille avec les initiales "C-B" qui datent du 19ème siècle, comme quoi il n'y a pas que les bouteilles d'increvable, mais aussi ce que les pauvres femmes au foyer s'escrimaient à élaborer ! C'est toute une histoire qui reste à travers ces objets...En tout cas, merci pour votre partage, ça me fait voyager...

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  2. Bonsoir,
    Merci pour votre commentaire sympa.
    J'ai toujours gardé la bouteille "Cicile-Benit à Vitry" qui vous intéresse : nous pouvons en discuter.
    Merci de m'adresser un mail à l'adresse du blog : leblogdestirebouchons@gmail.com
    Nous pourrons ainsi échanger directement.
    Cordialement,
    Marc

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